par Edouard Pflimlin, le mercredi 20 octobre 2010

Une étape importante semble avoir été franchie à l'OTAN et aussi côté français lors de la rencontre des 28 ministres des Affaires étrangères et leurs collègues de la Défense de l'alliance atlantique, le jeudi 14 octobre à Bruxelles.


Comme le rapporte l'AFP jeudi 14 octobre : "les membres de l'OTAN ont débattu jeudi des nouvelles missions à assigner à leur alliance comme la défense antimissile, dans un contexte compliqué par le bourbier afghan et une disproportion croissante entre moyens militaires américains et européens. "Face aux menaces modernes il faut une défense moderne", a résumé le secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen, en ouvrant une réunion ministérielle à Bruxelles, exceptionnelle par son format comme par son ordre du jour. Les 28 ministres se penchent sur un nouveau "concept stratégique", destiné à remplacer un précédent document rédigé en 1999, deux ans avant les attaques contre le World Trade Center du 11 septembre 2001. Ce texte de référence doit être soumis ensuite pour adoption aux dirigeants alliés lors d'un sommet à Lisbonne les 19 et 20 novembre.

Les menaces grandissantes que ce document de 11 pages énonce sont connues:
terrorisme international, prolifération balistique et nucléaire, blocage des
approvisionnements en hydrocarbures et guerre informatique. Sur la table figure aussi la création d'un système de défense antimissile de l'OTAN protégeant les populations et non plus seulement les soldats."


La France et l'Allemagne notamment s'opposaient sur le déploiement de ce bouclier. Or il semble que, malgré les réticences françaises, Paris est prêt à faire un geste de bonne volonté.

L'Elysée a rappelé vendredi que la dissuasion nucléaire restait aux yeux de la France "incontournable" pour assurer la sécurité de l'Europe mais s'est dit "prêt" à apporter une contribution "financière ou en nature" à un bouclier antimissiles de l'OTAN.


RESERVES FRANÇAISES MAIS PAS OPPOSITION


Romandie News cite une source à la présidence française qui indique que : "Pour nous, la dissuasion reste incontournable et le restera tant que certains pays continueront à développer leur arsenal nucléaire ou à vouloir accéder à l'arme nucléaire". "Le déploiement d'un bouclier antimissiles doit venir compléter, mais seulement compléter utilement la dissuasion", a assuré la même source.

Anders Fogh Rasmussen a aussi indiqué vendredi 15 octobre qu'une défense antimissiles devait venir en complément de la dissuasion nucléaire. "La défense antimissiles ne remplace pas la dissuasion, elle la complète", a-t-il dit. Elle coûtera "moins de 200 millions d'euros supplémentaires sur dix ans à répartir entre 28 nations. Cela me semble supportable", a-t-il précisé. "Plus de 30 pays possèdent ou s'efforcent d'acquérir des missiles balistiques. Nous ne pouvons ignorer ce problème et devons avoir le moyen d'empêcher un tir de missile sur nos villes", a plaidé Anders Fogh Rasmussen.

Jeudi, le ministre de la Défense français, Hervé Morin, avait exprimé à Bruxelles des "réserves" de la France sur ce projet, notamment financières, mais laissé entendre qu'elle ne bloquerait pas un lancement du projet par l'OTAN lors du prochain sommet à Lisbonne.

Tout n'est pas pour autant réglé indique Le Figaro le 15 octobre : " Sans faire obstacle au consensus espéré à Lisbonne, Paris attend de l'OTAN des précisions sur trois plans : la menace, la technologie et la facture. En filigrane, se profile la vraie question : qui contrôlera le bouclier territorial ? Les Européens, auxquels l'OTAN promet la facture, somme toute légère, de 200 millions d'euros sur dix ans ? Ou bien les États-Unis, qui ont investi des dizaines de milliards de dollars dans le projet depuis que le président Reagan a rêvé d'une «guerre des étoiles ?"


UNE OTAN ALLEGEE


Par ailleurs, l'OTAN est confrontée à des difficultés financières à cause de la baisse des budgets militaires de ses adhérents européens. Les ministres de la Défense doivent aussi se concerter sur la réforme des structures militaires de l'alliance, qui passe par un nouvel allègement des effectifs et une réduction du nombre des quartiers généraux et agences spécialisées.

Selon l'agence Reuters (14 octobre) : "Le "concept stratégique" qui sera validé le 19 et 20 novembre prochains confirmera la priorité de l'OTAN - la défense collective des pays qui la composent - et la poursuite des missions en cours, comme en Afghanistan où les forces de l'Alliance connaissent une année particulièrement meurtrière. Tout en adaptant le rôle de l'Alliance atlantique dans les dix prochaines années aux nouvelles menaces, le document doit aussi, en cette période de réductions budgétaires, permettre de rationaliser au maximum les dépenses. Pour réduire les coûts, les ministres ont acté jeudi une réduction du nombre des agences de l'OTAN de 14 à 3, du nombre des Etats majors de 12 à 6 et du nombre de personnes travaillant dans la structure de commandement à 8 500 d'ici quelques mois, contre 27 000 en 1995."

Selon le Blog Bruxelles 2 : "quant au budget global de fonctionnement de l'OTAN, il atteint la modique somme de 2 milliards de Dollars US. Un budget en augmentation rapide depuis 2002. On comprend ainsi la préoccupation des plus gros Etats contributeurs, comme la France et le Royaume-Uni, rejoints par les Etats-Unis. A eux trois, les trois pays fournissent, en effet, plus de la moitié du budget de l'OTAN (et avec l'Allemagne, on atteint plus des 2/3 !). Une préoccupation que vient renforcer la crise budgétaire.
L'enjeu de la réforme des structures recouvre donc aussi ce que pudiquement, on dénomme la « gouvernance financière », à savoir obtenir une certaine rigueur et un controle budgétaire, particulièrement sur les agences. « Avec nos efforts, nous avons réussi à ne pas dépenser l'enveloppe de réserve de 165 millions d'euros supplémentaires, décidée au sommet d'Istanbul » assure-t-on côté français."
(1)

Au total, on peut être assez optimiste sur l'issue des négociations. "Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a indiqué qu'un consensus se dégageait sur ce bouclier antimissile et qu'un accord serait officialisé le mois prochain. « Je n'ai pas entendu d'objections à avancer à Lisbonne vers une défense antimissile propre à l'Otan (...) Nous avons encore une travail technique à effectuer mais je suis optimiste", a assuré l'ancien Premier ministre danois. "Ce serait une démonstration visible que nous sommes prêts à renforcer nos capacités (militaires) même dans une période d'austérité budgétaire et économique", a-t-il encore dit. (Reuters 14 octobre 2010)

(1) (Pour en savoir plus sur les réductions d'effectifs et budgétaires Lire :
http://www.bruxelles2.eu/europe-de-la-defense/defense-ue-droit-doctrine-politique/otan-on-va-degraisser-le-mammouth.html


Edouard Pflimlin est journaliste

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