Le plan de sauvetage adopté par les dirigeants européens, au bord du gouffre, le 9 mai dernier l'Histoire a parfois de ces clins d'il ne marque pas seulement le commencement de la fin de la crise financière ouverte depuis près de trois ans. Il dépend de nous de mettre à profit l'élan inattendu qu'il redonne à la solidarité européenne pour ouvrir un chantier nouveau, qui peut être aussi important que celui qu'engagea, il y a soixante ans, le grand Robert Schuman.
La méthode Monnet, qu'exprima alors Schuman, était de lancer une dynamique en créant des solidarités de fait, très concrètes. On commença donc par le "pool charbon-acier" : la mise en commun de la principale source d'énergie et de la principale matière première de l'époque. Au fond, le plan du 9 mai 2010 peut s'analyser comme la constitution d'un "pool financier" : les Etats de la zone euro ont mis en commun leurs capacités d'emprunt. L'étape suivante doit être le passage au "pool budgétaire". Car en face des compétences sans cesse accrues que lui confèrent les traités, et des projets ambitieux que préparent ses dirigeants sous le vocable d'"Europe 2020", l'Union européenne ne dispose que d'un mini-budget, limité à 1% des PIB additionnés de ses membres : 20 fois moins que l'addition des budgets nationaux. Faute de ressources propres, l'Union est financée par des cotisations payées par les Etats membres.
Incapables de maîtriser leurs propres finances, ceux-ci ne veulent, ni accroître leur contribution au pot commun, ni autoriser l'Union à lever des ressources qui ne leur profiteraient pas directement.
Le contexte politique nouveau créé par les événements de ces dernières semaines me conduit à faire deux propositions.
Premièrement, puisque le principe d'une gouvernance économique européenne est enfin accepté, associons-y les Parlements nationaux dès l'origine. Organisons chaque année, le même jour, un débat d'orientation budgétaire commun entre les Parlements nationaux et le Parlement européen. Sans aucune contrainte juridique, ce simple exercice aura une immense vertu pédagogique. Il nous obligera tous à partir des mêmes hypothèses économiques sur la croissance, les taux d'intérêt, la valeur de l'euro ou celle du baril. Il nous conduira tout naturellement chacun à montrer, devant les médias nationaux et les opinions publiques, comment son budget respecte les disciplines communautaires et contribue au financement des objectifs communs. Enfin, il brisera ces murs de verre qui cloisonnent le débat européen en 27 débats nationaux, et il aidera à faire toucher du doigt que l'examen en commun des budgets de tous peut permettre des économies aussi considérables qu'insoupçonnées.
Deuxièmement, le moment est venu d'ouvrir le débat sur le niveau du budget européen, et donc sur son financement. Entre budgets nationaux et européen, comment répartir les tâches, donc les ressources ? A vrai dire, ce débat n'a jamais eu lieu depuis le traité de Rome. Cela mérite la convocation d'une grande Conférence financière, que l'on chargera d'élaborer la Charte budgétaire de l'Union. Voilà une initiative que pourrait prendre la future présidence belge, à l'image de la précédente, celle de l'an 2000, qui avait mis sur les rails la Convention européenne.
Paru sur le site d'Alain Lamassoure le 14 mai 2010
Alain Lamassoure, est ancien ministre français des Affaires européennes puis du Budget, ancien membre de la Convention européenne. Actuellement député européen (Parti populaire européen, PPE), il est vice-président de la délégation française du groupe PPE et Président de la Commission des Budgets du Parlement européen.
http://www.alainlamassoure.eu