par David Carayol, le lundi 16 février 2009

Une vraie démocratie en Europe n'est possible que si le Parlement européen est élu par tous les électeurs européens au cours d'une élection transeuropéenne unique, se dotant ainsi d'une légitimité transeuropéenne et devenant enfin capable de canaliser une véritable volonté politique européenne qui sera tout sauf le plus petit commun dénominateur des programmes de plus de cent partis politiques nationaux.


Les conditions de l'élection européenne doivent être les mêmes pour tout citoyen européen et garantir la plus grande représentativité possible tant aux niveaux nationaux que transeuropéen.

Alors seulement l'élection législative européenne sera une véritable élection européenne.

Le système actuel quant à lui n'est qu'une énorme fraude à l'étiquetage, masquant la triste réalité du monopole des partis nationaux sur le système politique européen.


La situation aujourd'hui


Tout parti véritablement européen dans quelque état membre de l'Union européenne est interdit !

Même pour les élections européennes! Tout parti doit d'abord être national et enregistré auprès de l'autorité nationale compétente.

De ce fait, les partis nationaux restent maître du jeu et aucune décision favorisant les intérêts des européens ne peut être mise en oeuvre. Les politiques européennes sont d'abord nationales, chaque état défend d'abord ses propres intérêts sans aucune vision européenne commune. La Commission étant de toutes façons nommée par les chefs d'état et de gouvernement, toute décision européenne est d'abord le résultat d'une concertation entre exécutifs des états membres avec un rôle très limité du Parlement Européen (lequel, fait unique en démocratie, n'a aucun pouvoir d'initiative des lois, celui-ci étant le domaine réservé de la Commission européenne, elle même composée de bureaucrates non élus).

Ce sont environ 110 partis nationaux (en moyenne 4 par pays) avec chacun leur programme et aucune coordination européenne qui se retrouveront répartis dans 8 groupes politiques au Parlement européen en juin 2009.

Chacun avec son propre programme qui diffère sensiblement d'un pays à l'autre, et une absence de majorité entre partis de même sensibilité au Parlement Européen, d'où des coalitions de circonstances entre groupes de sensibilités dites opposées.

Conséquences:

Une absence totale et organisée de direction européenne politique claire et des citoyens européens qui ne se retrouvent absolument pas dans les décisions prises, diluées dans un parlement faible entre groupes politiques abstraits et au moindre dénominateur commun.

Un taux de participation aux élections européennes qui ne cesse de baisser depuis la première élection du parlement européen en 1979. Si la moyenne de l'UE était de 63% en 1979, elle n'était plus que de 45% en 2004 et ce même parmi les grand pays fondateurs (39%, 42,7% et 43% en 2004 pour les Pays-Bas, la France et l'Allemagne).

Aucune disposition n'est prise par quelque état que ce soit, ni même par la Commission européenne pour changer, ni même dénoncer cette absence totale d'harmonisation du moment phare de la vie démocratique européenne: L'élection du parlement européen.

Vraiment étrange lorsqu'on sait avec quelle énergie la Commission européenne harmonise chaque domaine de la vie des citoyens: L'économie et sa dérégulation à outrance, le droit civil, le droit des sociétés, le droit pénal, le droit financier... aucun domaine n'y échappe sauf le principal: le droit à une élection véritablement européenne et donc démocratique, seule garantie d'une vraie représentation démocratique des citoyens européens!

Rien ne change, aucun changement en profondeur ne peut se faire dans le fonctionnement de l'Union européenne, ce qui provoque le désintérêt, la méfiance et le mécontentement d'un nombre toujours croissant de citoyens mais également (et en provoquera d'autres) la crise institutionnelle que nous vivons depuis maintenant 4 ans avec le rejet de la constitution et autre traité de Lisbonne.



Des barrières à l'entrée toujours infranchissables pour les nouveaux partis



Le propre de la représentation démocratique est d'assurer la meilleure représentation possible des courants et des citoyens et ce quelque soit leur taille et leur importance tant physiques que financières. Or certains états membres sont devenus maîtres pour s'assurer la suprématie de l'ordre (le leur) existant.

Principaux procédés utilisés:

Le système le plus répandu dans l'Union européenne est la proportionnelle. Mais plusieurs niveaux de difficultés ont été créés artificiellement par certains états membres pour sécuriser la suprématie des principaux partis nationaux.

Les modes de scrutin (avec ou sans circonscriptions)
Le choix du scrutin est crucial. Plus la magnitude (c'est-à-dire le nombre de sièges en jeu) est faible, moins l'effet proportionnel du scrutin est important. Fractionner le territoire aboutit mécaniquement à défavoriser les petits partis. Trois pays utilisent traditionnellement ce procédé le Royaume-Uni, l'Irlande et la Belgique (pour ce dernier les fortes disparités régionales justifient un tel procédé). Un pays à l'origine de la création de l'UE a cru bon de l'appliquer depuis les élections de 2004: La France.

Listes bloquées ou non
Une liste bloquée est une liste dont l'ordre des candidats déterminés par le parti sera nécessairement l'ordre des candidats élus si la liste obtient suffisamment de voix. Au contraire une liste non bloquée permet à l'électeur de choisir l'ordre des candidats qu'il souhaite voir élus d'abord, voire de panacher ses votes entre plusieurs listes, ce qui assure ainsi une plus grande latitude de choix à l'électeur.

Si la majorité des pays européens appliquent un système de liste ouverte, certains pays utilisent exclusivement des listes bloquées: C'est le cas en Allemagne, en Grèce, au Portugal, au Royaume-Uni, en Espagne, en France, en Estonie, en Hongrie et en Pologne.

La méthode de répartition utilisée
La méthode d'Hondt avantage les grands partis, surtout quand la magnitude (le nombre de sièges à pourvoir) est faible (cas des 'petits pays' ou des circonscriptions). C'est la méthode utilisée par la majorité des états membres, deux d'entre-eux utilisant également un système de circonscriptions: La France et le Royaume-Uni.

La méthode Sainte-Lagüe accroît en revanche la proportionnalité du système et avantage les petits partis: Elle est fréquemment utilisée dans les pays nordiques et par la Suède pour les élections au Parlement européen.

Le seuil d'accès à la représentation
Certains états prévoient en outre un seuil d'accès à la représentation: 5 % en Allemagne, Lettonie, Lituanie, la Slovaquie, la République Tchèque et la France (pour ce dernier un taux de 7% serait à l'étude), 4 % en Autriche en Suède et en projet pour l'Italie, 3 % en Grèce. Quand la magnitude est importante, notamment quand le territoire national constitue une circonscription unique (la France de 1979 à 1999), ce seuil a pour effet d'exclure de la représentation une liste qui a pourtant recueilli suffisamment de voix pour obtenir des élus.

Quand la magnitude est plus faible (France, 2004), le seuil de 5 % ne joue qu'un rôle théorique, puisqu'il faut en pratique recueillir une proportion de voix supérieure pour espérer obtenir un élu. Le « seuil effectif » est alors plus élevé que le seuil légal. Pour la France par exemple ce seuil effectif se situe à 10% pour la plupart des circonscriptions.

Les signatures des citoyens
Certains pays ont jugé nécessaire d'exiger des nouveaux partis (ceux ayant déjà un candidat élu en étant exemptés) de réunir un nombre défini de signatures de la part des citoyens. Ce nombre va de quelques centaines pour le Luxembourg (250) à plusieurs centaines de milliers pour la Roumanie (200 000). Si quelques milliers de signatures comme en Allemagne (4000), en Suède (1500), en Belgique (5000 pour la partie flamande, 5000 pour la partie Wallonne et 200 pour la partie germanophone) en Espagne (15000 ou 50 élus), ou encore 10 000, 15 000 ou 20 000 respectivement en Slovaquie, République Tchèque et Hongrie peuvent paraître justifiés, que dire des 150 000 signatures requises en Italie (30 000 par circonscription), 130 000 en Pologne (10 000 par circonscription) ou encore 200 000 pour la Roumanie!!

Le ticket d'entrée est évidemment plus élevé pour un nouvel entrant dans ces pays tant en termes de ressources humaines que financièrement. Les périodes pour recouvrir ces candidatures sont elles réduites et chaque parti dispose de quelques mois seulement, de 6 à 8 mois avant les élections jusqu'à 2 mois maximum avant ces dernières. Enfin et de nouveau, les partis existants sont exemptés de cette collecte de signatures!

Le coût des moyens de l'élection
Dans la plupart des pays européens le coût de l'élection (le fait de pouvoir physiquement voter à l'aide de bulletins de vote, enveloppes, posters...) est payé par l'Etat, même si une caution est demandée dans de nombreux pays aux partis. Celle-ci va de 90€ pour Malte à 11.250€ pour les Pays-Bas ou £60 000 (66 000€, ou 5.500€ par circonscription) pour le Royaume-Uni. Ces sommes sont rembourséE si les partis atteignent un seuil de 1 à 3% selon les pays.

Deux pays (à notre connaissance) font figure d'exception en ce qui concerne le financement des moyens de l'élection par l'état: la République Tchèque ou chaque parti doit débourser l'équivalent de 10 000€ pour payer les bulletins de vote et autre matériel nécessaire à l'élection (remboursés si plus d'1% des votes) et la France pour laquelle un parti souhaitant se présenter dans les huit circonscriptions doit débourser plus d' 1 million d'Euros! Pour ce dernier pays également à l'origine de la création de l'Union européenne le seuil de votes à atteindre pour prétendre au remboursement de ces frais est de 3% des votes, soit le plus élevé dans l'Union Européenne.

Comment un nouveau parti indépendant peut-il avoir une chance d'accéder à des élections dans ces conditions!? Le propre de la démocratie n'est-il pas d'assurer un accès égal à chaque parti!!?

L'âge légal de participation aux élections
Ce dernier point concerne à la fois les électeurs en âge ou non de voter et les candidates potentiels aux élections. Il est nécessaire que ces âges légaux minimum de vote et de pouvoir être candidat soient les mêmes dans tous les pays pour assurer une représentativité homogène dans l'ensemble de l'Union européenne.

Ainsi si pour l'âge légal de vote le vote à 18 ans (âge de la majorité civile) est le même dans la quasi majorité des pays de l'UE (seule l'Autriche autorise le vote à 16 ans) les disparités sont importantes en ce qui concerne l'âge légal pour être candidat: Il est de 18 ans pour 12 pays, de 21 ans pour 10 pays, de 23 ans pour 2 d'entre eux et de 25 ans pour 3 pays.


Conclusion


S'il y'avait un concours des pays les moins démocratiques et donc les moins européens, basé sur l'ensemble des critères exposés ci-dessus, on y retrouverait dans l'ordre:

La France
L'Italie et le Royaume-Uni
La Pologne et la Roumanie
Les élections européennes ne seront véritablement européennes et démocratiques que lorsque les règles et procédures d'élection pour ces élections seront les mêmes dans chaque état membre de l'Union européenne.

Ces règles et procédures doivent être les plus ouvertes possibles et favoriser la plus large représentation et diversité possible.

Enfin l'établissement de partis transeuropéens doit être explicitement reconnu au sein même de l'Union européenne et dans chaque état membre! Elle est la condition sine qua non à une vraie démocratie représentative et donc une vraie démocratie européenne!

Newropeans exige que les élections européennes soient réellement européennes et démocratiques.

Pour ce faire:

1. L'élection européenne doit avoir lieu le même jour dans tous les pays européens

2. Les procédés d'élection utilisés doivent être homogènes et garantir la représentation la plus large et la plus diverse possible et non assurer la victoire des plus gros partis à l'aide de méthodes opaques et totalement injustes et injustifiées démocratiquement: En particulier les méthodes de scutin et les méthodes de répartition proportionnelle utilisées ne doivent pas favoriser les partis déjà établis, à défaut de favoriser les petits et / ou nouveaux partis.

3. L'exigence de signatures (si elle est retenue) doit être les mêmes pour tout parti du même état membre, qu'il soit nouveau ou qu'il soit déjà établi. Le nombre de signatures à obtenir doit être raisonnable, basé sur une procédure identique dans l'ensemble de l'Union européenne, et s'appliquer à chaque parti (et pas seulement aux nouveaux).

4. Les moyens de l'élection doivent être totalement financés au mieux par l'Union européenne, au moins par chaque état membre de l'Union européenne: Ceci pour assurer une juste représentation de partis indépendants, et non biaisée, car basée sur un accès identique à chaque parti.

5. L'âge légal de participation à ces élections, tant comme électeur que comme candidat doit être le même dans chaque pays membre: Elle est la condition d'une représentation homogène dans l'ensemble de l'Union européenne.


Paru dans Newropean Magazine

http://www.newropeans-magazine.org/

David Carayol est Vice-Président de Newropeans, il est Coordinateur de la Campagne Newropeans en France - cf son blog Europemondi

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