par Edouard Pflimlin, le mardi 11 mai 2010

60 ans après le début de la construction européens, les ministres des finances européens se sont réunis à Bruxelles le dimanche 9 mai. Un accord historique a été adopté dans la nuit du 9 au 10 mai par les Etats membres de l'UE portant sur la mise en place d'un plan de secours pouvant atteindre 750 milliards d'euros. Ce plan est destiné à rassurer les places boursières et à aider les pays de la zone euro, si nécessaire. Il tend à endiguer une nouvelle crise financière. Les Bourses ont d'ailleurs réagi très favorablement lundi 10 mai, certaines ont enregistré des rebonds historiques, regagnant le terrain perdu la semaine dernière : plus de 9% à Paris et Bruxelles, autour de 5 % à Francfort, Zurich et Londres. Le rebond le plus spectaculaire a été enregistré dans les pays fortement attaqués la semaine dernière: autour de 11% à Lisbonne et Milan, 9% à Athènes, 14% à Madrid, la plus forte hausse de son histoire.


Le total du plan se décompose en 60 milliards de prêts apportés par la Commission européenne, et de 440 milliards d'euros de prêts et garanties par les pays de la zone euro, soit 500 milliards au total.

Pour cela, la Commission empruntera sur les marchés, avec une garantie apportée par le budget communautaire. Cet instrument se basera sur un article du traité européen qui prévoit que

l'UE peut accorder une aide financière à un Etat en raison "d'événements exceptionnels". Un tel mécanisme existait jusqu'ici pour les pays de l'UE hors zone euro mais pas pour ceux de la zone euro.

Par ailleurs, les Etats membres de la zone euro créeront une société spéciale pour emprunter sur les marchés ("Special Purpose Mechanism", Mécanisme dédié), avec une garantie apportée par les Etats de la zone euro proportionnellement à leur participation das le capital de la Banque centrale européenne (BCE). "Nous avons décidé de créer une société qui pourra emprunter pour un totalde 440 milliards d'euros", et qui "sera garantie par les Etats zone euro", a expliqué le ministre des finances luxembourgeois Luc Frieden.

Le Fonds monétaire international (FMI) apportera aussi une contribution additionnelle sous forme de prêts, pour un montant de 250 milliards d'euros. Par ailleurs, le Conseil d'administration du Fonds a approuvé le 9 mai un accord de confirmation triennal d'un montant de 26,4 milliards de DTS (30 milliards d'euros) en faveur de la Grèce à l'appui du programme d'ajustement et de transformation économiques des autorités. Ce programme, qui prévoit une forte concentration des décaissements en début de période, met immédiatement 4,8 milliards de DTS (environ 5,5 milliards d'euros) de ressources du FMI à la disposition de la Grèce, dans le cadre d'un financement conjoint avec l'Union européenne, portant ainsi à 20,0 milliards d'euros le montant total du soutien financier immédiat. En 2010, le financement total du FMI s'élèvera à environ 10 milliards d'euros et sera associé à un apport d'environ 30,0 milliards d'euros engagés par l'UE.

L'accord de confirmation, qui fait partie d'un paquet financier de 110 milliards d'euros (environ 145 milliards de dollars) sur trois ans mis au point en coopération avec l'Union européenne, ouvre un accès exceptionnel aux ressources du FMI et a été approuvé selon la procédure accélérée prévue par le mécanisme de financement d'urgence du FMI.

"Il convient de féliciter le gouvernement grec de sa détermination de prendre des mesures historiques qui donneront à cette fière nation la possibilité de surmonter ses difficultés actuelles et d'assurer un avenir meilleur au peuple grec", a déclaré le Directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. "Aujourd'hui, le FMI a montré qu'il était déterminé à faire tout ce qu'il peut pour aider la Grèce et le peuple grec. La route sera difficile, mais le gouvernement a conçu un programme crédible qui est économiquement équilibré, socialement équilibré – les groupes les plus vulnérables étant épargnés – et réalisable. Il s'agit maintenant de le mettre en œuvre. Avec nos partenaires de l'Union européenne, nous apportons un soutien sans précédent à la Grèce pour l'épauler dans cette épreuve et – à terme – contribuer à faire repartir la croissance et l'emploi, et à rehausser les niveaux de vie."

La BCE a fait également un geste en décidant d'intervenir pour soulager le marché de la dette en zone euro, pris dans la tourmente depuis des semaines du fait des doutes des investisseurs sur la capacité de nombreux de pays à rembourser. La BCE a pris des mesures non conventionnelles.

Comme l'indique le 10 mai le pôle Etudes économiques du Crédit agricole : "Le conseil des gouverneurs de la BCE a également décidé de réactiver ses mesures non standards, en menant jusqu'à fin juin des opérations de refinancement à 3 et 6 mois illimitées et à taux fixe. Les accords de swaps entre banques centrales, mis en place au plus fort de la crise financière, afin de fournir de la liquidité en dollars sont également rétablis. L'intervention de la BCE sur le marché obligataire est une décision de dernier ressort face à une menace systémique suffisamment importante et ce quitte à écorner son image d'indépendance. Afin de ne pas menacer la stabilité des prix en zone euro, il est question de stériliser ses interventions pour limiter les effets potentiellement inflationnistes de cette monétisation indirecte des déficits publics. Ceci est le principal point de différenciation avec les rachats de titres publics opérés par la Fed ou la Bank of England qui n'ont pas fait l'objet, en leur temps, d'opérations de stérilisation mais il reste à préciser la manière dont la BCE compte opérer pour drainer la liquidité. La BCE n'a pas à ce stade dévoilé la manière dont elle va agir mais elle devrait racheter des titres publics au prorata de la participation de chaque pays membre de la zone euro à son capital. Il s'agit donc à la fois d'agir sur le taux sans risque, celui des Bund allemands (qui devraient constituer le coeur des achats de la BCE), que d'aider au dégonflement des primes de risque sur les autres obligations souveraines. Concernant les achats de dettes privées, cela devrait essentiellement consister en l'extension du programme de Covered Bonds afin d'apporter de la liquidité aux banques européennes qui sont les principales intervenantes sur ce marché (1)."

Cette journée du 9 mai a été certainement historique pour l'Europe. Est-ce enfin le début d'un gouvernement économique de la zone euro tant attendu depuis la création de l'UEM ?

Le 9 mai 2010 marque en tout cas une nouvelle avancée par des "réalisations concrètes" grâce aussi à l'unité du couple franco-allemand.

Rappelons que : "L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord des solidarités de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne" (Robert Schuman, déclaration du 9 mai 1950)


Lire le communiqué de l'UE à l'issue du sommet extraordinaire du 9-10 mai :

http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/ecofin/114324.pdf


Lire le communiqué du FMI :

http://www.imf.org/external/french/np/sec/pr/2010/pr10187f.htm

(1) http://etudes-economiques.credit-agricole.com/medias/EN_145_10052010.pdf


Edouard Pflimlin est journaliste. Il est, notamment, l'auteur d'une note de la Fondation Schuman, « Vers l'autonomie des capacités militaires de l'Union européenne ? », 2006 .

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