C'est à un véritable plaidoyer que s'est livré le Premier ministre britannique David Cameron lors de son déplacement à Istanbul le 26 juillet.
D'un style offensif voire virulent, M. Cameron a vertement critiqué les pays qui pensent que la Turquie ne serait pas prête à intégrer l'Union européenne. Pour lui, c'est clair, la Turquie est l'une des puissances exportatrices la plus importe de l'Union européenne, et il est possible d'y faire du " business".
D'ailleurs, ce plaidoyer a ressemblé à un véritable plaidoyer pro domo en appelant les entreprises turques à doubler leur volant d'affaires en Grande- Bretagne.
David Cameron a donc consacré une partie de son discours à pointer du doigt les pays qu'ils considèrent comme étant protectionnistes, visant prioritairement la France et l'Allemagne.
Il a ensuite estimé que du point de vue politique, la Turquie n'avait pas à choisir entre l'Est et l'Ouest, mais avait choisi les deux camps, permettant à ce pays d'être un passage obligé entre les grandes puissances, oubliant un peu vite les tergiversations de ce pays pendant la guerre d'Irak
Enfin il a accusé les pays réticents à l'entrée de la Turquie dans l'union européenne de faire l'amalgame entre l'islam, religion de paix au même titre que la religion chrétienne et le judaïsme, et le terrorisme islamiste.
Un discours trop caricatural
Le discours de Davis Cameron aurait pu être une belle occasion n de faire les points sur un dossier important et sensible. Malheureusement le premier ministre britannique est apparu trop caricatural pour être convaincant.
Il n'est pas possible de réduire ni la France ni la Grande Bretagne à des pays frileux du point de vue de l'exportation, ni à des pays hostiles à l'islam surtout s'agissant de l'Allemagne qui compte la première communauté turque en Europe. Le problème est plus compliqué et David Cameron, qui l'a bien compris au fond, est passé à grande vitesse sur les sujets les plus sensibles.
L'exercice des droits démocratiques est-elle garantie complètement en Turquie aujourd'hui ? Ne reste-il pas encore des efforts à faire sur le droit des femmes ou des communautés minoritaires ? quid de la gouvernance où les militaires se tiennent toujours en embuscade pour le cas où
Pour solde de tout compte avec de Gaulle
David Cameron a profité de façon mesquine de ce discours pour régler ses comptes avec le général de Gaulle, un peu plus d'un mois seulement après avoir célébré avec Nicolas Sarkozy le 7ème anniversaire de l'appel du 18 juin en présence des petits-enfants du général de Gaulle à Londres.
Il a ainsi cité une partie d'un discours du général de gaulle dans lequel celui-ci énumérait les raisons pour lesquelles la Grande-Bretagne ne pourrait jamais être membre de l'Union européenne et en faisant valoir devant ses interlocuteurs turques que la Grande-Bretagne avait fini par rejoindre l'Union européenne. L'union certes, mais toujours et surtout pas l'euro
Enfin, par manque de modestie sans doute, cette intervention musclée pêche surtout par ce qu'elle ne dit pas : à savoir que la Grande-Bretagne ne défend pas les valeurs européennes qu'il a prétendu représenter, mais ses propres intérêts économiques et commerciaux. David Cameron est venu à Istanbul pour défendre sa balance commerciale sur le dos de l'Union européenne.
La même vision stratégique de la Grande-Bretagne depuis la guerre
Surtout, il n'a pas dit qu'avant d'élargir l'Union, il convenait d'en approfondir les mécanismes de décision.
Ainsi va la vie. Cameron, il le confirme, veut faire du neuf avec du vieux : vive la zone de libre échange, mais non à une intégration politique renforcée !
Mais il a clairement annoncé la couleur : il se battra au sein du G20 pour forcer la main à ses partenaires et se porter le garant de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.
Une belle bataille en perspective avec Angela Merkel et Nicolas Sarkozy
Mais en faisant un tel discours en plein milieu de l'été, le Premier britannique a probablement réveillé brutalement ses collègues à peine partis en vacances : les portables vont fonctionner tout l'été
Patrick Martin-Genier est maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes