par Patrick Martin-Genier, le samedi 11 septembre 2010

A l'occasion d'un colloque organisé le 10 septembre dernier au Conseil économique, social et environnemental à Paris, à l'initiative de la Commission européenne et de l'Institut d'Europe d'HEC Paris, sur le thème de l'Europe 2020 et la France, incidemment, des critiques ont été émises sur les dysfonctionnements de l'Europe communautaire sur le plan politique. Ces dysfonctionnements sont-ils seulement allégués ou sont-ils établis ?



L'absence des ministres à Bruxelles

Pour Michel Barnier, commissaire européen chargé du poste stratégique du marché intérieur, les responsables politiques notamment les ministres ne sont pas toujours présents à Bruxelles. Ce sont donc les "fonctionnaires qui parlent" et cela, selon lui, n'est pas satisfaisant car il est nécessaire de remettre de la politique dans les rouages européens.

Il est vrai. Malgré la haute qualité des fonctionnaires français, un diplomate qui s'exprime ne peut insuffler à un débat un élan politique. Or un ministre qui reste à Paris au lieu de participer à un conseil des ministres européen manque forcément une occasion de participer au débat et de faire valoir le point de vue de la France.

Il faut en effet savoir que les "lois" européennes, notamment les directives, ne sont pas seulement le fait de la Commission qui les propose et du Parlement européen qui les votent, mais du Conseil des ministres qui participe pleinement au processus législatif en sa qualité de co-décideur.

L'absentéisme au Parlement européen

Or le système intergouvernemental a un rôle essentiel. Certes, il y a 27 ministres autour de la table et la marge de manœuvre est limitée. Un ministre national ne dispose que de quelques minutes pour s'exprimer s'il le souhaite. Que dire d'un fonctionnaire qui n'a pas le même poids politique ? Autant dire en effet, que la présence politique au sein des structures européennes est essentielle.

Il en va de même s'agissant du Parlement européen. L'une des angoisses du président Barroso était que, lors de son discours sur l'état de l'Union prononcé récemment, l'hémicycle soit à moitié vide. Heureusement tel ne fut pas le cas…Les élus du peuple ont eux-mêmes une obligation de faire preuve d'une présence assidue au Parlement où se discutent des textes essentiels régissant la vie quotidienne des citoyens.

C'est pourquoi, Michel Barnier a insisté sur la nécessité de "reconnecter "…Retenons le terme !


Jacques Attali : un excès de pessimisme ?

L'ancien conseiller spécial du Président François Mitterrand, Jacques Attali, a lui été plus catégorique et n'a pas, selon ses propres termes, "mâché ses mots". Il a ainsi d'emblée dénoncé "la médiocrité du personnel politique". Les Etats n'enverraient plus les "meilleurs" pour siéger comme commissaires européens. Les meilleurs des directeurs généraux partiraient les uns derrière les autres faute de volonté politique. Manuel Barroso lui-même illustrerait cette absence totale de volonté politique de la commission. Au sein même du conseil européen, on ne ferait plus de politique…

Selon lui, la principale qualité d'un homme d'Etat est d'anticiper et cette capacité aurait aujourd'hui complètement disparu.


Ce constat nous paraît cependant sévère. Les commissaires travaillent, et le fait d'envoyer siéger à Bruxelles des personnes qui n'occupent pas les premières places dans les capitales européennes n'est pas nouveau. Cela n'a jamais entamé leur capacité à faire un vrai travail sur le long terme. Ils reviennent souvent sur la scène nationale avec une expérience très importante.

Au sein du Parlement européen, de nombreux parlementaires n'occupent pas les rampes de l'actualité mais s'engagent pleinement dans leur travail.On ne demande pas à un parlementaire d'être constamment présent sur la scène médiatique et de faire des coups d'éclat, mais de travailler dans la durée et souvent dans la discrétion…

En votant une résolution à une forte majorité demandant à la France et à l'Europe de cesser les expulsions de Roms et de faire des efforts en termes d'intégration de cette communauté, le Parlement a démontré qu'il était au contraire capable d'avoir des réflexes politiques.

L'excès de pessimisme n'est donc pas approprié. Nous pensons au contraire que l'Europe communautaire dispose en elle-même des capacités non seulement de sa préservation, mais également de son développement futur.


Patrick Martin-Genier est maître de conférences à L'institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.

Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :