Il y a exactement une semaine s'ouvrait à Bruxelles le conseil européen extraordinaire-dit de la dernière chance- afin de clore définitivement la menace qui pesait sur l'Europe, l'euro, la Grèce et les banques européennes menacées de faillite en raison de la crise de la dette "souveraine".
Il existait une telle attente de la part des opérateurs financiers et des principaux acteurs de la finance internationale que les dirigeants européens n'avaient pas le droit à l'erreur.
Un conseil européen victorieux et un état euphorique
Apparemment, les résultats ont été à la hauteur des espérances. Il était donc décidé, comme cela avait été annoncé la veille aux sénateurs par le ministre des Affaires européennes, de porter les disponibilités financières du fonds européen de stabilité financière à 1000 milliards d'euros afin de contrer de façon efficace toute vague spéculative destructrice.
En revanche l'idée d'infliger des sanctions financières avaient été abandonnées depuis que certains Etats avaient fait connaître leur hostilité à cette idée et l'idée d'impliquer la BCE directement était également oubliée
Les banques étaient fortement contraintes dans la nuit de renoncer à 50% de la dette grecque, permettant ainsi à cette dernière de devenir "plus crédible", comme si une dette de grande ampleur sans garantie de solvabilité pouvait présenter une apparence de crédibilité
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Le lendemain, les bourses enregistraient des hausses pouvant aller jusqu'à 5%. L'euphorie était de retour et tout allait se régulariser.
Puis le doute voire l'angoisse
Mais hélas, l'euphorie fut de courte durée. Le doute succédait rapidement aux espoirs qui avaient suivi ce conseil européen.
Si les responsables politiques y allaient de leurs commentaires, certains économistes critiquaient d'emblée les faiblesses techniques des résultats de ce conseil. Comme lors de la rencontre Merkel-Sarkozy qui avait eu lieu quelques jours plus tôt, ceux-ci pointaient du doigt une fois de plus les " flous" entourant les principales résolutions des chefs d'Etat et de gouvernement.
Certes, le FESF serait ainsi doté de 1000 milliards d'euros ; mais selon quel mode de financement dès lors que le président français annonçait que les Etats ne donc les contribuables ne seraient pas mis en tout cas excessivement à contribution ?...Les économistes faisaient également part de leurs doutes autant à l'effacement de 50% de la dette grecque, qui ne serait pas de nature à rassurer les opérateurs financiers dès lors que cette opération n'aurait pas pour effet de restaurer la crédibilité de l'Etat grec sur les marchés et que nonobstant cette restructuration de la dette, si l'on comprend bien, les effets de la crise de confiance pourraient se retrouver via d'autres circuits financiers notamment le marché des obligations.
Le doute s'installait aussi dans l'esprit des responsables politiques. François Bayrou-l'Européen sincère et convaincu- faisait valoir que l'arrivée de la Chine dans le financement du FESF viendrait obérer sérieusement l'indépendance de l'Europe, sans que l'on sache à ce stade ni combien la Chine allait financer ni même quels seraient les apporteurs de fonds à ce FESF.
Il y a encore quelques heures enfin, des banquiers et économistes reprenaient la parole pour dire qu'il devenait enfin urgent que la BCE sorte de sa position quelque peu attentiste et qu'elle s'engage rapidement et directement sur le marché de la dette grecque sauf à repartir dans un scénario catastrophe et ce alors même que Jean-Claude Trichet cédait sa place comme président de cette institution à l'italien Mario Draghi. L'Italie étant elle-même dans un situation on ne peut plu fâcheuse.
Et voilà le référendum grec !
Comme pour couronner le tout, voilà que le Premier ministre grec vient d'annoncer la tenue d'un référendum pour faire approuver son plan de redressement à son peuple. Consterné par cette annonce, Nicolas Sarkozy appelait alors Angela Merkel au téléphone
Ce référendum, s'il devait échouer, mettrait certainement à bas des mois d'efforts et laisserait alors la place à un champ de ruine avec des bourses qui pourraient alors afficher des encéphalogrammes plats ! Quid des banques qui pourraient alors aussi y laisser définitivement des plumes ?
Mais que faire ? Dissuader Andréas Papandréou d'aller plus loin dans son idée de référendum ? Il n'apparient pas à l'Europe d'interdire à un responsable politique de consulter son peuple sur un enjeu primordial. Certes, il eut été probablement plus pertinent d'obtenir un vote du Parlement et malheureusement l'opposition a fait preuve en l'espèce d'une totale irresponsabilité ; il est des moments dramatiques où l'intérêt du peuple doit primer avant tout, en passant par la constitution d'un gouvernement d'union nationale.
En tout état de cause, la France et l'Allemagne ont d'ores et déjà fait savoir qu'elles resteraient fermes quant aux engagements la Grèce. Il n'y a pas le choix en effet
Dur G 20
Enfin, demain s'ouvre à Cannes le sommet du G20. L'Europe espérait y arriver sûre de son bon droit grâce aux mesures prise la semaine dernière ; gageons que cela sera encore vrai. Il n'en demeure pas moins que sa position va être fragilisée par l'annonce du référendum grec
Si l'on ne veut pas que le sommet se termine en polar qui aurait pu figurer à la une du festival
de Cannes, l'Europe va devoir jouer rangs serrés et ce alors même que les autres Etats, dont les Etats-Unis, vont devoir également s'expliquer sur le montant d'une dette qui, elle aussi on a tendance à l'oublier, fait peser une menace sur le monde
Le sommet de Cannes ne se résumera à une une promenade tranquille sur la Croisette-qui sera désertée de ses touristes et habitants- ni à une villégiature dans les hôtels de luxe qui la bordent
Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.