par Marianne Ranke-Cormier & Cécilia Riehm, le jeudi 09 avril 2009

Comment les élections européennes en Belgique peuvent elle être européennes alors qu'elles ne sont même pas (trans-)belges ?


Tout le monde a suivi depuis deux ans les affres de la rupture de la société belge et son risque d'éclatement communautaire, du fait de l'exacerbation des identités linguistiques et régionales entre flamands et wallons, plus exactement néerlandophones et francophones (abandonnant d'ailleurs la petite communauté germanophone à son sort dans l'indifférence totale des observateurs), et, de l'inexistence d'un seul parti ou mouvement politique qui viendrait fédérer les citoyens belges tout simplement. Et bien les élections européennes ne viennent rien arranger. Au contraire. La Belgique pratique à échelle nationale l'aberration des scrutins nationalistes que nous subissons au niveau européen.

Pour pouvoir se présenter aux élections européennes, par essence transnationales, tout nouveau parti ou mouvement doit se soumettre à une démarche communautariste: présenter des listes par communauté linguistique avec des candidats qui parlent la langue de cette même communauté. A côté de cela il faut pour tout nouveau parti 5000 signatures pour chaque communauté francophone et néerlandophone, 500 pour la communuaté germanophone.

Quand on pense qu'en Allemagne pour 80 millions d'habitants recueillir 4000 signatures pour un mouvement inconnu du public, qui ne bénéficie d'aucun soutien médiatique, politique, institutionnel, ou de lobby quelconque (comme tous les amis de la SPA locale ou régionale, qui eux aussi forment leur parti pour les élections européennes…), sésames de tout déclic citoyen, a relevé d'un véritable défi : 5000 signatures pour une communauté d'environ 3 millions d'électeurs en ce qui concerne la communauté francophone, relève d'une gageure et surtout d'une volonté de faire échec à l'émergence de toute dimension démocratique réellement transcommunautaire.

Pas étonnant que le pays soit en faillite démocratique et citoyenne, et que seuls les leaders populistes, démagogiques et extrémistes tirent la couverture à eux. Il est toujours plus aisé en politique d'exacerber les frustrations des gens, de les décharger de toute responsabilité en accusant le voisin qui marche sur vos plates-bandes, et d'attirer à vous tous ceux qui voudraient exprimer leur appréhension face à ce monde sur lequel ils ont conscience de n'avoir aucune maîtrise, mais surtout pour ne plus cautionner des politiciens dont la seule ambition reste celle d'être assis au poste de députés, parce qu'ils pensent qu'ils savent mieux que les autres, mais qu'en fait à force de batailler pour leur maintien ils en oublient les électeurs et la société. Certes, les autres ne sont pas mieux, mais au moins ils ont des promesses simples, des phrases percutantes, ils veulent Vous protéger, Vous défendre, dénoncent les mensonges de ceux qui sont au pouvoir depuis si longtemps, et tous les maux de la société auxquels vous êtes quotidiennement confrontés. Vous avez peur ? Ils sont là pour combattre la violence des cités. Vous êtes au chômage, ils sont la pour défendre Votre place au travail. Vous vivez mal ? Ils sont là pour vous permettre de reconquérir Votre espace « vital »… Bref à trop vouloir protéger les communautés, leurs identités et leurs droits, on en oublie la société tout simplement et le citoyen autrement.

Les Belges méritent bien plus que cela, les Belges européens aussi. Et pour que vive la démocratie en Europe, Newropeans, le premier mouvement politique transeuropéen qui présente des listes dans différents pays de l'UE, mérite bien que les forces progressistes en Belgique apportent leur soutien à ses candidats, pour former ensemble ce qui pourrait être le premier front démocratique européen, et pas seulement un « remake » de la scène politique intérieure belge au sein de ce qui devrait être déjà aujourd'hui la plus grande puissance démocratique dans le monde.

Paru le 6 avril 2009 dans Newropeans Magazine


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