par André Locussol, le vendredi 24 avril 2009

L'idée d'une grande Europe a toujours germé dans nos esprits. Napoléon dans sa retraite de Sainte-Hélène disait : "Une de mes plus grandes pensées avait été l'agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques qu'ont dissous, morcelés, les révolutions et la politique. Ainsi, l'on compte en Europe, bien qu'épars, plus de trente millions de Français, quinze millions d'Espagnols, quinze millions d'Italiens et trente millions d'Allemands. J'eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de nation. C'est avec un tel cortège qu'il eût été beau de s'avancer dans la postérité et la bénédiction des siècles".

Un siècle et demi plus tard, Jean Monnet, premier président d'une institution européenne, la CECA, et à l'origine du Marché commun, déclarait : "L'Europe n'a jamais existé. Ce n'est pas la somme de souveraineté nationale dans un conclave qui créé une entité. On doit réellement créer l'Europe." Pour y arriver, comme en toutes choses, il n'avait qu'une seule méthode : la concertation. Robert Schuman, l'initiateur de la communauté européenne, affirmait de son côté que : "L'Europe a besoin de mieux vivre, en mettant en commun la plénitude de ses ressources. Elle doit devenir une entité agissante, consciente de ses particularités et s'organisant en vue de ses besoins et de ses possibilités propres (…) Entreprendre vaut mieux que se résigner, et l'attente de la perfection est une piètre excuse pour l'inaction."

En janvier 1977, à l'occasion de l'inauguration du Palais de l'Europe à Strasbourg, Valéry Giscard d'Estaing proclamait : "Nos barrières douanières sont tombées. Nos économies se sont nouées. Notre communauté s'est élargie. Nous avons pris l'habitude d'examiner tous les problèmes ensemble. Oui, cette période aura le droit d'être, aux yeux de l'histoire, celle de la naissance de l'Union de l'Europe (…) Il démontre enfin que les progrès de l'Europe n'ont donné à aucun des pays qui composent la Communauté le sentiment d'avoir perdu son identité ou aliéné sa souveraineté. En progressant, nous ne nous sommes pas défait nous-mêmes : nous nous sommes rencontrés (…) Proposer l'avenir, c'est enfin, dans un monde troublé et dangereux, dominé par l'ombre des grands arsenaux nucléaires et militaires, dans un monde encore livré sur de vastes étendues au fléau de la misère et de la faim, faire entendre dans les discussions internationales la voix de la raison, qui est celle de la concertation et de la dignité, la voix du cœur, c'est-à-dire celle de la solidarité."

Tout a commencé après la 2ème guerre mondiale, avec l'accord passé entre Américains et Européens. Les premiers réclamaient une réconciliation entre les peuples européens – en commençant par la France et l'Allemagne – pour mettre fin aux conflits qui semaient la mort et la désolation depuis des siècles (et tout particulièrement depuis 1870), de l'Atlantique à l'Oural. Les seconds avaient besoin d'aides, de prêts à faibles taux, pour reconstruire leurs pays détruits et dévastés.

Les Américains ont proposé le plan Marshall en échange de la construction d'une communauté européenne, qui a débuté avec le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) signé à Paris le 18 avril 1951 par la Belgique, la France, l'Italie, la République fédérale d'Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas. Mais la construction européenne a réellement démarré avec le traité de Rome, qui a vu le jour suite à la conférence de MESSINE …

Après l'échec de la non-ratification, le 30 août 1954, du Traité portant sur la Communauté Européenne de Défense (CED), les gouvernements des Six reviennent au domaine de l'économie. La réunion de Messine représente bien une "relance" dans la construction européenne et une tentative pour renouer le dialogue entre européens. Toutefois, deux années de négociations sont nécessaires pour déboucher sur les traités de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne (Marché commun) et la communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom). Contrairement à la CECA, les dispositions sociales sont réduites à la création du Fonds social européen dont le rôle sera limité longtemps à la formation professionnelle.

L'Europe est passé de 6 pays (France, République fédérale allemande, Italie, Benelux) le 25 mars 1957, à 9 (entrée du Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni) le 1er janvier 1973, à 10 (entrée de la Grèce ) le 1er janvier 1981, à 12 (entrée de l'Espagne et du Portugal) le 1er janvier 1986, puis à 15 (entrée de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède) le 1er janvier 1995.

Président de la commission européenne, de 1985 à 1995, Jacques Delors exprimait en 2000 ses doutes sur l'avenir de l'Union européenne avec l'intégration de nouveaux pays, et il posait les vrais questions sur l'Europe : "En 2010, nous ne serons plus 15, mais 32 ou 33. Ce grand élargissement, c'est notre devoir historique (…) Il nous faudra relever le défi du nombre. Déjà à 15, le moindre tour de table de conférence européenne prend des allures de parcours du combattant. Imaginez lorsque nous serons 27, voire plus (…) La prise de décision va devenir incroyablement compliquée. Deuxième défi, celui de la disparité économique : en dehors de la Slovénie, dont le niveau de développement se situe à 50% de la moyenne communautaire, les autres pays naviguent entre 15 et 30%. Si l'on voulait "cloner" nos politiques structurelles pour les donner aux 27, il faudrait mettre sur la table chaque année non pas 33 milliards d'euros, comme c'est le cas actuellement, mais plutôt 80 ! Une question parmi d'autres : la Politique agricole commune (PAC). Il y a en Pologne et dans les autres pays plus d'agriculteurs que dans les quinze pays de l'Union. Or la PAC représente déjà environ 40% du budget européen ! Autre point essentiel : la circulation des personnes. « Elargir » Schengen aux pays candidats implique de pouvoir effectuer demain les contrôles à la frontière balte, polonaise et autres (…) Or nous savons qu'une des plus grandes menaces des années à venir, c'est la criminalité internationale sous toutes ses formes (blanchiment, drogue, etc.) (…) Le passage de 12 à 15 a déjà constitué une rupture. L'esprit européen n'est plus le même. A fortiori, comment éviter, à 27, la dilution ?". Pour Jacques Delors toute l'organisation était à revoir pour s'adapter à ce nombre croissant, entre autres, en termes de vote et de représentativité. Il évoquait la réforme du Traité avant toute nouvelle intégration avec des aménagements, comme le proposait la France, pour permettre à certains pays "d'aller plus loin dans un domaine déterminé". Il se montrait sceptique sur les modifications qui ne pourraient que complexifier le système. Il était aussi dubitatif sur un mariage à trente alors qu'on n'avait tant de mal à s'entendre à quinze. Pour lui, les ambitions en matière économique devaient être réalistes et adaptées au nouveau contexte "tout en permettant à une avant-garde de progresser". Ce père de l'Europe de la deuxième génération, qui a passé près d'un demi-siècle entre économique et social, concluait : "Si la prise de conscience passe par une crise, alors mieux vaut une crise suivie d'un redémarrage plutôt que la dilution dans la complexité et l'impuissance. Tous ces points sont essentiels, mais à mon sens le vrai débat est ailleurs." Depuis plusieurs années, les Européens n'osent plus se demander : "Que voulons-nous faire ensemble ?".

Cela n'empêcha pas l'Union européenne (née en 1992 avec le traité de Maastricht), après une pause de près de 10 ans, de passer de 15 à 25 pays (adhésion de : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie), puis à 27 (entrée de la Bulgarie et de la Roumanie) le 1er janvier 2007. Mais l'accélération du processus de construction européenne a fait des dégâts : non français et hollandais aux référendums de 2005, non irlandais au traité de Lisbonne (copie conforme de la Constitution européenne), remise en cause juridique de la ratification britannique par un sujet de sa très gracieuse majesté, et interrogation tchèque sur l'opportunité de signer ce traité, en 2008. Parallèlement, l'UEM (Union économique et monétaire) vit sa vie avec 15 pays (16 au 1er janvier 2009 avec la Slovaquie) au sein de la zone euro, où cohabite différentes monnaies (euro, livre sterling, couronnes danoise et suédoise, etc.), sans oublier les petits états hors UE qui ont adopté l'euro (comme Andorre, San Marin, Monaco), ou ceux qui sont liées ou non à l'euro… un vrai casse-tête. On n'a pas assez fait le lien entre la complexité de l'UE, l'accélération du processus de construction européenne, et surtout le fait que les citoyens sont complètement oubliés, absents dans ce concert de sons discordants, cette cacophonie, et cette frénésie qui s'est emparée de l'Europe.

Faire l'Europe, c'est unir les peuples qui la composent, les réunir afin qu'ils s'identifient à un seul et même, tout en gardant leurs spécificités. L'Europe doit se faire tous les jours et pas uniquement lorsqu'on a besoin d'elle, pour de sombres desseins politiques, le temps d'une présidence d'un sommet ou d'une élection. Cette intégration, cette reconnaissance ne peut être que le fruit d'un arbre aux multiples branches qui se confondent pour former un tronc commun source de force et de connaissance. Il faut unifier nos institutions, nos économies, nos modes de vie et de travail, après avoir appris à mieux se connaître, se comprendre et s'apprécier.

La construction européenne a permis de nombreux progrès, l'éclosion de la péninsule ibérique et l'émergence de nouveaux pays industrialisés, et des PECO (ex-pays de l'Est). Mais, depuis l'avènement du XXIe siècle, l'Union européenne fait du surplace et les bonnes intentions de Jean Monet et Robert Schuman ont laissé la place aux pires désillusions. On doit considérer que le modèle politique et économique actuel européen a échoué parce que nous sommes en train de faire marche arrière, et nous devons trouver une autre voie pour rebâtir une nouvelle Europe, comme le suggérait déjà Jacques Delors en 2000 (voir paragraphes précédents).

En effet, l'échec du système actuel est cuisant. La prospérité qui nous était promise au début du troisième millénaire s'est transformée en paupérisation. Les prévisions récentes de croissance sont systématiquement revues à la baisse depuis 2007. Mi-août 2008, Eurostat constatait que la zone euro se trouvait face à la première contraction de l'activité économique depuis 13 ans. Le PIB de la zone euro s'est contracté de 0,2% au 2ème trimestre 2008, et la prévision de croissance pour 2008 est passée de 2,1% (octobre 2007) à 1,4%, (14 août 2008).

Chaque jour, les citoyens voient leur situation se dégrader, victime d'une Europe égoïste, égocentrique tourné vers le tout économique et financier. Selon Eurostat, l'agence de statistiques de l'Union européenne, le taux de pauvreté était de 16% dans l'Union Européenne à 25 en 2006. Le taux le plus élevé (23%) était en Lettonie, et le plus bas (9%) en Suède, alors qu'il atteignait 13,2% en France (8 millions de français ont moins de 880 euros par mois pour vivre).

Cette détérioration de notre économie n'a d'égal que les écarts grandissants et les distorsions qui existent entre les pays de l'Union. Une iniquité que les technocrates de Bruxelles n'ont pu résoudre malgré l'ouverture de l'Europe à la mondialisation et la libéralisation des échanges intra-européens. Cette situation n'est pourtant pas nouvelle. En 2005, le constat était déjà inquiétant : la réunification économique de l'Allemagne n'avait toujours pas abouti, handicapée par l'ex-RDA qui tirait le pays vers le bas avec plus de cinq millions de chômeurs, sachant qu'à elle seule, elle possédait un PNB six fois supérieur à celui des dix pays entrants réunis ; par ailleurs, le PNB/habitant des quinze était de 22 000 euros, soit quatre fois supérieur à celui des nouveaux entrants (celui de la Finlande était six fois supérieur à celui de Slovaquie, à population comparable), et celui du Luxembourg (le plus élevé de l'UE) était douze fois supérieur à celui de la Lettonie ; enfin, les aides structurelles accordées par l'Union aux dix nouveaux entrants étaient inférieures aux montants accordés précédemment à la Grèce, au Portugal et à l'Espagne réunis.

A cette époque, déjà, on ne voyait pas comment les dix pourraient se rapprocher du niveau de vie des quinze, d'où leur désappointement après avoir intégré l'Union : "Entre les nouveaux adhérents qui revendiquent de bénéficier des politiques communautaires sur un plan d'égalité (notamment les agriculteurs de Pologne et de Hongrie) et les anciens membres qui, comme l'Espagne, vont perdre beaucoup d'aides et ne souhaitent pas dans leur grande majorité, remettre au pot, l'empoignade ne fait que commencer".
Si on y ajoute la dégradation de la politique agricole commune (PAC) – le budget des subventions agricoles devait passer de 42.6 % en 2005, à moins de 30% du budget total de l'Union en sept ans, alors qu'il baissait déjà depuis 1988 : 58.4% en 1988, 49.3% en 1994 et 45% en 1999–, qui repose essentiellement sur des aides, et qui est l'objet de tout temps "d'empoignades musclées" entre le Royaume-Uni et la France, nous avons tous les ingrédients d'un échec patent de la politique économique européenne, qui marque un arrêt notoire de la construction européenne.

Cela explique pourquoi, les citoyens européens touchés de plein fouet par la baisse de leur pouvoir d'achat, puis par la crise économique (immobilière et financière), ont réagi si négativement aux différents référendums qui se sont déroulés dans l'Union (le traité de Lisbonne étant la copie conforme du Traité établissant une Constitution européenne), que ce soit les Français, les Hollandais ou les Irlandais (dernièrement) auxquels auraient pu s'ajouter les Anglais et les Polonais, et peut-être d'autres citoyens, si on les avait consultés préalablement comme cela était prévu dans un premier temps. La démobilisation et l'opposition des citoyens européens sont consécutives principalement à la baisse de leur niveau de vie, au chômage mais aussi au manque de considération auquel ils ont eu droit, mais aussi à la rétention d'informations orchestrée par les gouvernements européens – quand ce n'était pas de la désinformation –, qui ne leur a pas permis de se prononcer de façon objective en connaissance de cause.


La Citoyenneté européenne


La citoyenneté européenne a toujours été au centre de vastes polémiques, depuis le traité de Rome. L'universitaire belge Paul Magnette a beaucoup écrit sur ce sujet. Il explique dans l'un de ses ouvrages que la construction européenne a permis "progressivement de décloisonner les citoyennetés nationales. Le principe de non-discrimination, invoqué par des citoyens actifs, appliqué par des juridictions nationales et par la Cour de justice des Communautés européennes à des domaines croissants, a permis d'ouvrir aux "ressortissants communautaires" les droits civils, sociaux et même politiques des Etats membres, et ainsi d'éroder les frontières juridiques qui séparaient naguère les citoyens européens". Il considère que les citoyens européens ont peu de droits spécifiques à l'Union européenne, en raison de l'affrontement permanent entre le courant souverainiste, fédéraliste et ceux qui souhaitent une intégration politique et économique. La réalité montre que les droits du citoyen relèvent beaucoup plus des Etats que de l'UE. Mais cette constatation vient aussi du fait que le système institutionnel est peu lisible et transparent pour le citoyen moyen.

D'où l'explication du manque d'implication politique des citoyens et des taux d'abstentions records aux élections du parlement européen, avec en corollaire cette question : "Quelle Europe construire avec les citoyens ?"

Pour Magnette : "Le système institutionnel de la Communauté n'a jamais été pyramidal. Entre le Conseil, le Parlement et la Commission, on ne trouve pas trace de rapports de subordination […] L'Union européenne apparaît ainsi comme un système politique horizontal, dans lequel des organes séparés tentent de s'influencer réciproquement. Cette configuration fut délibérément choisie et entretenue, par les Etats membres qui y voyaient une garantie de l'équilibre subtil de la Fédération d'Etats." Il en découle une très faible visibilité voire une incompréhension de toute décision politique prise par l'Union européenne. Ce qui sous-entend qu'il y a urgence de construire une véritable Europe politique et citoyenne.

En effet, toute position de l'Union fait l'objet de longues négociations teintées de polémiques (chacun vibrant avec sa fibre nationale) entre institutions, et les opinions publiques ne savent jamais qui influence qui, et qui prend la décision… "L'Europe est un pouvoir sans visage". Nous sommes face à une "colossale" bureaucratie localisée entre Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg qui n'a de comptes à rendre à personne, et qui emploie des milliers de technocrates non représentatifs des citoyens. Qui doivent s'approprier, enfin, une partie du pouvoir des institutions européennes.

Depuis deux décennies, le système politique de l'Union creuse un fossé entre gouvernants et gouvernés, les seconds ayant l'impression d'être délaissés au profit d'intérêts personnels et corporatistes. Par ailleurs, la complexité et l'éloignement des instances dirigeantes européennes entretiennent cette idée que l'Union est déconnectée de sa base, contrairement aux nations, où il existe un lien entre les citoyens et le pouvoir à travers les partis politiques et les syndicats. Autant les partis sont bien structurés à l'échelle nationale, autant les divergences au sein et entre les familles politiques européennes les rendent inefficientes et inopérantes lors des élections européennes. D'autre part, le parlement européen n'étant pas le fil conducteur qui mène à un gouvernement européen, l'intérêt des élections est nettement moindre qu'à l'échelon national.

Paul Magnette prétend que la citoyenneté au sein de l'Europe ne se conçoit pas de la même façon qu'au niveau national. Elle est faite d'actions plus diverses et individuelles "Être citoyen actif dans l'Union, ce n'est pas seulement voter aux européennes, mais participer à des réseaux d'associations, exercer des pressions sur les organes multiples, parlementaires, exécutifs, judiciaires ou technocratiques, et cela aux nombreux stades de la prise de décision, de la préparation à la mise en œuvre". On pourrait ajouter, s'immiscer dans les instances, en n'étant pas qu'électeur mais en devenant élu, en se présentant aux élections parlementaires européennes. Faute de quoi, les citoyens passeront de l'indifférence à la défiance, en rejetant tout ce qui vient de l'Union européenne, en matière de choix et de décisions (voir le non aux référendums, le refus des agriculteurs et des pêcheurs de toutes directives, etc.). Il faut donc construire une légitimité, un pouvoir politique européen, pour que les citoyens se sentent réellement concernés et responsabilisés. Il faut donc sortir du schéma actuel où l'Union européenne est considérée comme une comme une simple alliance d'Etats démocratiques avec une légitimité indirecte ("L'Europe est démocratique disent certains, parce qu'elle est le fait de gouvernements qui sont démocratiques, élus et sanctionnés le cas échéant").


A quelques mois des élections européennes de juin 2009, le citoyen européen se retrouve au centre de tous les débats, de tous les éditoriaux, de toutes les attentions, après que l'Union européenne l'ait plus ou moins occulté durant près de cinquante ans. La place du citoyen dans la construction européenne est pourtant capitale si on en juge les déclarations récentes des médias et des politiques. Cette notion peut être appréhendée individuellement en tant qu'élément de base de notre société, mais aussi collectivement dans un cadre associatif, à la source de mobilisations sur des questions dites de société. Le citoyen est indissociablement lié à l'existence de l'Etat dans sa dimension politique, et il constitue fondamentalement un des piliers sur lesquels s'appuie toute démocratie.

Philippe Tronquoy, éditorialiste des Cahiers français, écrivait en septembre 2003 : "Evoquer de nouvelles dimensions de la citoyenneté peut sembler presque pléonastique, tant depuis le XVIIIe siècle la figure du citoyen en France en France et les régimes démocratiques qui s'en réclament n'ont cessé de connaître de profondes évolutions […] des rapports jamais totalement stabilisés de la société civile avec la société politique, faisant resurgir en premier lieu l'écart originel entre souveraineté populaire et représentation nationale. Les incertitudes et les mutations relatives aux équilibres entre ces deux entités renvoient plus particulièrement aujourd'hui à la dynamique démocratique qui travaille tous les Etats-providence et qui nourrit des aspirations proprement inépuisables."

Thierry Leterre s'attarde lui sur la notion de représentation : " Représenter, dans le sens politique du terme, est une fonction bien particulière de l'organisation des pouvoirs, fondée sur l'intuition que seule une partie du corps social peut participer à la décision effective, mais qu'il est toujours possible d'assurer un lien entre ces intervenants et la collectivité. Ce lien est justement la représentation : le représentant détient un mandat pour intervenir au nom de ses mandants. Dans les démocraties modernes, dites « représentatives", ce mécanisme de représentation s'est aggloméré à l'idéologie de la souveraineté populaire. Même si le peuple, c'est-à-dire la collectivité des citoyens, est supposé détenir le pouvoir, on doit malgré tout constater l'impossibilité de réunir constamment ce peuple pour en discuter et décider des lois. Il faut donc qu'un petit nombre seulement d'intervenants s'en charge en son nom. Le choix populaire se porte ainsi, non sur les décisions à prendre mais sur les personnes aptes à prendre ces décisions en son nom. Ainsi se dessine le couple fondateur des démocraties contemporaines : le citoyen… D'un côté celui qui participe à l'élection, de l'autre celui qui est élu pour participer à la décision politique concrète.
"Depuis les années 70, on constate une moindre capacité de l'Etat à assurer ses fonctions traditionnelles en matière de régulations politiques et juridiques, tandis que l'essor de vastes mobilisations collectives a pu créer […] des "institutions de fait" productrices de nouvelles régulations autonomes […] Ces mobilisations collectives, en suscitant l'intervention des agents dans la gestion de la société, renouvellent le lien à la citoyenneté et, en concourant à la création de nouvelles normes, elles pérennisent les résultats de leurs actions"

"Dans les grandes démocraties comme celles de l'Union européenne, le lien entre les mobilisations collectives et la citoyenneté a souvent été très fort. Par-delà la manifestation, les revendications ou la grève qui relèvent des droits formels de la liberté d'expression qui constitue pour sa part l'un des socles de la citoyenneté, ce lien s'est fréquemment étendu à des domaines plus éminents … »
Si on prend le cas de la France : "La relation entre la vie associative et citoyenneté constitue un véritable enjeu dans la culture française […] D'abord insérée dans la problématique de la démocratie républicaine par la loi de 1901, la vie associative conquiert la légitimité d'un espace autonome et intermédiaire à partir des années 60 surtout. Face à la crise et aux mutations socio-économiques et politiques de la fin du XXe siècle, deux écueils sont à éviter : verser dans les excès du "tout associatif" d'un côté, dénier aux associations toute légitimité dans la construction de la citoyenneté de l'autre."

D'où l'importance de développer cette forme de citoyenneté qu'est l'association au sein de l'Union européenne, qu'elle soit éducative, culturelle ou sportive. Tout en recadrant son rôle sociétal et publique pour qu'elle soit un organe consultatif et participatif au service de la gouvernance européenne, et non pas un simple interlocuteur à qui on confie "les basses œuvres".


Au niveau européen, la notion de citoyenneté est relativement récente. Le Traité de Rome de 1958, à la base de la construction européenne, ne faisait en effet nullement mention de citoyenneté européenne. Trente-quatre ans plus tard, le traité de Maastricht (7 février 1992) évoque la notion de citoyenneté européenne qui va de pair avec la nouvelle dimension politique de la construction européenne. La citoyenneté européenne s'ajoute à la citoyenneté nationale, toute personne ayant la nationalité d'un des Etats membres de l'Union est un citoyen européen. Le Traité énumère les droits du citoyen européen : droit de circuler et de résider librement dans les pays de l'Union ; droit de voter et d'être élu dans l'Etat où l'on réside pour les élections européennes et municipales sous certaines conditions ; droit de pétition devant le Parlement européen ; droit de déposer, auprès du médiateur européen, une plainte concernant un mauvais fonctionnement de l'administration communautaire…
Le Traité d'Amsterdam (2 octobre 1997) renforce les dispositions du Traité de Maastricht en renforçant la garantie et la protection des droits fondamentaux, en interdisant les discriminations et en reconnaissant le droit à l'information et à l'organisation de la défense des consommateurs. Le Traité de Nice (26 février 2001) adopte la Charte des droits fondamentaux (basée sur les traités communautaires, des conventions internationales et les traditions constitutionnelles des Etats membres), qui n'a aucune valeur juridique contraignante bien qu'elle ait été adoptée par toutes les instances de l'Union. Cette charte définit les droits économiques, politiques et sociaux des Européens. Elle a été ensuite intégrée au projet de TCE (traité établissant une Constitution pour l'Europe) resté lettre morte.
Le traité modificatif (ou « traité simplifié ») de Lisbonne du 23 juin 2007 – qui doit être adopté à l'unanimité des 27 pays de l'Union (l'Irlande ayant déjà voté contre) avant le 1er janvier 2009 –, entérine la charte des droits fondamentaux qui acquiert une force contraignante (sauf pour le RU et la Pologne), mais aussi des dispositions de démocratie participative (renforcement de la démocratie participative, droit d'initiative citoyenne européenne : un million de citoyens originaires d'un nombre significatif d'États membres peuvent prendre l'initiative de demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui leur paraissent nécessiter l'élaboration d'un acte communautaire pour la mise en œuvre du traité de Lisbonne).
Mais cette citoyenneté européenne ne peut exister que s'il existe une conscience d'une communauté de destins entre européens, et que les citoyens eux-mêmes s'approprient l'ensemble des droits qui lui sont liés. Si l'on en juge par la faible participation aux élections pour le Parlement européen, nous en sommes encore loin (le taux de participation moyen aux élections européennes de 2004 n'a été, par exemple, que de 45,4%).
Par ailleurs, la charte des droits fondamentaux reprise, avec force contraignante dans le traité de Lisbonne, fait toujours polémique. Certains droits comme la non-discrimination (officiellement reconnus dans l'Union européenne) ont toujours du mal à trouver leur application au quotidien (exemple : l'écart de rémunération, à travail égal, entre les hommes et les femmes reste considérable, avec un écart moyen de plus de 25%).
Pour faire face à ce déni de citoyenneté, les propositions visent à permettre aux européens de mieux s'approprier la construction européenne par le biais de l'identité européenne. Le comité économique et social européen (composé de représentants des groupes d'intérêts économiques et sociaux avec avis consultatif), a donné son avis sur le sujet : « Citoyenneté européenne et les moyens de la rendre à la fois visible et effective »
« Dans son rapport, il suggère de rechercher « des actes concrets permettant à cette citoyenneté européenne de s'exercer pleinement » plutôt que de proclamer encore de nouveaux droits. Il insiste notamment sur la nécessité de combler le « déficit de sensibilisation européenne dans les médias » et propose par exemple la mise en place d'une Agence européenne de l'audiovisuel, il veut revaloriser la phase consultative de préparation des projets et envisage des mesures à forte signification symbolique (élection du Parlement européen partout le même jour, créer un « jour férié de l'Europe », etc.). L'objectif central des mesures préconisées serait de permettre aux européens de ressentir plus profondément leur citoyenneté pour y gagner un sentiment d'identité, source de cohésion et de dynamisme.
Une décision du Parlement européen et du Conseil, datée du 12 décembre 2006, établit pour la période 2007-2013 un programme intitulé « L'Europe pour les citoyens » ayant pour objectif de promouvoir la citoyenneté européenne active. Ce programme se propose de soutenir les actions visant à : rapprocher les individus et les communautés locales de toute l'Europe (jumelages de villes, échanges de bonnes pratiques, etc.) ; favoriser la réflexion et l'action en matière de citoyenneté (soutien aux organismes de recherche sur les politiques européennes, soutien aux organisations de la société civile poursuivant des buts d'intérêt général européen, etc.) ; forger un sentiment d'identité européenne, fondé sur des valeurs, une histoire et une culture communes… » D'où ce titre de l'article de La Documentation française : « L'Europe a 50 ans : une citoyenneté européenne encore à construire ».
Toutes ces initiatives prises par les institutions de l'Union européenne vont dans le bon sens, mais comme d'autres mesures ne sont pas suivies des faits. Que ce soit en politique française ou en politique européenne, nos dirigeants sont incapables de changer fondamentalement les choses. A l'exemple de la crise financière qu traversent nos économies, les décisions prises pour remédier aux problèmes graves que rencontrent nos pays et nos citoyens (pouvoir d'achat, chômage, environnement et avenir) sont d'ordre conjoncturel (injection de liquidités), parfois d'ordre structurel (mise en place de Bâle 2 pour éviter la faillite des banques), et jamais systémique (remise en cause de l'architecture financière et de Bretton Woods). On privilégie le court terme sans se soucier du moyen ou du long terme. Il n'y jamais de remise en cause du système, là où il faudrait prendre des mesures drastiques et financièrement incorrectes pour les actionnaires et les banquiers.
Le sport est aussi un vecteur fort d'expression de la citoyenneté. Il est au cœur des activités de loisirs du citoyen. Il prend une part prépondérante dans notre vie quotidienne, compte tenu de la réduction du temps de travail et de l'augmentation de la longévité, qui conduit les retraités à participer de plus en plus à des activités physiques.
En juin 2008, lors des 2ème Etats généraux de l'Europe, le « Mouvement Européen France », « l'Agence pour l'Education par le Sport » et l'Association « Sport et Citoyenneté » ont animé l'atelier qui portait sur le thème de « Sport et Citoyenneté européenne » (où tous les intervenants n'étaient que des hommes !). Pour les organisateurs, « Le sport rempli une fonction de promotion de l'identité européenne reconnue, il est un instrument politique incontestable et il touche un public très large […] A travers la mise en contact régulière de sportifs européens, une véritable intégration communautaire pourrait forger la conscience européenne du grand public… »
« L'appartenance à une équipe, les principes tels que le fair-play, le respect des règles du jeu et des autres, la solidarité et la discipline ainsi que l'organisation du sport amateur, qui repose sur des clubs sans but lucratif et le bénévolat, renforcent la citoyenneté active ». Pour les associations organisatrices, cet extrait du « Livre blanc sur le sport » publié par la Commission européenne en juillet 2007, illustre encore l'importance du sport dans le développement d'une citoyenneté, à l'échelle européenne, l'implication des citoyens et des organisations de la société civile dans un processus d'intégration européenne.
Pour les associations citoyennes, il faut modérer cette vision idyllique du sport car « Le danger est que ce sport, porteur de tant de valeurs, ne soit vu qu'au travers des médias et du prisme économique, d'où l'intérêt de renforcer son rôle d'outil d'éducation à la vie en société, de respect de l'autre, d'apprentissage de la citoyenneté, d'ouverture à la diversité, d'insertion et d'intégration. » Par ailleurs, elles réaffirment que le sport et la citoyenneté sont deux piliers essentiels à la construction d'une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe » telle que désirée par les Pères fondateurs.
Nous, représentant de la liste « Nous autres citoyens européens », ne pouvons qu'être en parfait accord avec cette manière d'appréhender le sport et la citoyenneté, et rappeler que le sport a trop tendance à se faire happer par les médailles et la « championnite », qui le détourne de ses valeurs de bases, des valeurs saines et olympiques bien galvaudées. L'esprit et les valeurs sportives permettent de gommer les différences, de combattre l'ostracisme, le racisme, et les exclusions de toutes sortes. Ce sont les jeunes qui les incarnent le mieux avec leur innocence, leur candeur et leur absence de préjugés – à condition qu'ils ne soient pas influencés, déstabilisés et déstructurés par leur environnement –, car ils représentent l'avenir.
Les deux questions qui se posent dans les domaines de la jeunesse, de l'éducation et du sport sont les suivantes :
– Les politiques européennes actuelles (jeunesse, éducation, concurrence et libre-circulation des sportifs) permettent-elles de développer la citoyenneté européenne ?
– Comment utiliser au mieux les nouvelles opportunités politiques bien présentes dans le Livre blanc de la Commission européenne sur le sport ainsi que dans l'article III-282 du traité instituant une constitution européenne relative au sport ?
A ces deux questions qui sont complémentaires, nous répondons qu'il n'y a pas de coordination entre les politiques jeunesse et sports des pays de l'Union, ni volonté, ni moyens. Tout est géré au niveau européen par des fédérations européennes et internationales – dans un contexte associatif –, toutes-puissantes, et parfois autoritaristes, qui imposent leurs volontés aux associations membres et aux citoyens sans en référer à personne (sauf à l'échelon national où elles dépendent d'un ministère ou d'un secrétariat d'Etat). Seule une Europe politique permettra de résoudre ces contradictions qui existent au sein de l'Union au niveau des organisations, l'écart entre les idées, les écrits et la réalité (du terrain).
LA CITOYENNETE ET LES INSTITUTIONS EUROPEENNES
Le mot « Citoyen » que tous nos politiques et le président Sarkozy reprennent presque quotidiennement avec l'arrivée de la présidence française, le 1er juillet 2008, prend tout son sens avec le non irlandais, la contestation devant les tribunaux par un citoyen britannique de la ratification du traité de Lisbonne par la chambre des Lords, et des refus récemment déclarés des présidents polonais et tchèque, et d'autres citoyens qui réfutent les décisions des parlements européens.
Nous sommes dans une Europe dont les citoyens sont peu ou prou concernés par la vie des institutions, car ils ne sont jamais consultés sauf dans des cas exceptionnels (référendums et élections européennes). Les refus proviennent de cette non-considération des citoyens, et de la peur qu'ils ont de perdre leur identité et leurs libertés au profit d'une machine, plutôt d'un « machin » (comme disait le Général de Gaulle en parlant de l'inefficacité de l'Onu) bureaucratique et technocratique, bien loin des préoccupations quotidiennes des européens.
Les Français ont été les premiers contestataires, suivis des Hollandais, les troisièmes « mauvais élèves de la classe » auraient dû être les Britanniques, si les sujets de sa très gracieuse majesté avaient été consultés par référendum, comme s'était engagé à le faire le gouvernement Blair, avant de retourner sa veste… le non irlandais n'a fait que confirmer ce malaise des citoyens, et les présidents polonais et tchèques ne voient pas l'intérêt de continuer, en allant à contre-courant de la volonté des citoyens.
Il faut construire l'Europe mais quelle Europe ? Commencer par le début, par une Europe égalitaire, politiquement, socialement et fiscalement. Au lieu de mettre la charrue avant les bœufs, en privilégiant les aspects économiques avec une Europe à plusieurs vitesses, à plusieurs monnaies, à plusieurs majorités, et à plusieurs têtes – une véritable Hydre de Lerne. Une Hydre de Lerne qui pourrait aussi s'appliquer aux non des citoyens, que l'on décapite à chaque fois, mais qui à chaque fois renaît de ses cendres encore plus vivace en se multipliant.
Reprenons tout à zéro, ne pondons pas une constitution, un projet de constitution ou un traité avec des centaines d'articles (448 pour le projet de TCE), alors que la constitution américaine n'en comprend que dix sept ! Simplifions, clarifions, prenons les décisions à la majorité simple (en éliminant toute majorité absolue, et en se rapprochant du consensus pour ne pas brider les petits pays).
Réorganisons les instances et institutions de l'Union pour qu'elle soit gouvernable et que le citoyen y comprenne quelque chose. Pensons Europe politique, gouvernance et non uniquement politiques économiques et financières. Il n'existe pas une entreprise qui se lancerait dans la mise en place d'une stratégie, d'un plan, sans au préalable avoir fait une analyse organisationnelle et résolue le problème de l'organigramme, avec une définition précise des tâches et des responsabilités.
Actuellement, les pays de l'Union et leurs institutions se marchent sur les pieds dans un imbroglio politico-économico-égocentrique, dans la meilleure tradition du gallo-centrisme franco-français. Commençons par le projet de la gouvernance et soumettons-le à tous les Européens, sous une même forme et en même temps. Nous y verrons plus clair et nous pourrons nous reposer sur des bases solides pour aller plus loin. Ce qui sous-entend de laisser en stand-by les aspects économiques et financiers, en adoptant une attitude plus réaliste en ce qui concerne les critères de convergence ou le pacte de stabilité, en tenant compte de la crise actuelle, et en reportant les échéances et les contraintes.
CONSTRUIRE UNE EUROPE POLITIQUE ET CITOYENNE
Pour construire l'Europe il faut d'abord commencer par attribuer aux citoyens des droits fondamentaux. La charte des droits fondamentaux de l'UE doit mieux s'inspirer de la « Déclaration universelle des droits de l'homme » de 1948, revue et pas toujours bien corrigée par la « Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales. » de 1950. Un certain nombre de modifications sont essentielles pour la préservation des droits des citoyens européens.
A propos de la charte des droits fondamentaux, Laurent Fabius explique : « La charte ne crée aucun droit nouveau. Aucun citoyen de l'Union ne possèdera, après son entrée en vigueur, de droits supplémentaires […] Il est précisé que la Charte ne s'adresse pas aux citoyens, mais aux institutions de l'Union et aux Etats, quand ils mettent en œuvre le droit communautaire. » Effectivement – comme nous l'avons déjà vu –, tous les traités depuis celui fondateur de Rome évoquent des soi-disant droits des citoyens, mais les textes sont soit très flous, soit ne sont jamais appliqués et restent lettre morte au grand dam des citoyens.
Actuellement, l'Europe n'a pas de constitution, trop accaparée par les problèmes économiques qui commencent à hypothéquer la marche en avant de la construction européenne. Dans « Une certaine idée de l'Europe » de Laurent Fabius, celui-ci évoque une Union européenne à plusieurs vitesses : « Le premier cercle – l'Europe unie – sera constitué des pays ayant volonté et capacité d'avancer vers une intégration poussée, notamment dans les domaines économique, social, scientifique et diplomatique ; les six fondateurs, suivis des Etats de la zone euro, sont les mieux placés pour en faire partie, même si ce cercle doit rester ouvert à d'autres. Le couple franco-allemand en sera le pilier et le moteur. Le deuxième cercle – l'Europe élargie – agrègera les membres de l'Union qui ne souhaitent pas s'engager aussi loin, mais constituera une communauté solidaire et puissante : les Etats actuels de l'Union et ceux destinés à adhérer en 2007 pourraient le constituer. Le troisième cercle – l'Europe associée – rassemblera les autres pays de l'Est et du pourtour méditerranéen, associés étroitement à l'Union pour construire avec elle un espace de prospérité, de paix et de démocratie. Je place la Turquie dans ce troisième cercle. » On pourrait considérer que le premier cercle constituerait l'Europe politique et citoyenne que nous appelons de nos vœux.
L'UE doit effectivement être avant tout politique, citoyenne et avoir une gouvernance participative. Il faut redéfinir un modèle européen organisé autour des citoyens et en s'appuyant sur des institutions existantes, en transformer certaines et en créer de nouvelles. L'Union doit être une démocratie participative avec une plus grande implication des citoyens dans tous les choix importants de l'Europe, en utilisant le référendum à l'échelon de l'ensemble des populations européennes. Comme dit le président Sarkozy : « il faut changer notre façon de construire l'Europe ».
Mais le plus important est de simplifier, limiter les institutions et simplifier leur fonctionnement. Il peut être un Etat fédéral comme les Etats-Unis par certains côtés ou la Suisse par d'autres. Les compétences pourraient être revues :
Compétences dédiées à l'Union européenne :
– Politiques : pour une vraie gouvernance avec un pouvoir citoyens représentatifs, avec un parlement élargi (avec deux ou trois fois plus de députés pour être plus représentatif des peuples des nations). Un contre-pouvoir des citoyens réunis dans des assises nationales (Etats généraux), et européennes (en dehors de tout clivage citoyen), composé des associations, mouvements, organisations, fondations européennes, socioculturels et sportifs. Avec une voix consultative, et un rôle d'échange, d'animation, d'information de rencontres et manifestations intra-européennes. Redéfinition des modes de décision, des poids des institutions. Construction d'Europe politique. Agrandissement ciblé avec rôle consultatif (pays du bassin méditerranéen, du Proche et Moyen-orient et de l'Afrique). Il faut une Europe à plusieurs vitesses pour lui permettre de progresser, tout en aidant les plus faibles (aides inversement proportionnelles au degré de développement du pays) à rejoindre les pays médians.
– Economique, sociale et fiscal : segmentées par nation pour tenir compte des spécificités de développement régional. Création de douanes européennes avec des bureaux par pays. Il faut un vrai budget européen avec une taxe européenne (une de plus ?), une façon d'uniformiser les législations fiscales des 27 (en baissant la TVA sur les biens et services, en augmentant celles sur les produits financiers pour compenser cette baisse). Il faut sortir du 1% et plus du PIB pour atteindre le 5% dans un premier temps ;
– Défense et sécurité : à définir comme les douanes en séparant les prérogatives européennes et nationales avec un pouvoir coordonnateur central et investi d'un véritable pouvoir de décision et réglementaire ;
– sur la citoyenneté européenne, l'éducation, la culture et les sports : états généraux des citoyens, instances représentatives associatives au niveau de la culture, des loisirs et du sport). Problèmes d'identité, d'uniformisation des modes d'enseignement et d'éducation.
Compétences dédiées aux nations et aux régions :
– Aménagement du territoire :
– Sécurité intérieure :
– Culturel, loisirs et sportif :
Mais la notion de compétence doit être revue en elle-même. Vouloir définir les compétences européennes, nationales et régionales est peut-être un faux problème. En réalité les compétences doivent toutes relever de l'Union avec un degré plus ou moins élevé dans la délégation des pouvoirs nationaux ou régionaux, pour tenir compte des spécificités des domaines de compétences. Mais cela ne peut exister qu'avec une Europe politique bien structurée et non patchwork d'institutions dont les prérogatives s'imbriquent les unes dans les autres provoquant incompréhension et désintérêt, avec une gouvernance inefficiente.
CONCLUSION
Actuellement, nous avons une Europe à la carte : sur le plan monétaire, la zone euro ne comprend que 16 pays sur 27 ; au niveau sécuritaire, l'espace Schengen ne comprend que 22 pays sur 27. Aurons-nous constitutionnellement une autre Europe sans l'Irlande et qui sait sans d'autres pays fin 2009 ? A quand l'intégration économique, fiscale et sociale (dernier stade de l'intégration régionale) et politique ? Une Europe économique à plusieurs vitesses (comme le proposent plusieurs dirigeants politiques et chefs d'Etat) serait-elle viable ou sonnerait-elle l'hallali de la construction européenne ?
Le sommet européen de décembre 2008 devait entériner les deux nouveaux postes (élus) prévus par le traité simplifié de Lisbonne : celui de Président du conseil européen et celui de Haut représentant pour la politique étrangère et la politique de sécurité (il a perdu du galon car dans le projet de traité pour une constitution européenne, il était Ministre des affaires étrangères !) : Que nenni ?
Les citoyens européens ignorent tout de l'Union européenne, si on se réfère à des étudiants qui suivent un cursus européen. D'ignares au début des cours, ils sont passés au statut de « quelques rudiments » bien loin du « fluently », même si on leur professe des cours spécifiques sur l'Europe durant une vingtaine d'heures (sur l'histoire, le fonctionnement des institutions de l'Union, la culture, l'identité, la citoyenneté, le système monétaire européen et la monnaie unique).
Cela peut s'expliquer par l'absence d'informations données par les médias sur l'Europe, car ce thème est méconnu par les journalistes eux-mêmes et ne fait d'Audimat et donc recette. Par ailleurs, on parle très peu au niveau de l'éducation nationale de l'Europe (encore par méconnaissance des enseignants) qui ne s'y intéressent pas et donc ne savent pas la faire « aimer ». Ils ne peuvent ni l'expliquer ni faire comprendre que l'UE est la seule solution pour faire progresser le niveau de vie des européens sur tous les plans. Le Monde titrait ainsi dans son édition du 16 juin 2008 : « Une Europe qui peine à susciter l'engagement des citoyens ».
Un article qui nous montre que paradoxalement – malgré leurs non aux traités européens –, les Néerlandais et les Irlandais sont parmi les Européens les plus favorables à l'Union (respectivement 79 % et 74 %) considérant que l'UE est « une bonne chose » (même si ces derniers ne sont que 21 % à avoir une image « très positive » de l'Union), à comparer avec les Français (60 %), la moyenne des européens (54 %) et les Britanniques (34 %) et les Lettons (37 %) dont le pays principalement agricole est le plus pauvre de l'Union. Les Britanniques sont un cas à part avec seulement 4 % de personnes concernées par le traité de Lisbonne.
Cela devrait nous conduire à réfléchir sur l'intégration des citoyens dans les processus de décisions de l'Union. Surtout si on se réfère à la déclaration du président tchèque Vaclav Klaus qui se félicitait du non irlandais car c'était la « victoire de la liberté et de la raison sur la bureaucratie européenne et les projets élitistes et artificiels ». On pourrait ajouter : bien loin des préoccupations et des soucis quotidiens des citoyens.
Certains sont partisans d'annuler les traités encore en vigueur, ceux de Maastricht et de Nice et de revenir « à un système de coopération entre républiques souveraines d'Europe dans l'esprit de Charles de Gaulle ». La position de la France qui préside l'Union au cours du 2ème semestre 2008, qui fait cavalier seul et qui se disperse avec toutes sortes de propositions, n'arrange rien au fait que l'Europe est bien en pleine crise comme le titrait déjà le journal Le Monde du 16 juin 2008 : « La France va présider une Europe en pleine crise ». L'Europe est bien de nouveau plongée dans une crise institutionnelle, et il n'existe pas de plan B.
L'Europe est victime de la phobie économique, du tout économique accentué par la grave crise du crédit que nous traversons. C'est la raison pour laquelle, il faut placer le débat à un autre niveau, à l'échelon humain et citoyen. Agissons sur les mentalités et nous gagnerons le pari européen. Sortons des clivages politiques traditionnels, des nationalismes pervers, des centralismes bureaucratiques et étatiques et du gallo-centrisme pratiqué par les jacobins. Excommunions les rivalités, les luttes intestines, fratricides, l'esprit de clocher partisan de l'Union européenne. Rassemblons en toute occasion les citoyens européens dans un esprit d'échange et de dialogue, dans les domaines associatif, culturel et sportif, pour mieux faire connaissance et mieux se comprendre. Mais, institutionnalisons ce rapprochement entre les peuples et les Etats, entre les citoyens et les institutions de l'Union.
Echangeons, confrontons nos idées, nos cultures et nos identités pour créer une citoyenneté européenne qui soit le fruit de la diversité et de la tolérance, source de richesse et de progrès dans la construction d'une autre Europe, plus ouverte, plus démocratique et plus responsable vis à vis de ses citoyens.
Plus les citoyens européens seront proches, dans tous les sens du terme, des centres de décision des institutions européennes, plus nous créerons une dynamique d'intérêt pour la « chose » européenne, plus nous nous sentirons concernés par un avenir européen, à l'abri des appareils, des imbroglios, des machinations, des tractations, des combinazione qui noyautent nos démocraties pour des intérêts personnels et corporatistes au détriment des intérêts généraux et collectifs.
Il ne faut pas que nous tombions sous le joug d'un quarteron d'Institutions plus complexes et sophistiqués les unes que les autres, un embrouillamini, un « machin », une usine à gaz, qui fasse fuir tous ceux qui l'approche et qui éloigne chaque jour un peu plus le citoyen européen des centres de commandement de Bruxelles, Luxembourg, Strasbourg ou Francfort.
La seule façon d'éviter le naufrage de notre Titanic européen, qu'il sombre corps et âmes – un monstre de bureaucratie dont l'équipage pléthorique frôle les 40 000 fonctionnaires (une ruche bourdonnante regroupant autant d'habitants que le 8ème arrondissement de Paris !) –, est justement d'entrevoir une nouvelle forme de gouvernance, avec de nouvelles gouvernances des institutions qui fonderaient leur légitimité sur leur élection par les citoyens européens, dans une approche plus démocratique, et qui donnerait plus de représentativité à l'Union européenne aux vingt sept visages.
Par ailleurs, la communauté européenne ne doit pas immoler le citoyen sur l'autel de l'économie et de la libre-concurrence, c'est-à-dire celui du profit, mais le lier à son destin en toute occasion. Donnons du pouvoir au citoyen européen à défaut de lui offrir le pouvoir.


André LOCUSSOL est tête de liste de « CITOYENNETE ET CULTURE EUROPEENNE » pour les prochaines élections européennes.

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