Si la chancelière Angela Merkel n'a pas toujours su faire preuve d'audace sur le plan de la politique européenne, faisant preuve d'hésitation voire d'hostilité pour concrétiser le plan d'aide à la Grèce, elle rencontre aussi nombre de difficultés dans son propre pays qui constituent autant d'embûches pour une possible réélection en 2013.
Une Allemagne plus fort qu'avant la crise
Angela Merkel est un peu dans la situation de Nicolas Sarkozy : les sondages se suivent et se ressemblent et ils ne sont pas favorables à la chancelière. Mais elle croit à sa réélection persuadée qu'elle a bien travaillé pour son pays.
Comme elle le disait récemment, l'Allemagne sort plus forte de la crise que lorsqu'elle est y est entrée
Cela ne suffit pas hélas. Le parti de la chancelière a subi cinq revers électoraux successifs lors de cinq élections régionales et lors des élections de Berlin à la fin du mois, le maire social-démocrate devrait être réélu haut la main. Ce signal négatif n'est pas le seul. Le parti libéral, son allié au gouvernement, disparaît quasiment de la scène politique régionale. Ce dernier, à force de développer des idées qui le campent dans une position de repli ( moins d'Europe, moins d'impôts, donc moins de solidarité) n'est plus à l'unisson des électeurs.
Existe-t-il une possibilité pour la chancelière de renverser la tendance ? On sait que sa réélection sera difficile, mais elle n'a pas dit son dernier mot.
Le plan d'aide à la Grèce validé par la cour constitutionnelle
Plusieurs perspectives s'offrent à elle : elle pourrait décider de changer d'alliance et de gouverner avec le SDP ( sociaux-démocrates) tout en conservant la chancellerie. Elle sait aussi que l'électorat de droite et conservateur lui étant acquis, elle pourrait décider de gouverner au centre pour récupérer les voies des électeurs modérés puisque l'on sait que dans les grandes démocraties, les élections se jouent au centre
Sur le plan de la politique européenne, on connaît les difficultés qu'elle a rencontrées pour faire adopter le plan d'aide à la Grèce. Elle doit d'ailleurs d'ici la fin du mois, retourner devant le Bundestag pour obtenir un nouveau vote sur ce sujet brûlant et sensible. Elle pourra en tout cas se prévaloir d'une décision favorable sur ce point rendu par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, dont les juges ont estimé que ce vaste plan d'aide financière par l'Union européenne et avec la participation de l'Allemagne n'était pas de nature à réduire la souveraineté du pays.
Or la chancelière semble de plus en plus acquise à la nécessité d'une intégration européenne renforcée. L'un de ses proches a même récemment parlé "d'Etats-Unis d'Europe". En effet, même si le nom n'est pas prononçable, le débat qui tourne autour de la gouvernance économique ou du gouvernement économique montre bien que l'Allemagne est condamnée à aller de l'avant en matière de construction européenne.
Préserver l'héritage des Pères-fondateurs
La chancelière a aussi également évoqué l'héritage des Pères fondateurs de l'Europe. Angela Merkel, qui a grandi dans l'ancienne Allemagne de l'Est et dont le père vient de mourir, ne peut en effet oublier que c'est grâce à l'Europe que son pays a pu enfin se réunifier, se reconstruire sur de nouvelles bases et au final, devenir encore plus fort et plus ouvert sur le monde.
Dans une période où l'euro-scepticisme l'emporte souvent sur la ferveur européenne, il est important de savoir que nos dirigeants croient encore dans les vertus des valeurs inculquées par les Pères fondateurs. Angela Merkel a encore jusqu'en 2013 pour convaincre, à moins que des élections anticipées aient lieu, soit si une perspective favorable se profile pour son parti, soit si le vote de la fin du mois au Bundestag devait révéler des tensions internes à la coalition rendant impossible le maintien du gouvernement sous sa forme actuelle.
Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.