Depuis mercredi, la Suède préside l'Union européenne. Et c'est un client particulier qui est ici présenté, puisque la Suède fait figure de modèle. L'exemple européen comme s'attachent à dire ses défenseurs. Ce modèle suédois, et plus largement scandinave, c'est à dire incluant la Norvège (bien que ne faisant pas partie de l'Union européenne suite à son refus de l'intégrer par référendum populaire en décembre 1994), la Finlande, le Danemark et plus largement, et périphériquement, les Etats baltes d'Estonie, Lituanie et Lettonie, et les Pays-Bas).
La Suède qui fut la deuxième à instaurer dès 1991 (un an après son voisin finlandais) une taxe dite carbone. Cette taxe sur les émissions carboniques atteint cent cinquante dollars par tonne d'émission de CO2, mais qui ne taxe pas les combustibles utilisés pour la production d'électricité.
La Suède a donc fait des choix. Depuis longtemps.
A l'avant-garde de l'Europe
Avantgardiste direz-vous ? Probablement, mais le modèle scandinave d'Etat providence a été remis en question avant la crise. Trop coûteux était-il dit. Avant la crise, bien-sûr, puisque depuis la donne a changé. Et l'on constate que ce modèle est un de celui, avec le modèle français d'Etat dit providence qui résiste le mieux aux caprices de l'économie planétaire.
Alors la Suède, en avance sur l'écologie, en avance sur le fonctionnement social de l'Etat. Et sur la Turquie ? Les questions internationales. En quelques jours de présidence, la diplomatie suédoise a déjà donné le ton. Et s'il redonne une dynamique claire et forte à l'Union européenne suite à la désastreuse présidence tchèque de ce premier semestre 2009, il s'inscrit frontalement en opposition avec la conception française de la diplomatie européenne et de ses relations internationales. Menaces de sanctions envers les diplomates iraniens, retrait des ambassadeurs européens au Honduras, mais surtout volonté d'accéler l'intégration de la Turquie au sein de l'Union européenne. Véritable pomme de discorde au sein de l'UE, l'élargissement au voisin turc pose un problème de fond au fonctionnement de l'UE. Beaucoup de politique nationaux ont justement fait campagne contre l'intégration du bloc "turc musulman" au sein de l'Europe lors des dernières élections européennes. Des chefs d'Etats se sont montrés hostiles à cette adhésion, au premier rang desquels ceux du couple franco-allemand, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Alors la Suède cosmopolite pourra-t-elle faire avancer ce dossier. Ou cet épineux poing d'échoppe ne va-t'il pas bloquer le programme suédois de présidence de l'Union ? Des questions essentielles que la visite du chef de l'Etat français en suède n'a pas résolu. Nicolas Sarkozy restant
ouvertement opposé à certains des axes du projet européen suédois.
Les dossiers épineux
La présidence de la Commission européenne. Le chapître Barroso est loin d'être fermé. La Suède vient officiellement de se prononcer contre une reconduction du libéral portugais à la tête de la Commission au mois de juillet, repoussant l'échéance très probablement à la rentrée de septembre. Or, l'on sait que le temps joue contre José Manuel Barroso, qui voulait boucler au plus vite sa reconduction pour prendre de cour ses opposants au Parlement. Et c'est bien une mini-révolution de Palais qui se profile. Car les parlementaires s'organisent et veulent créer un bloc anti-Barroso, afin d'empêcher sa nomination à la tête de la Commission et ce, malgré le soutien unanime qu'il a officiellement reçu des chefs d'Etat de l'Union. Tout un symbole pour ce Parlement qui pourrait saisir ainsi une chance historique d'affirmer son autorité et son indépendance. Et peut-être mieux refléter la réalité politique de l'Union exprimée dans les urnes au début du mois de juin dernier. Les libéraux, démocrates, socialistes et verts doivent tout de même se mettre d'accord sur un nom pour mener à bien l'execution de leur plan et celle de Barroso !
Autre point sensible pour la présidence suédoise de l'UE, la rigueur budgétaire. Le premier ministre suédois de centre-droit, Fredik Reinfield a déclaré que "le temps des plans de relance arrive à sa fin" et qu'il fallait "à présent mettre en place une stratégie de sortie en particulier pour les pays qui ont de très gros déficits". Un point de vu qui va à l'encontre de la décision français de lancer un grand emprunt national par exemple, mais qui peut rassurer d'autres pays de l'UE qui s'inquiètent de voir filer les déficits à vitesse grand V, notamment ceux des poids lourds de l'Europe (France, Italie et même Allemagne).
Enfin, il va falloir pour la Suède conclure la ratification du traité de Lisbonne en refaisant voter les Irlandais qui s'était majoritairement prononcé contre en 2007.
Les points forts à venir
La coopération européenne a rarement été plus importante qu'à l'heure actuelle. On l'a vu récemment au sujet du Honduras et aujourd'hui de l'Iran. Mais l'UE doit encore développer cette coopération européenne notamment dans les domaines où elle a une valeur ajoutée.
C'est ainsi que la Suède veut miser sur le rendez-vous de Copenhague pour véritablement inscrire l'Europe dans une dynamique verte. Une Europe qui favorisera la recherche et le développement durable.
L'UE va ainsi continuer à faire avancer les travaux mondiaux en matière de climat. La tâche de la présidence est d'oeuvrer pour qu'un nouvel accord sur le climat soit adopté au cours de la Conférence internationale sur les changements climatiques qui se tiendra à Copenhague au mois de décembre.
Autre dossier environnemental auquel la Suède va s'atteler : la Mer baltique. Dite mer la plus polluée au monde. L'objectif visera à faire de la région (à laquelle appartient la Suède) de la Mer Baltique un moteur de croissance et de développement. La Présidence entend développer la coopération régionale au sein de l'UE, la Mer Baltique servant de zone pilote. Grâce à l'application du cadre réglementaire commun de l'UE, l'environnement de la Baltique devra être amélioré, la compétitivité de la région renforcée. L'objectif de la Présidence est que l'UE adopte une stratégie spécifique pour la Mer Baltique.
Une entente plus large doit être aussi poursuivi dans le domaine de la sécurité. La présidence suédoise souhaite développer la coopération transfrontalière pour protéger les valeurs démocratiques et les droits de la personne, et relever les défis auxquels l'Europe doit faire face. Des mesures fermes sont nécessaires pour lutter contre la criminalité internationale. L'UE doit créer une politique plus efficace en matière d'asile et de migration. L'objectif de la Présidence est de développer la coopération en matière de droit et d'affaires intérieurs, et ce dans le cadre du Programme de Stockholm qui sera adopté au cours de l'automne.
La réflexion et l'efficacité
Enfin la Suède va tenter, de par son expérience, de trouver une sortie de crise à l'Union européenne. Une crise, qui si l'on en croit les prévisions du FMI (Fond monétaire international) et de l'OCDE, sera plus longue et dure en Europe. Les chiffres du premier semestre sont catastrophiques, notamment en Espagne, et peu reluisants sur le reste du Vieux continent. Le chômage atteint des records, et certains gouvernements se sont engagés vers des déficits abyssaux.
À l'automne, le G20 traitera des questions relatives aux ressources allouées aux institutions financières internationales, à la réglementation et au contrôle des marchés financiers, à la lutte contre la concurrence fiscale déloyale et à l'augmentation des ressources de l'économie mondiale. La Présidence oeuvrera pour parvenir à une position européenne commune en prévision des réunions du G20.
Alors si l'on en croit les déclarations de Cecilia Malmström, ministre suédoise aux Affaires européennes "c'est à présent la Suède qui porte le flambeau de l'UE , en ayant pour objectif de mener une présidence ouverte et efficace avec les citoyens au coeur des travaux."
L'Europe se trouve face à deux défis majeurs : la crise économique mondiale et les travaux visant à éviter les changements climatiques. La Suède, en tant que pays président, travaillera d'arrache-pied pour faire avancer ces questions ainsi que d'autres sujets importants. Ouvert, grâce à la transparence et à l'accessibilité, efficace en faisant avancer la résolution des questions importantes, et axé sur les résultats en oeuvrant pour que les objectifs soient atteints et pour la gestion des événements imprévus.
La Suède dispose de six mois pour convaincre ses partenaires du bien fondé de sa vision des réformes à mener. Six mois, délai très court à qui sait gérer les affaires, mais qui peuvent sentir le souffre et durer une éternité en cas de pépin majeur. Une présidence qui sera surveillée de très près. Car si les méthodes divergent de la présidence française d'il y a un an, la Suède compte bien imprimer sa marque et oeuvrer à l'avancement des travaux européens.
Samir MATHIEU