C'est désormais un fait acquis : l'aide sera bien aidée voire renflouée, mais cela devra se faire au prix de sacrifices énormes. Ce pays va devoir diminuer de dix points en deux ans son déficit budgétaire. Tel est le prix à payer afin de pouvoir enfin se mettre définitivement à l'abri d'un défaut de paiement qui aurait été catastrophique tant pour les Grecs eux-mêmes que pour les banques européennes créditrices, l'euro et en fin de compte l'Union européenne elle-même.
Le jeu subtil des Etats
Car l'histoire du sauvetage de la Grèce ressemble à s'y méprendre à un billard à 4 bandes. Il y a les pays qui étaient partants pour mettre en uvre une solidarité immédiate pour renflouer sans délai un pays qui non seulement pendant des années a dépensé sans compter, mais a fini par cacher l'état réel de ses finances publiques. Mais les partisans d'une aide immédiate n'avaient pas forcément pris en compte ce qu'il en coûterait aux banques et en fin de compte aux contribuables européens. Parmi ces pays, certains ont peur que le scénario grec pourrait débarquer à leurs portes plus rapidement que prévu. Il s'agit de l'Espagne, du Portugal et de l'Irlande notamment
Il y a ceux qui étaient franchement hostiles à une aide financière estimant que les banques et les pays vertueux n'avaient pas à payer les pots cassés d'un pays du "club Med" plus apte à jouer les cigales que les fourmis tout en privilégiant leur propre intérêt national. Angela Merkel a ainsi été beaucoup critiquée. Cependant et en fin de compte, son appel à la rigueur a été plus qu'entendu : cela était inévitable, l'Allemagne ayant conditionné son aide à un plan crédible d'économies et de réduction du déficit. Il ne pouvait en aller autrement
Il y a les autres pays enfin, ceux qui estimaient que l'aide à la Grèce s'imposait politiquement afin de sauver l'euro, l'Europe, et
les banques qui sont très impliquées dans des prêts effectuées ces dernières années à la Grèce. La peur d'une défaillance en chaîne du système bancaire et financier a, de façon pragmatique, convaincu ces derniers de la nécessité de renflouer la Grèce, non sans faire un pas en direction de l'Allemagne sans qui rien n'aurait été possible dans cette affaire.
Nicolas Sarkozy, le conciliateur
La France, sous la houlette de Nicolas Sarkozy, a ainsi joué un rôle crucial de conciliateur afin de mettre en forme ce plan. Sitôt son retour de Chine, le président français convoquait ainsi une réunion à l'Elysée afin que des décisions soient prises sans tarder, avant même le conseil européen convoqué le 10 mai, consacré à la situation dans ce pays, et en même temps que le gouvernement grec finalisait son accord avec l'Union européenne et le fonds monétaire international, dont le détail a été révélé lors de la conférence de presse dimanche 2 mai.
Enfin, il y a le FMI, toujours très discret, mais non moins efficace. Dès le 20 avril d'ailleurs, malgré les difficultés aéronautiques liées au nuage de fumée résultant du volcan islandais qui passait à cette même date dans le sud de l'Europe, une équipe du FMI parvenait par miracle à atterrir à Athènes pour aller ausculter le malade
Force est de constater que c'est bien le FMI qui a, dans cette affaire, imposé son point de vue, fortement soutenu par Angela Merkel, une rencontre entre Dominique Strauss-Kahn et la chancelière ayant permis d'aborder la question des conditions mises pour sauver la Grèce de la faillite. Une cure d'austérité sans précédent va donc être imposée à la Grèce dans les années qui viennent.
Les règles du Traité
Enfin, dans plusieurs pays dont la France, des voix se sont élevées pour dénoncer les agences dites de notation qui auraient une attitude irresponsable en stigmatisant tel ou tel Etat pour son incapacité à gérer ses finances publiques. Si la dénonciation est sévère, beaucoup d'Etats craignent en réalité craignent en réalité que leur capacité à maîtriser leurs déficits soient un jour mise en cause par ces agences indépendantes qui semblent en effet avoir une influence importante sur les marchés
.
Finalement, la crise grecque aura eu au moins un avantage : faire prendre conscience aux Etats que l'on ne peut pas vivre éternellement au-dessus de ses moyens, reporter constamment la dette publique sur les générations futures, enfin rappeler à leurs mémoires qu'il existe des règles du traité qui imposent une gestion stricte des finances publiques. Alors que lors de ces dernières années, le respect des critères de Maastricht n'étaient plus, si l'on a bien compris, la priorité des Etats.
En ce sens, dans l'histoire de l'Europe, il y aura un « avant » et un « après » la crise grecque.
Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris