Une décision récente, prise au niveau national, sanctionne une entente entre banques. Elle montre qu'Europe et États-membres ont appris à travailler en bonne intelligence et que la culture de concurrence, d'origine anglo-saxonne et longtemps mal acceptée par la France, a diffusé dans l'ensemble des pays-membres.
Fin septembre, en France, l'Autorité de la concurrence a infligé une lourde amende à un ensemble de banques. Le motif : entente sur les prix, à l'occasion de la dématérialisation du système de compensation des chèques.(1) Cette décision, qui applique une règle anti-cartel, concrétise un des principes de saine concurrence, dont le respect conditionne la protection du consommateur : les banques n'ont pas à s'entendre sur son dos.
Il y a 20 ans, une telle mesure aurait probablement été prise par la Commission, et elle aurait soulevé une tempête de protestations : « de quoi se mêle donc l'Europe ? » Aujourd'hui, la France n'a plus besoin du « gendarme européen »; elle fait son ménage elle-même; sa décision est acceptée et ne déclenche guère de réactions que chez les « sanctionnés ». J'y vois pour ma part deux indications.
D'abord, Europe et États-membres ont appris à travailler en bonne intelligence. En la matière, leur concertation aboutit à des prises de position communes. Ils sont sur la même longueur d'onde et se partagent le travail. Bien sur, c'est d'abord pour des raisons pratiques : devant l'afflux des affaires, il a fallu s'organiser.
La Commission se déleste sur les États-membres chaque fois que l'intervention en concerne un seul. Elle ne garde que les questions « horizontales ». Elle fonctionne en réseau, sans avoir à plier ses prises de position à la diversité des pays-membres, chacun d'eux étant le mieux placé pour agir dans sa sphère, en fonction de sa propre sensibilité. Vous pensez « subsidiarité » ? vous avez gagné!
D'autre part et surtout, la culture de concurrence est entrée dans nos murs. D'origine anglo-saxonne, elle a longtemps été mal acceptée dans l'hexagone. Anti-cartel, anti-trust n'étaient guère des valeurs au pays de Colbert. A coup de « plans » et d'aides de l'État, la France, nourrie de « politique industrielle », se préoccupait plutôt de faire émerger des champions nationaux. Forcée de se plier, bon gré mal gré, aux règles européennes de la saine concurrence, elle a été longue à en découvrir les avantages : non seulement elle protège le consommateur, mais elle place, à long terme, les entreprises dans les conditions les plus favorablesau développement de leurs performances : « notre politique industrielle, c'est la politique de concurrence » disait, dès 1990, Sir Leon Brittan.(2)
Interventions devenues d'ailleurs considérables : le volume des sanctions va croissant, le montant des amendes contre les cartels à dépassé, en 5 ans, les 10 milliards d'euros.(3) En 15 ans , elles ont été multipliées par 20.
Ainsi se manifeste l'un des apports de l'Europe : le système central, après avoir délivré la bonne parole qui favorise à long terme les entreprises et protège le consommateur, laisse les niveaux nationaux plus libres d'agir. Des pays-membres accèdent à une culture qui ne leur était pas naturelle au départ. Chacun y gagne.
1 Voir par exemple l'excellent dossier de La Tribune du 21 septembre
2 Commissaire à la concurrence dans une Commission Delors
3 cf. Fl. Autret « Bruxelles frappe de plus en plus fort », ibid.
Michel CLAMEN est Directeur du Master de relations européennes et lobbying
à l'Institut catholique de Paris
http://www.icp.fr