Alors que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel s'étaient rencontrés il y a une semaine à Berlin pour mettre au point le scénario pour faire face à la crise de la dette grecque et malgré les divergences qui les opposaient, le tandem franco-allemand s'était finalement mis d'accord sur des pistes d'action devant être proposé lors d'un conseil européen qui devait avoir lieu les 18 et 19 octobre.
Face cependant à l'imprécision des résultats de ce sommet et probablement parce qu'il eut été prématuré de formuler des propositions précises, enfin en raison aussi d'une certaine réticence de certains autres dirigeants européens non consultés, le conseil européen a été reporté sine die au 23 octobre afin de permettre aux Européens de proposer des solutions ambitieuses et surtout cohérentes dans la perspective de la réunion du pays du G20 à Cannes au début du mois de novembre, sur lequel Nicolas Sarkozy compte probablement beaucoup pour se remettre en selle après l'épopée médiatique des primaires du parti socialiste.
C'est aussi précisément au cours de cette semaine que les esprits se sont échauffés conduisant à une réelle fébrilité sur la scène européenne.
La charge de Jean-Claude Junker contre Nicolas Sarkozy
A commencer par la tonitruante charge de Jean-Claude Junker, le premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe, contre le chef de l'Etat français. "Tout ce que décident la France et l'Allemagne ne devient pas automatiquement une décision de l'Union européenne, dit M. Juncker au quotidien allemand Handelsblatt. Si vous regardez les douze derniers mois, environ 70 % des propositions franco-allemandes n'ont pas abouti à une décision."
Comme si une telle pique ne suffisait pas, le premier ministre luxembourgeois enfoncé le clou : le gouvernement économique de la zone euro, tel que les pays membres de l'Union monétaire se sont engagés à le mettre en uvre, "ne doit pas être un commando franco-allemand", alors que "L'expérience montre que cela sera principalement un commando français", a-t-il ajouté, "mais coordination de la politique économique ne peut pas vouloir dire : j'atterris à Paris et je roule à l'aveuglette derrière une voiture marquée 'follow me' [suivez-moi]". Nicolas Sarkozy a dû apprécier.
Mais il faut dire que les relations entre le doyen de la scène européenne et Nicolas Sarkozy n'ont jamais été cordiales depuis que le président français aurait souhaité lui ravir la présidence de l'Eurogroupe
Car en effet, une telle sortie contre le président français ne peut s'expliquer que par cette incompréhension. Mais elle reflète également un sentiment plus profond : Jean-Claude Junker s'est ainsi fait le porte-parole des petits et moyens pays de l'Union européenne qui vivent assez mal ce directoire de fait de l'Union européenne, mais qui n'osent pas s'opposer aux orientations qui sont proposées face à la gravité de la crise que connaît aujourd'hui l'Union européenne et préfèrent agir en coulisses
Le psychodrame slovaque
D'ailleurs pendant que Jean-Claude Junker prenait ainsi positon, un psychodrame se nouait à Bratislava
Bratislava était en effet la dernière capitale européenne à ne pas avoir encore ratifié le Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui prévoit de réunir 440 milliards d'euros à mobiliser en cas de renforcement de la crise de la dette
Une telle situation n'étant pas tenable politiquement, le même Parlement slovaque finissait le lendemain par dire « oui »
et cela était immédiatement salué par une victoire par Herman van Rompuy, le président du conseil européen
Enfin, vendredi, José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, faisait une nouvelle tentative de réapparition sur la scène européenne en proposant (comme nous l'avions alors suggéré dans le journal La Croix du 25 août) la mise en place de véritables amendes financières (sur le plan pénal) pour les institutions qui agiraient ainsi de façon malhonnête.
Un G20 désuni...
Las, les ministres de l'économie et des finances du G20 réunis à Paris ce week-end rejetaient majoritairement l'idée même d'une taxe sur les transactions financières ; autant dire que la possibilité de créer une sorte de délit financier au plan européen a peu des chances d'aboutir. Mais le président de la commission a enfin formulé une idée qui pourrait faire son chemin
Le rôle de l'Europe sera donc cette semaine décisif ; elle joue en partie sa crédibilité et sur sa capacité à présenter une ligne de conduite efficace pour les semaines qui viennent. La pression est intense et le secrétaire américain au trésor Timothy Geithner a mis ce week-end à paris la pression sur l'Europe
Le prochain épisode se jouera donc le 23 octobre prochain en espérant que d'ici là, un nouveau cataclysme économico-boursier ne vienne pas mettre à bas tous ces efforts
Patrick Matin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes