par Patrick Martin-Genier, le lundi 20 avril 2009

Il semblerait que certains responsables politiques ne soient pas pressés de partir en campagne. D'autres souhaiteraient au contraire dès maintenant faire de ces élections un "vote sanction" contre le gouvernement.


Les élections européennes ne sont pourtant pas comme toutes les autres. Comme son nom l'indique, elles sont ou devraient être avant tout "européenne". Cette dimension devrait obliger les responsables politiques à axer les thèmes de campagne sur les grands enjeux que représentent ces élections, dans une perspective européenne et pas seulement dans un cadre national nécessairement trop étriqué.

En même temps, ces élections constituent un exercice démocratique. Il est donc normal que les partis politiques s'affrontent. Il serait donc nécessaire que les principaux leaders fassent œuvre de pédagogie sans trop s'attarder sur l'anecdotique ou les "petites phrases" des uns et des autres.

L'Europe subit de plein fouet la crise économique, dans sa double dimension industrielle et financière. Le phénomène des délocalisations n'est pas nouveau mais il prend aujourd'hui une ampleur inégalée. Il pose une vraie question : celle des rapports entre les travailleurs et les capitaux. L'économiste François Perroux estimait que la cohésion sociale était un élément indispensable d'un bon fonctionnement de l'économie. Cela est vrai pour le management des entreprises.

Objectivement, lorsqu'une entreprise présente un taux de rentabilité satisfaisant et que les dirigeants annoncent de façon brutale la fermeture d'un site en raison d'une profitabilité bien supérieure, soit dans un autre pays de l'Union européenne non encore complètement alignés sur les autres s'agissant tant de la protection sociale et des salaires, soit dans les pays d'Asie du sud-est voire en Afrique du Nord, la confiance dans notre système économique en prend en coup sévère.

La question urgente que l'on doit poser est celle de savoir quels sont les moyens d'action dont peut disposer l'Europe. En premier lieu, il est certain que les politiques nationales sont impuissantes à résoudre cette question. Un Etat ne maîtrise pas les données financières internationales. Seule une action sur le plan international peut se donner les moyens de contrer un hyper libéralisme dont on a vu les conséquences néfastes lorsque des mécanismes de régulation internationaux sont absents.

L'Europe, même modestement, peut y contribuer. A cet égard, afin de ne pas laisser croire que l'Europe détruirait nos emplois dans tous les secteurs, il importe de démontrer quelle façon elle a au contraire favorisé l'emploi et chercher à protéger nos industries contre une concurrence de plus en plus féroce.

En deuxième lieu, il serait nécessaire de faire une sorte de bilan de ces politiques : sont-elles suffisantes pour contrer cette sorte de course sans fin à la productivité qui tend à condamner tout site non suffisamment concurrentiel bien que rentable ? Il convient de poser la question du protectionnisme. Le protectionnisme n'a jamais été une bonne politique, mais on le sait, tous les Etats et en premier lieu les Etats-Unis d'Amérique se battent pour préserver leurs propres secteurs industriels de la concurrence, en ce compris la concurrence européenne. Le vaste marché unique n'a de sens que pour permettre à des millions d'entreprises de commercer entre elles sans entraves, mais que peut-être face à la concurrence chinoise ou sud-américaine ?

L'Europe doit, en troisième lieu, être capable de défendre ses propres valeurs : si les produits venus de l'autre bout du monde sont à ce point compétitifs, c'est parce que la main-d'oeuvre y est largement exploitée ; le travail des enfants, notamment la nuit, est monnaie courante, autant de pratiques condamnées par la communauté internationale. Il serait par suite légitime d'étudier une taxe à l'importation qui pourrait à terme dissuader certains Etats de laisser se développe de telles pratiques et de les obliger à légiférer ou à faire respecter une législation balbutiante sur ce point.

Pourquoi ne pas envisager un projet de directive sur ce point auxquels les nouveaux parlementaires pourraient s'atteler dès le prochain Parlement élu.

On le voit, les sujets majeurs ne manquent pas. C'est pourquoi, il serait utile de commencer dès maintenant cette campagne qui devrait se focaliser, de façon salutaire, sur le fond.


Partick Martin-Genier est secrétaire général de l'Association Jean Monnet

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