Les Conseils européens se suivent
mais ne se ressemblent pas. L'accord du 9 décembre est un événement politique. Sans lui, la catastrophe était annoncée. Il acte le fait qu'une refondation de l'Europe de Maastricht est nécessaire pour affronter la crise et construire une véritable union budgétaire et fiscale. Angela Merkel a particulièrement insisté sur ce point : "nous avons appris de nos erreurs passées", "il faut mettre un terme à 10 ans de flottement" en démontrant notre engagement fort et commun en ce sens. L'Eurozone entière est à risques comme en témoignent les avertissements répétés des investisseurs.
Ce sont les limites de sa construction même qui sont épinglées ; le Royaume-Uni connait les mêmes difficultés budgétaires sans être autant attaqué. Seule une véritable union budgétaire et fiscale inscrite dans un traité peut rendre sa crédibilité à la construction européenne.
Malgré toutes les difficultés entourant une telle démarche, une réforme des traités actuels était à nos yeux, la voie à suivre(1). Mais c'était sans compter sur l'intransigeance britannique. On peut regretter le retrait britannique, notamment parce qu'il complique la construction juridique des nouvelles propositions. Mais cet accord entérine bien un pas en avant vers une plus grande intégration. Tout le paradoxe réside dans le fait que cette intégration se fait, de facto par voie intergouvernementale et non communautaire. Entre la position fédéraliste allemande, la perplexité de la Commission et le débat français sur le refus de délégation de souveraineté, les lignes sont loin d'être claires. La Commission joue un rôle important mais elle n'est pas le gouvernement européen et le Parlement européen, quant à lui, ne dispose pas de pouvoir de décision en matière budgétaire nationale mais son implication aux côtés des parlements nationaux, est essentielle. L'engagement des Etats dans un tel processus d'intégration est indispensable, les chefs d'état et de gouvernement restant les premiers responsables aux yeux des citoyens. Tout le défi réside dans la construction d'une nouvelle gouvernance capable d'établir la stabilité et de redynamiser la croissance de l'eurozone et de toute l'Union dans un monde globalisé. Les controverses juridiques ne font que commencer, espérons qu'elles ne fassent pas exploser la machine en vol et qu'elles ne monopolisent pas le débat au détriment des réalités et impératifs économiques et sociaux.
Si cet engagement constitue indéniablement un tremplin, est-il suffisant pour construire un véritable gouvernement économique? Tout d'abord, on peut dire qu'il permet des avancées sur les mécanismes de pare-feux: l'usage des règles du FMI concernant la participation des investisseurs privés devrait permettre de "corriger la plus grande erreur de la crise" et éviter la panique du cas grec. Ensuite, la mise en place plus rapide, adossée à la BCE et selon des règles d'adoption plus réalistes du nouveau Mécanisme Européen de Stabilité est une bonne chose ; ainsi que l'engagement à abonder le FMI avec une enveloppe de 200 milliards d'euros d'ici Noël. Enfin, une responsabilisation plus grande des Etats membres face à leurs pratiques en termes de dettes et de déficits peut aller dans le bon sens si la notion de règle d'or est clarifiée. Mais est-ce suffisant ? La puissance de feu des fonds européens de secours reste encore limitée et les Etats membres ont confirmé leur choix d'écarter les eurobonds ; les pistes importantes de coordination de politiques économiques (marché du travail, impôt sur les sociétés, taxe sur les transactions financières
) évoquées dans la lettre Sarkozy-Merkel à Van Rompuy n'ont pas été reprises dans l'accord du 9 décembre.
Ces points restent à préciser et la stabilité ne sera acquise que si la confiance pour une nouvelle croissance est rétablie. Il faut investir cette exigence en faisant de ce premier accord et du traité à venir un levier pour aller plus loin. Comme le soulignent très justement à la fois Mario Monti et Joschka Fischer, cet accord est de "vaste portée" mais "le débat sur les eurobonds et le travail sur le gouvernement économique ne font que commencer". Faire converger nos efforts de compétitivité et promouvoir des politiques de croissance sont les deux axes que chacun doit s'engager, en responsabilité, à bâtir. Cela vaut tant pour l'Allemagne - qui ne peut s'en tenir au « tout-stabilité »-, que pour nos leaders politiques en campagne qui doivent s'employer à construire un débat digne de ce nom sur l'Europe en France pour éviter les dialogues de sourds avec Berlin.
A bon entendeur.
Chronique d'actualité n°21 de Confrontations europe
(1) « Manifeste pour une eurozone solidaire et intégrée » par Confrontations Europe, Bertelsmann Stiftung et la Fondation Astrid. Pour le lire et le signer, rendez-vous sur www.confrontations.org
Carole ULMER est Directrice des relations institutionnelles à Controntations Europe
http://www.confrontations.org