par Jean-Guy Giraud, le mercredi 03 novembre 2010

"Il faut à l'UE des architectes autant que des plombiers" Jacques Delors

"Dans l'idéal , un saut de qualité dans le gouvernement économique de l'UE et de la zone Euro exigerait une révision des traités" Jean Claude Trichet

Lettre ouverte aux membres du Parlement européen(II) du 26 octobre



Monsieur le député , Madame la députée

Dans le cadre de sa "Campagne pour les Etats Unis d'Europe", l'Union des fédéralistes européens - France (UEF-F) vous a adressé le 11 Octobre 2010 sa première "lettre ouverte" qui portait sur la question des ressources propres de l'UE.

Dans cette lettre, nous concluions que "le retour à la TVA communautaire apparait comme la solution la plus appropriée». Nous avons été heureux de constater, quelques jours après, que cette solution semblait privilégiée tant par le PE que par la Commission.

Nous voudrions aujourd'hui vous adresser notre point de vue - fédéraliste - sur une autre question également de nature "constitutionnelle" : la révision des traités en vue d'établir la gouvernance économique de l'UE.

L'UEF-F avait déjà pris position, en juin 2010, en faveur d'une profonde révision (un "Traité de Maastricht II") des dispositions des Traités relatives à "la politique économique" de l'UE (Art. 120 à 126 du TFUE). En résumé , nous estimions que -au delà des nécessaires mesures d'urgence prises pour faire face à la crise grecque et pour réglementer la supervision et l'activité des organismes financiers- seul un renforcement institutionnel de la gouvernance économique de l'UE pouvait durablement garantir le bon fonctionnement de l'Union monétaire .

Nous avons donc noté avec intérêt que - malgré le scepticisme de la plupart des gouvernements relayé par les Présidents du Conseil européen et de la Commission - les deux Chefs d'Etat des deux plus importants Etats membres de l'UE et de l'Euro groupe avaient finalement "considéré qu'une révision des Traités était nécessaire (...) afin de renforcer le gouvernement économique européen" (Déclaration franco-allemande de Deauville du 18 0ctobre 2010).

Le tabou de la révision étant à présent levé, l'UEF-F souhaite vous faire part de son point de vue sur cette révision - sans pour autant reprendre tous les éléments, bien connus, de cette problématique.

UN CONSTAT

1. La "crise grecque" a démontré sans contestation possible que le fédéralisme monétaire de l'UE instauré par le Traité de Maastricht ne pouvait pas survivre en l'absence d'un "fédéralisme budgétaire" ou économique parallèle.

2. la construction actuelle de l'UEM se trouve dans "une situation d'apesanteur politique, institutionnelle, juridique, démocratique, ...et financière "; un gouvernement économique commun à 27 Etats et entrainant de profondes implications économiques et sociales pour 500 millions de citoyens ne peut être basé sur de seuls règlements, directives, pactes, ou accords intergouvernementaux - mais nécessite un socle de nature constitutionnelle.

3. cette base ne peut pas être trouvée dans les Traités actuels dont l'esprit et la lettre "interdisent" au contraire formellement toute solidarité financière organisée entre les Etats membres et ne prévoient aucun des instruments et mécanismes indispensables à une gouvernance économique.

4. une révision d'ensemble des dispositions concernées des Traités (art. 120 à126 TFUE) - c'est à dire un "Traité de Maastricht II" - est donc nécessaire à courte échéance pour stabiliser durablement le fonctionnement combiné des unions économique et monétaire.

UNE POSITION

5. Il serait insuffisant - voire maladroit - de limiter la révision à de seules mesures anticrise et de caractère "punitif" ; l'occasion doit être saisie pour examiner en profondeur la souhaitable "architecture" d'ensemble de la gouvernance économique de l'UE.

6. Ceci implique notamment de nouvelles dispositions à caractère institutionnel parmi lesquelles la création d'un fonds monétaire, d'un trésor , d'une caisse d'amortissement européens ainsi que la création éventuelle d'un poste unique de Vice Président de la Commission -Président du Conseil Ecofin- Président de l'Euro groupe ; la mise en place de mécanismes de coordination de l'ensemble des politiques économiques nationales et des mesures de surveillance et de contrainte efficaces ; un renforcement des compétences autonomes de l'Euro groupe , etc. ...

7. La nécessaire révision des Traités pourrait- en droit - être effectuée selon la procédure "simplifiée" prévue par l'article 48§6 du TUE ; toutefois cette procédure pose problème dans la mesure où elle exclut tout "accroissement des compétences attribuées à l'Union par les Traités», tout en conservant l'exigence du vote unanime du Conseil Européen et de la ratification par tous les Etats membres.

8. l'ampleur de la révision souhaitable justifie au contraire l'utilisation de la procédure "ordinaire" qui, par l'intermédiaire de la Convention prévue à l'article 48§3 du TUE, offre à la fois la publicité, la visibilité, la légitimité et l'assise démocratique nécessaires ; l'expérience positive des deux premières Conventions (sur la Charte mais aussi sur le Traité constitutionnel) plaide en faveur de cette procédure normale.

9. la rédaction du projet de révision - plutôt que d'être confiée au Président du Conseil Européen comme le propose le communiqué franco-allemand -devrait être assumée par le PE comme le prévoit pour la première fois le Traité de Lisbonne; sa rédaction bénéficierait ainsi, dès l'origine, d'une préparation plus ouverte et plus démocratique, surtout si les parlements nationaux y étaient associés- en amont même de la Convention - comme l'envisage le PE. Il appartiendrait ensuite au Conseil européen de décider, à la majorité des Etats, de convoquer la Convention.

10. La révision devrait entrer en vigueur - comme le souhaitent les Gouvernements français et allemand - au moment de l'expiration du système d'urgence mis en place en 2010 ( et notamment du FESF) , c'est à dire avant 2014 ; cette date est également opportune puisqu'elle marque le début d'une nouvelle étape de l'UE avec les renouvellements du PE , de la Commission , de la Présidence du Conseil européen - et l'entrée en vigueur du nouveau cadre financier pluriannuel (2014/2019) ainsi que de la modification du régime des ressources propres de l'UE .


Madame la députée, Monsieur le député

l'UEF-F considère que, comme la question des ressources propres, la gouvernance économique de l'UE revêt une importance déterminante pour la survie de l'union monétaire et, finalement, pour la sécurité économique de 500 millions de citoyens. Mais elle est également déterminante pour garantir la poursuite du processus général d'intégration politique fixé par la lettre et l'esprit des Traités depuis l'origine de la Communauté - processus auquel notre mouvement est particulièrement attaché.

Nous vous remercions donc de l'attention que vous porterez à la présente lettre ouverte et nous espérons qu'il vous sera possible d'en tenir compte dans vos prochaines délibérations.


Je vous prie d'agréer, Madame la députée et Monsieur le député, l'expression de mes salutations européennes.


Jean-Guy GIRAUD
Président de l'UEF-France


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