par Patrick Martin-Genier, le mardi 11 mai 2010

La crise financière grecque va avoir, à n'en pas douter, de grandes répercussions sur la façon de construire l'Europe.

Les Européens se sont ainsi aperçus et les gouvernements les plus réticents ont enfin réalisé que la seule façon de contrer les effets négatifs engendrés par l'état de quasi-faillite de l'Etat grec, était paradoxalement de renforcer l'intégration politique et économique alors que celle-ci marquait le pas ces dernières années.


Vers une intégration de nature fédérale ?


Qui aurait pu imaginer un seul instant qu'en France un président, issu des rangs du parti gaulliste, force en quelque sorte la marche fédérale de l'Europe en appelant instamment de ses vœux la création d'un véritable gouvernement économique de l'Europe qui ne se réduise pas à une simple concertation interétatique ?

C'est le même Nicolas Sarkozy qui a exigé qu'un mécanisme de surveillance budgétaire des Etats membres se mette en place avec des sanctions à la clef, alors que tous les Etats, dont la France, avait laissé filer leurs déficits depuis de nombreuses années.

La Commission européenne et son président, à son corps défendant, vont ainsi voir leurs rôles considérablement renforcés dans les mois et les années qui viennent. Pour les pays qui l'auraient oublié, la Commission est la gardienne des traités et ce sont bien les règles des traités relatives à la discipline budgétaire qui ont été allègrement et impunément violées ces dernières années.

Fort de cette nouvelle légitimité, peut-être M. Barroso, le président de la Commission, se fera-t-il ainsi plus pressant sur ce point. Il faut du moins l'espérer.


Le mérite de Nicolas Sarkozy


Bien que les divergences de vue avec l'Allemagne ne soient pas encore entièrement dissipées, force est de constater que les deux pays se sont accordés pour le renforcement du pilotage politique de la zone euro.

Il convient à cet égard de constater le rôle essentiel joué par Nicolas Sarkozy au cours de ces derniers mois, sans lequel la Grèce n'aurait probablement pas reçu le soutien qu'elle a obtenu en fin de compte et validé par le Conseil européen extraordinaire de Bruxelles vendredi 7 mai.

Cette évolution est positive : l'Europe a montré maintes fois que si elle se cantonnait à un ronronnement technocratique, elle finissait par s'enliser sans être capable de définir des perspectives. Le mérite de Nicolas Sarkozy aura été de remettre le politique au cœur des débats européens et forcer les uns et les autres à débattre et à faire des choix.

Ainsi la décision d'aider la Grèce au lieu de la mettre en liquidation judiciaire constitue vrai choix politique qui n'était pas évident loin de là il n'y a cela que quinze jours ; l'Europe revient de loin. Accepter que la Grèce sorte de la zone euro aurait été un véritable séisme qui aurait probablement conduit à la fin pure et simple de l'euro et à toute ambition politique de l'Europe.


Une exigence d'équité sociale


Cependant, il sera nécessaire de tenir les promesses et les engagements qui ont été pris, notamment d'inscrire l'action de réduction des dépenses publiques dans une perspective peut-être bien plus importante que la durée envisagée initialement.

La crise grecque aura aussi des conséquences importantes dans la façon de faire la politique intérieure. Devant la crise de confiance des citoyens envers leurs représentants politiques, les électeurs exigent un langage de vérité. Usé à la fois par 13 ans de pouvoir et par la perte de confiance dans sa façon de gouverner, le Labour britannique a payé un lourd tribut électoral. Mais les conservateurs n'ont pas su vraiment convaincre. Les électeurs se sont ainsi tournés vers les libéraux-démocrates, qui figurent parmi les partis politiques les plus europhiles.

Les Européens ont bien compris où se situaient leurs intérêts. Encore faut-il qu'on le dise clairement si l'on ne veut pas favoriser la montée des extrêmes.

L'exigence d'équité sociale sera aussi au coeur des débats économiques à venir : si les peuples sont prêts à des sacrifices c'est à la condition tout d'abord que les dirigeants donnent l'exemple et ensuite, que les efforts soient répartis équitablement. L'équité sociale fait aussi parti des piliers de l'Europe communautaire.

C'est notamment dans ces termes que se posera l'équation présidentielle de 2012 en France.


Patrick Martin-Genier, est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris

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