par Partick Martin-Genier, le lundi 08 février 2010

Ainsi c'est fini de la lune de miel entre l'Europe et les Etats-Unis d'Obama peut-on lire dans la presse de cette semaine. C'est de nouveau sinon le divorce du moins incompréhension qui s'installe.


Des responsabilités partagées


Il faut dire que les responsabilités sont partagées. Barack Obama n'a pas ménagé ses efforts depuis le début de son mandat pour assister à des réunions internationales sous l'égide de l'Union européenne. Mais les stratèges qui l'entourent l'avaient d'emblée « briefé » : l'Europe ne serait pas la priorité de la nouvelle administration démocrate. On le savait depuis le début, notamment lorsque fut décidé que le premier voyage d'un représentant officiel du président Obama serait pour l'est-asiatique : ce fut le premier voyage officiel d'Hillary Clinton, le secrétaire d'Etat nommé par Obama.

Puis le refus du président américain d'assister à la cérémonie organisée à Berlin à l'occasion de la chute du mur devait confirmer cette méfiance, amplifiée par le désastre du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique.

Prenant acte de ce que l'Europe avait mal organisé ce sommet, avant même l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui ne devait entrer en application que le 1er janvier 2010, le président américain s'était isolé avec les seuls représentants digne d'attention : les représentants de la Chine et de l'Inde, parmi les plus grands pays de la planète avec les Etats-Unis. L'Europe fut alors contrainte à faire de la figuration, malgré l'arrivée de Nicolas Sarkozy sommant ses pairs de tout faire pour éviter un échec. En vain…


Ne pas perdre de temps avec l'Europe…


Cette opérette internationale ne se répèterait pas ! Prenant acte de la perte de temps que représentait désormais de tels sommets aussi coûteux qu'inutiles (time is money), Obama faisait récemment savoir au premier ministre espagnol qu'il ne se rendrait pas au sommet Etats-Unis-Europe organisé à l'initiative de la présidence espagnole.

La déception fut d'autant plus grande que les dirigeants européens croyaient qu'avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l'Europe avait enfin gagné son ticket d'entrée sur la scène internationale.

Mais comment pourrait-on en vouloir aux Etats-Unis alors que l'Europe n'a, depuis quelques mois, fait preuve d'aucune maturité dans la conduite de ses affaires ? Pourquoi donc M.Zapatero a-t-il voulu organiser un sommet UE-Etats-Unis alors que la conduite de la politique internationale incombe désormais au duo formé par le président permanent du conseil européen et à la haute représentante pour la politique étrangère ? Fallait-il laisser au président en exercice de l'Union européenne proposer cette rencontre alors même que les nouvelles institutions tardent à se mettre en place et surtout à se faire une place ?

L'Europe vient de faire preuve une nouvelle fois de son impuissance à s'organiser et on s'aperçoit aujourd'hui que l'ambiguïté résultant de la permanence d'une présidence tournante et d'une présidence stable risque de créer plus de confusion qu'un élan salutaire pour permettre à l'Europe de s'exprimer d'une seule voix sur la scène internationale.

Dans ce cas-là on comprend bien que le président des Etats-Unis, complètement obnubilé par la Chine et l'Asie, soit tenté de laisser l'Europe régler ses problèmes internes.


Que l'Europe cesse de s'autodénigrer !


Récemment, le chef de la diplomatie allemande, à l'occasion du conseil des ministres franco-allemand qui se tenait à Paris, appelait l'attention des Européens sur la nécessité de cesser de dénigrer l'Europe. Certes, ce qu'il faut c'est cesser l'autodénigrement et se mettre d'accord en urgence sur la façon de répartir les rôles. Il ne serait pas crédible que sur un même sujet de politique internationale s'expriment à la fois la ministre des affaires étrangères de l'Union européenne, le président du conseil européen, le président tournant de l'Europe, les Etats eux-mêmes. De la même façon, il serait incongru que lors d'un voyage à Washington, défile tous les acteurs se déclarant eux-mêmes seuls représentants de l'Union européenne. L'Europe se ridiculiserait à coup sûr.

Si ce désordre devait continuer, l'Union européenne ne serait plus prise au sérieux. Est-ce pour cela que les peuples européens et les parlements ont adopté dans la douleur le Traité de Lisbonne ? Certes non ! Alors, il est temps de se ressaisir.



Patrick Martin-Genier, est maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, expert des affaires européennes.

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