par Xavier Grosclaude, le vendredi 30 juillet 2010

La construction européenne fait partie des projets politiques élaborés dans un monde figé par la guerre froide, un monde bipolaire dans lequel la relation au temps était par nature distante.

Désormais, l'Union européenne doit composer avec un monde mouvant, polymorphe, traversé par de profondes mutations (sociétales, technologiques, environnementales) et dominé par les marchés financiers.


Cette domination n'est pas récente économiquement parlant mais la mondialisation a eu pour effet de l'amplifier en érigeant le court terme, fruit du capitalisme financier, en "norme universelle".

Cette nouvelle donne pose de nouvelles exigences en matière de gouvernance. Elle nécessite une meilleure gestion du court terme avec un pilotage beaucoup plus serré qu'auparavant.

Sauf à sortir de l'histoire, l'Union européenne ne peut plus se permettre d'inscrire son action dans le seul moyen et long terme sans se préoccuper des urgences du présent. Cette posture serait à la limite acceptable si la gestion du moyen et long terme était irréprochable mais ce n'est pas toujours le cas.

L'échec de la Stratégie de Lisbonne sensée faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde en 2010 est là pour en témoigner.

De fait, si l'adhésion de nouveaux pays doit rester une priorité pour l'Union Européenne, cette dernière ne saurait occulter l'urgence du moment à savoir l'adaptation de son processus décisionnel au rythme imposé par la mondialisation. Les dernières tensions spéculatives sur l'Euro ont mis en exergue les dangers auxquels s'expose l'Union en cas d'indolence.

Aujourd'hui, en l'absence de dynamique politique forte, le risque majeur pour l'Union européenne est de se déconnecter lentement mais surement des réalités et surtout des enjeux du nouveau monde.

Si comparaison n'est pas raison, force est de constater que les Etats-Unis commettent de nombreuses erreurs mais qu'ils s'emploient, d'une manière générale, à corriger le tir dans les délais qui s'imposent.

De leur coté, la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie….ont tous leur propre " feuille de route". A ce jour, rien ne permet de dire qu'ils la respecteront mais rien ne permet non plus d'affirmer le contraire. Seul certitude qui joue incontestablement en leur faveur, le centre de gravité du monde a bel et bien basculé.

Exemple symptomatique, s'il en est, de la rapidité des transformations en cours, l'Afrique, longtemps considérée comme une "chasse gardée" des entreprises européennes, commerce désormais davantage avec les pays émergents qu'avec ceux de l'Union européenne.

Cette volonté d'exister et de peser sur le cours des événements n'est pas toujours perceptible au niveau de l'Union européenne. Certes, il est parfois nécessaire de se donner le temps de la réflexion mais pas nécessairement pour aboutir à des décisions "bancales" politiquement réconfortante mais techniquement inopérante.

Cette posture n'a plus aucun sens dans le monde dans lequel nous vivons. Elle est même dangereuse à terme pour la santé des démocraties européennes.

Les règles de la nouvelle gouvernance mondiale imposent des décisions rapides, des évaluations objectives et des corrections fines. La culture de la procrastination était possible avant la chute du mur de Berlin, elle ne l'est plus ! Certains pays l'ont très vite compris, d'autres commencent à le comprendre (la France appartient malheureusement à la seconde catégorie…).

En 2010, ne pas décider c'est non seulement politiquement coupable mais c'est surtout monétairement et financièrement irresponsable en envoyant aux marchés financiers les signaux d'un renoncement à toute ambition européenne. Dans ce contexte, la création d'une agence européenne de notation ne doit pas être envisagée comme une possibilité mais comme une nécessité !


Xavier Grosclaude est Public Affairs Advisor 

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