par Noëlle Lenoir, le mardi 27 janvier 2009

Pourquoi le message de Barack Obama, lors de son investiture le 20 janvier 2009, est-il si fort, si légitime et si crédible ? Parce que le nouveau Président des Etats-Unis incarne le rêve américain. Son parcours, son identité plurielle, son verbe, sa foi dans un mélange de modernité et de tradition, son progressisme, tout concourt à en faire le symbole d'une Amérique reflet de la diversité du monde et ouverte sur lui. Une Amérique qui porte des valeurs universelles. Or sans valeurs universelles, il n'y a pas d'idéaux dignes de ce nom.


Editorial de Noëlle Lenoir paru le 26 janvier 2009 sur le site du Cercle des européens :

http://www.ceuropeens.org

La façon dont les médias ont amplifié l'évènement jusqu'à faire du Président Obama, une sorte de messie venu alléger, voire supprimer, les souffrances des hommes et des femmes et résoudre tous les conflits de la terre, appelle à la prudence. Ce fut là un exercice risqué. Tout espoir démesuré peut engendrer la désillusion. Et le gouvernement des Etats-Unis - compte tenu du rôle du pays sur la scène internationale, de la haine et des doutes suscitées ces dernières années - ne peut se permettre de décevoir ni ses citoyens, ni les citoyens des autres Etats, en particulier en Europe.

J'ai toujours pensé que l'affaiblissement des Etats-Unis était une très mauvaise nouvelle pour l'Europe. Mais une Amérique forte appelle nécessairement une Europe forte, plus autonome et confiante en elle-même.

La décision prise par Barack Obama au lendemain même de son installation de fermer dans le délai d'un an le centre de détention de Guantanamo, et de suspendre les procédures devant les tribunaux militaires, est plus qu'un symbole. C'est un acte de foi dans la capacité de l'Amérique à résoudre le dilemme entre sécurité et état de droit. D'ailleurs, cette décision s'inscrit en droite ligne de l'arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis qui, en juin 2008, avait condamné fermement l'existence des tribunaux militaires d'exception pour juger les inculpés de Guantanamo.

Au-delà du message sur la "prééminence du droit" (pour reprendre une expression du préambule de la Convention européenne des droits de l'homme), l'order présidentiel est un signe adressé aux peuples arabes. Un signe encore amplifié par la désignation comme émissaire américain au Proche-Orient de George Mitchell. Mitchell, médiateur envoyé par Bill Clinton en Irlande du Nord, s'était illustré en 1995 pour avoir contribué à l'accord du Vendredi Saint. Cet ancien sénateur d'origine irlandaise et libanaise a dit : "Les conflits insolubles n'existent pas". Ce qui est de bon augure. Toutefois, sa position médiane entre la position d'Israël et celle des Palestiniens inquiètent les soutiens les plus ardents du gouvernement israélien, et pourrait marquer un infléchissement de la politique américaine dans cette région. C'est à Barack Obama qu'il appartiendra de rappeler que la demande qu'il vient de formuler d'une ouverture de la frontière de la bande de Gaza ne remet pas en cause les impératifs de la sécurité d'Israël. Autre manifestation d'un infléchissement de la politique étrangère américaine, l'annonce faite par le candidat Obama d'une tentative de dialogue avec l'Iran, et d'un rapprochement de la Syrie. Son discours d'investiture est explicite. N'a-t-il pas déclaré "Nous tendrons la main si tu es prêt à ouvrir le poing" ? Ce qui veut dire que les Etats-Unis vont s'engager directement au Proche et Moyen Orient. Ils ne laisseront plus, comme en 2003/2005, les Européens (à l'époque le trio Allemagne, France et Grande-Bretagne) mener les démarches diplomatiques en Iran pour convaincre le régime des Mollahs de renoncer à la bombe (Lire Europe is talking Iran around, par Ray Takeyh). J'avoue qu'à l'époque, j'étais au Quai d'Orsay et je trouvais un peu faiblard le trio en question... Les Européens auront maintenant à se positionner par rapport aux Etats-Unis.

Autre exemple. Le Président américain a répété à qui veut l'entendre que sa priorité reste la lutte contre le terrorisme, mais bien avec l'aide de l'Europe. Les Etats européens sont expressément appelés à contribuer financièrement et logistiquement à ce combat. C'est ainsi que certains pays – Portugal, Grande-Bretagne, sans doute Finlande par exemple – ont donné leur accord au nouveau président pour accueillir des détenus de Guantanamo (il est vrai que les faire rentrer dans leur pays seraient souvent exposer leur vie), tandis que d'autres comme les Pays-Bas ont refusé.Les relations UE/Etats-Unis ciment ou facteur de division au sein de l'Europe ? That is the question. Des divisions sont en tous les cas à prévoir concernant le renforcement des troupes européennes en Afghanistan demandé par le Président Obama. Le Portugal n'a pas tardé à répondre positivement à la demande en augmentant ses forces aériennes. Que feront les autres pays ? Agiront-ils en ordre dispersé, ou peut-on espérer qu'ils se concertent pour parvenir à une position commune ?

Quant aux relations Russie/Etats-Unis d'Amérique, elles détermineront plus que jamais les relations de la Russie avec les Européens. Politique au Proche-Orient, en Afghanistan et vis-à-vis de la Russie, un enseignement majeur doit être tiré de ces trois exemples : La politique étrangère américaine ne sera pas celle du repli. Déjà des messages ont été envoyés sur des sujets majeurs.

Aux Européens d'y répondre en construisant une Europe politique en mesure de peser sur le destin du monde. L'Europe politique doit entretenir certes un partenariat privilégié avec les Etats-Unis, mais en tenant compte de notre vision et de nos intérêts propres. Et du fait que d'autres grandes puissances "émergentes" se sont éveillées... Ainsi que Barack Obama le sait parfaitement.

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Noëlle Lenoir, est ancienne ministre déléguées aux Affaires européennes. Elle est présidente de l'Institut d'Europe d'HEC et du Cercle des Européens 

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http://www.ceuropeens.org

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