La victoire de la droite gouvernementale aux élections européennes est incontestable et ce de façon générale, dans l'Union européenne. Néanmoins, si le groupe PPE sort renforcé de cette consultation et le groupe socialiste affaibli, un constat s'impose : la droite ne dispose pas de la majorité absolue et de loin dans la future assemblée.
Cela veut dire qu'elle va devoir composer avec ses autres alliés de la droite libérale, même affaiblie, ainsi qu'avec les autres composantes de l'assemblée lorsque seront en cause, dans la prochaine législature, des textes importants engageant à long terme l'Union européenne dans des domaines sensibles. Il en ira ainsi s'agissant du domaine sensible du développement durable et de la protection de l'environnement point sur lequel les verts seront d'autant plus vigilants qu'ils vont pouvoir constituer un groupe important de plus de 50 députés dans l'hémicycle du Parlement européen. Il n'est pas non plus exclu que l'accord des socialistes soit recherché sur des dispositions d'ordre social,
Pour le reste, le verdict des électeurs est sans appel ; qu'importe d'ailleurs qu'il s'agisse là d'un vote de ralliement à une droite conservatrice qui, en période de crise, rassure ou d'un vote sanction contre une gauche qui aurait perdu tout repère ou tout ancrage social-démocrate crédible ou encore, comme en France, qui s'enliserait dans des querelles de chefs incompréhensibles, voire indécentes, pour les électeurs.
Mais ne nous trompons pas, le premier parti, le véritable vainqueur est l'abstention. Que les candidats, les gouvernements n'aient pas été capables de développer l'intérêt des électeurs sur l'Europe, alors que les enjeux majeurs se déroulent désormais à Bruxelles en dit long sur le fossé qui sépare l'élite européenne et les peuples. Tout a déjà été dit sur ce point.
Il n'en reste pas moins vrai que la victoire des conservateurs implique nécessairement de lourdes responsabilités, notamment pour le futur exécutif communautaire qui devrait être nommé à l'automne prochain.
En France, la situation est symptomatique de cet état de fait. Mais attention, une victoire aujourd'hui ne signifie pas une victoire assurée demain et l'élection européenne n'est ni une élection régionale ni une élection présidentielle
Elle ne saurait par suite signifier un blanc-seing donné au parti du président qui, il faut quand même bien l'avouer, a plutôt bien géré le positionnement de la France sur les scènes internationale et européenne au cours de l'année écoulée.
La victoire des Verts signifie essentiellement que sa tête de liste, Daniel Cohn-Bendit, a fait une bonne campagne sur des thèmes désormais incontournables. Il reste à présent à concrétiser cette victoire dans le vote de textes ambitieux sur ce point. Quant à François Bayrou, l'un des européens les plus sincères des responsables politiques français, il doit aujourd'hui mobiliser ses faibles forces à Bruxelles pour promouvoir une Europe à la fois plus sociale et ambitieuse.
S'agissant enfin du président de la République, cette belle victoire l'oblige. Le défi de Nicolas Sarkozy est maintenant d'essayer de synthétiser dans un grand projet européen cette confiance qui a été placée en lui. Il ne s'agit pas uniquement d'ouvrir de nouveaux chantiers multiples mais de créer un nouvel élan comme François Mitterrand avait su le faire lors de son discours devant le Parlement européen le 24 mai 1984 alors que la France exerçait la présidence de l'Union européenne ou encore le dialogue de Jacques Chirac avec les étudiants de l'Université Humbolt de Berlin le 26 juin 2000 qui avait marqué les esprits par le souffle qu'il avait créé.
Et les défis ne manquent pas ! A quand le grand discours fondateur de Nicolas Sarkozy sur l'Europe ?
Patrick Martin-Genier
Universitaire spécialiste des questions européennes