par , le jeudi 15 décembre 2011

Femmes et hommes de sensibilités et de nationalités multiples, nous nous engageons à participer aux efforts de sauvegarde de l'Union monétaire et de relance de l'intégration européenne. Face à une situation très difficile, nous avons tous des responsabilités à prendre. La mobilisation des citoyens aux niveaux local et national, et la fédération de leurs actions au niveau communautaire seront le fondement de la réussite.


Négocier un Traité pour l'Eurozone en associant les pays candidats
Il est urgent de commencer à réformer l'architecture de l'Eurozone pour la doter d'un socle de solidarité et d'une capacité de gouvernement. Ainsi pourrons-nous dissiper les peurs des investisseurs, calmer les marchés et assainir les comptes, tout en commençant à restaurer la compétitivité et le potentiel de développement durable dans toute l'Europe.

Or le Traité de Lisbonne ne permet pas à lui seul d'engager une première étape significative et la règle de l'unanimité est une entrave essentielle dès lors qu'un Etat veut garder l'entière indépendance de sa politique économique.

Aussi la décision de 26 Etats d'engager un processus de réforme des Traités afin d'établir une capacité de gouvernance économique et de renforcer la convergence et les solidarités répond à une nécessité. La méthode intergouvernementale était la seule possible mais elle se conjuguera à la méthode communautaire ; et la porte reste ouverte à la Grande-Bretagne pour qu'ultérieurement le Traité intergouvernemental s'inscrive dans le Traité de l'Union européenne.

Trois piliers pour sauver l'Eurozone
Notre souhait est que le Traité intergouvernemental voie le jour et soit mis en œuvre rapidement pour une première étape. Sa mise au point et sa ratification doivent avoir lieu dès le premier semestre 2012, et bien entendu le débat sur le contenu est légitime. Gouvernance, discipline budgétaire et solidarité seront renforcées et la création d'un Fonds monétaire européen est particulièrement appréciable. Mais Comment ceci peut-il aller de pair avec des politiques de soutien de la croissance et de compétitivité ? Ce travail reste à faire. Nous savons que les principaux outils nécessaires à cet effet sont communautaires – le marché intérieur, le budget principalement. L'action intergouvernementale et l'action communautaire vont dont devoir trouver les moyens de se marier pour permettre ensemble discipline et croissance. Nous considérons à cet égard que la discussion sur les eurobonds n'est pas close ; diverses options sont sur la table, il faut les examiner.

A nos yeux, la consolidation par étapes de l'Eurozone doit reposer sur trois piliers.

1/ Le premier, que la crise a rendu évident avec l'éclatement de la crise des dettes souveraines, consiste à établir une politique budgétaire commune. Depuis le Traité de Maastricht en effet, l'Union monétaire est bancale : une politique monétaire unique, des politiques budgétaires fragmentées et divergentes. La discipline prévue et la surveillance centralisée pour le rétablissement des finances publiques nationales devront être conçues de façon à ce que sa programmation et le redéploiement des ressources ne provoquent pas la récession et contribuent à l'investissement. D'autre part, l'Eurozone doit faire bloc pour obtenir que la réforme du Budget communautaire le dote de fonds propres, et au-delà des garanties européennes sur les projects bonds, elle en fasse un levier d'action conjoncturelle axé sur la relance de l'investissement humain et productif. L'émission d'euro-obligations pourra être expérimentée afin de mutualiser des ressources en fonction d'objectifs communs de stabilité et de croissance.

2/ Le deuxième pilier de la consolidation de l'UEM, c'est le rétablissement de la compétitivité et du potentiel de croissance de tous ses membres. Les divergences de compétitivité entre eux sont en effet la cause la plus profonde de désintégration. Chaque État en difficulté, devra procéder à des ajustements structurels majeurs visant notamment à réhabiliter l'industrie et les compétences professionnelles. Mais aucun pays ne pourra y parvenir sans une forte coopération. Les signataires du Traité intergouvernemental devront être capables de définir des projets communs et de mutualiser des ressources pour les réaliser.

3/ Le troisième pilier est un investissement social puissant et solidaire. Les références à l'économie sociale de marché ne doivent pas masquer l'exigence d'un grand renouvellement. Les bons objectifs énoncés dans « Europe 2020 » doivent être accompagnés d'actes conséquents. Nous voulons que soient énoncés les incitations et le mode de participation des acteurs économiques et sociaux qui permettront d'avancer vers un nouveau welfare social : un renouveau de la formation et de l'emploi, un meilleur emploi des capacités humaines, l'insertion des jeunes sur le marché du travail et l'accompagnement dans les transitions professionnelles.

En matière de gouvernance, le Traité intergouvernemental devrait permettre de promouvoir une politique économique et financière pour l'Eurozone. Encore faut-il qu'il dispose d'organes de travail suffisants. Nous pensons qu'on pourrait commencer dès 2012 par l'institution d'un ministère européen de l'Economie et des Finances. Il sera codirigé par des représentants de la Commission et des États concernés, décidant à une majorité surqualifiée, et sous le contrôle des parlements nationaux et européen.


Un pacte pour l'achèvement et la rénovation du marché intérieur et la cohésion de l'Union
La Grande-Bretagne veut défendre l'intégrité du marché unique. Nous aussi, mais il faut nous entendre sur les conditions de son appropriation et de sa rénovation – actuellement engagées dans le cadre de la méthode communautaire. Si l'intégrité du marché est menacée, n'est-ce pas notamment parce que la libéralisation financière n'avait pas été équilibrée par une régulation appropriée, et la compétition par la coopération ? Nous nous engageons à faire connaître les efforts de la Commission et du Parlement, tant pour la régulation et la supervision financières que pour « l'Acte pour le marché unique : ensemble pour une nouvelle croissance » et les projets de renforcement des infrastructures européennes (« Connecting Europe »). Nous souhaitons nous impliquer davantage encore dans une nouvelle phase de ces travaux, axée sur le financement des PME et du long terme, la taxation des transactions financières, les biens publics, et la transformation du grand marché en camp de base des entreprises européennes dans la mondialisation.

Des pare-feux dès maintenant
La création d'un Fonds Monétaire Européen s'accompagnera d'une coopération nouvelle avec le FMI. Le président de la BCE a affirmé qu'en appui d'un engagement des Etats dans la voie d'une Union fiscale, la BCE jouerait pleinement son rôle de prêteur en dernier ressort pour les banques et plus largement pour assurer la stabilité financière et un développement soutenable de la zone euro.

Mais les Etats et la Commission devront aussi endiguer la récession qui menace, en proposant un plan de relance de l'investissement et d'action sociale visant à prévenir l'aggravation des licenciements et du chômage.

Un engagement des sociétés avec des dirigeants et des élus plus responsables
Ce qui en jeu aujourd'hui n'est pas, pour le moment, une nouvelle tentative de grande réforme constitutionnelle, mais une première étape. Il est crucial de relever le défi démocratique : nous devons d'urgence chercher une meilleure implication des parlements nationaux et leur association avec le Parlement européen, ainsi qu'une meilleure intégration des forces vives de nos sociétés. Les réformes devront reposer sur une qualité d'information et de débat public. Nous demandons aux dirigeants et aux élus de contribuer à l'éveil des esprits, et de ne pas dessaisir les peuples de leur propre participation. Ainsi jugeons-nous que le devoir des candidats à l'élection présidentielle française, de même qu'aux élections de 2013 en Italie, en Allemagne et ailleurs, est de promouvoir ce débat, en présentant leurs options dans un débat loyal, constructif et porteur d'unité.

Au-delà des réformes envisagées en 2012, il faudra en effet aller plus loin. L'issue à la crise exigera des années d'efforts, le rapprochement des nations, leur désir d'union et leur volonté de coresponsabilité.

Seule l'appropriation des enjeux et des responsabilités par les citoyens, les acteurs sociaux et économiques européens, et les sociétés civiles organisées, permettra de construire une Union économique et monétaire viable, c'est-à-dire solidaire et dynamique, au cœur d'une Union politique de l'Europe. C'est notre tâche à tous et nous nous y engageons dès maintenant.


À Paris, le 14 décembre 2011

Pour Confrontations Europe, Claude Fischer et Philippe Herzog

Pour la Fondation Astrid, Giuliano Amato et Franco Bassanini

Pour Bertelsmann Stiftung, Joachim Fritz-Vannahme et Isabell Hoffmann


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