par Jean-Dominique Giuliani, le vendredi 01 octobre 2010

C'est le 3 octobre 1990, il y a 20 ans, qu'est entré en vigueur le traité portant réunification des deux Allemagnes.

L'unité allemande restera dans les annales historiques comme un moment extraordinaire de l'histoire humaine qu'avec du recul il est possible de mieux mesurer.

Nul n'imaginait vraiment qu'elle put être réalisée pacifiquement. Elle fut conduite avec beaucoup de discernement, dans un cadre européen, qui permit de franchir nombre de difficiles obstacles.


Diplomatiquement et politiquement, c'est un succès remarquable à mettre au crédit des acteurs de l'époque et de l'esprit européen.

On connait moins pourtant l'incroyable effort qu'elle a exigé des Allemands. Plus de 1 400 milliards d'euro, dont 67% de prestations sociales, ont été transférés de l'Allemagne de l'Ouest vers les Länders de l'Est depuis 1991.
Cela représente la moitié du Produit intérieur brut allemand d'une année et près de 75 milliards annuels.

Au moyen d'une péréquation très couteuse entre régions de l'Ouest et nouveaux Länders, au prix d'un impôt exceptionnel sur le revenu et sur les sociétés dont le taux de 5,5% est monté parfois jusqu'à 7,5% et qui reste en vigueur jusqu'en 2019, la République fédérale d'Allemagne a réussi un vrai tour de force.

Certes beaucoup reste à faire. Le taux de chômage est le double à l'Est avec 11,5% contre 6,5, la réindustrialisation est difficile, les régions de l'Est ont perdu un million d'habitants et certains "murs" psychologiques demeurent car on ne saurait effacer 40 ans de dictature en quelques mois.

Mais accroitre l'espérance de vie en moyenne de 6 ans entre 1991 et 2009, amener le revenu des ménages de l'Est de 56% à 75% de ceux de l'Ouest, permettre aux 16 millions d'Allemands de l'Est d'aligner leur consommation sur celle de leurs compatriotes, leur servir des retraites et des prestations sociales supérieures à celles de l'Ouest, voir la Poméranie érigée au rang de première destination pour le tourisme en Allemagne, hisser la production de richesses à l'Est à 51 milliards d'euro annuels, soit 3,6 fois son niveau de 1991.... tout cela était inimaginable pour ceux qui avaient eu le triste privilège de connaitre l'Allemagne de l'Est.

On estime que les 6 nouveaux Länders (Berlin compris) auront rattrapé les 11 de l'Ouest (Berlin Ouest compris) en 2019.

Il aura fallu trente ans et beaucoup d'efforts pour effacer le communisme totalitaire. A ceux qui cultiveraient encore une "Ostalgie" très indécente, ces chiffres répondent clairement.

Ils donnent la mesure de ce que va couter l'effondrement proche de l'odieux régime de Corée du Nord et ses 24 millions d'habitants.

A tous, ils offrent l'image d'une Allemagne, dirigée par des responsables courageux, qui ont pris alors de grands risques et les ont assumés lorsqu'ils se sont révélés plus couteux qu'espérés, l'exemple d'Allemands solidaires qui, bien que rechignant parfois, n'ont pas compté leur soutien.

Une Allemagne européenne, pacifique et puissante, a réintégré la scène internationale sur laquelle elle joue un rôle très positif.

A l'échelle de l'histoire, qu'on oublie trop souvent, c'est un exemple et une vraie réussite, qu'on doit d'abord aux Allemands, mais dans laquelle la construction européenne a aussi sa part.

Editorial paru sur le site: http://www.jd-giuliani.eu



Jean-Dominique Giuliani est président de la Fondation Robert Schuman

http://www.robert-schuman.eu

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