par Jean-Guy GIRAUD , le jeudi 08 décembre 2011

À la veille de la réunion - présentée comme celle "de la dernière chance" - du Conseil européen des 8 et 9 décembre 2011, on est particulièrement frappé par deux aspects tout à fait inusités :

- l'état d'impréparation politique et juridique (du "jamais vu" selon des observateurs expérimentés) des questions qui seront soumises aux 27 chefs d'État et de Gouvernement,

- la marginalisation totale des Institutions communautaires, en premier lieu de la Commission - mais aussi de l'institution "Conseil" elle-même et du Parlement européen,

le deuxième constat expliquant largement le premier.



Les propositions germano-françaises concernent principalement les moyens de faire respecter la discipline budgétaire commune par les Etats membres de l'Eurogroupe.

Elles envisagent en résumé un contrôle préventif au niveau national ( la constitutionnalisation de la "règle d'or", authentifiée par la Cour de Justice européenne) et un quasi automatisme des sanctions au niveau européen en cas de rupture de la règle.

Ces mesures seront proposées aux 27 et se matérialiseront, en cas d'accord, par une révision "accélérée" et limitée des Traités. En cas d'opposition déclarée (dans quelle limite de temps?) par un seul des 27, ces règles feront l'objet d'un (nouveau) Traité extra-communautaire (après celui instituant le "Mécanisme européen de stabilité") entre les 17 - ou moins que les 17 si certains d'entre eux les refusaient.

On est effectivement impressionné par la fragilité politique et juridique de cette construction (par exemple l'irruption du droit communautaire et de la Cour de justice européenne dans les ordres constitutionnels nationaux - ou l'empilement des pactes,accords et traités de natures juridiques diverses) qui ne manquera pas de susciter la perplexité des Gouvernements exclus des travaux et explications préparatoires.

On remarquera que les deux gouvernements concernés se sont pourtant félicités de la méthode - intergouvernementale - qui leur a permis de mettre sur pied ces propositions et qu'ils ont confirmé leur préférence pour une "Europe des Gouvernements" en prévoyant dorénavant une réunion mensuelle du Conseil européen.

N'était la gravité politique de la situation financière de l'UE, on devrait s'attendre à des critiques constructives mais substantielles de ces procédures et propositions par la Commission et par le PE. La conjoncture économique et financière internationale les incitera toutefois, et à juste titre, à la plus grande modération.

Mais quels que soient les résultats du Conseil européen des 8/9 Décembre, le Parlement européen devrait être enfin convaincu :

- qu'une consolidation et une remise en ordre profondes des dispositions des Traités relatives à l'UEM sont incontournables, indépendamment de la crise financière actuelle,

- que ni un État membre, ni la Commission ne sont susceptibles de prendre l'initiative de révision telle que prévue à l'article 48 TUE (lequel ne mentionne pas M. Van Rompuy)

- que donc seul le PE peut ( après Janvier 2011) prendre cette initiative indispensable et qu'il possède les moyens politiques et techniques et les délais suffisants pour le faire,

- que le risque de non-coopération d'un ou plusieurs États membres à l'exercice de révision n'est pas une raison politique ni même juridique suffisante pour se résigner à l'inaction,

- que la confirmation d'une marginalisation auto-assumée du PE dans un contexte de crise existentielle de l'UE saperait gravement sa légitimité politique et publique dans la perspective de 2014.


Jean-Guy Giraud est président de l'UEF France

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