par Jean-Yves Boulin, le mercredi 22 juillet 2009

Nous entrons en cette mi-juillet dans la grande « vacance » estivale, moment de torpeur pour ménager une rupture avec un quotidien chargé de préoccupations, un temps de repos et de régénérescence. Rappelons toutefois que, chaque année, près d'un tiers des français, et gageons qu'il en va de même dans les autres pays de l'UE, ne « partent » pas en vacances. Leur nombre risque d'être supérieur en cette première année de la « crise révélée » (elle était pourtant bien présente à la même époque de l'année dernière, mais nos dirigeants faisaient mine de l'ignorer).


Les comportements durant cette coupure risquent de s'infléchir : périodes hors domicile plus courtes, vacances de proximité familiales et en tribu, dépenses comprimées... Mais, les professionnels s'adaptent vite, inventant les hôtels « zéro étoile », des vacances actives - et cheap - à la campagne, des activités pour ceux qui vont pratiquer le « staycation », ces vacances chez soi dont on a vu l'émergence aux USA durant l'été 2008 lors de l'ubris de la crise des subprimes et de l'envolée du prix du baril de pétrole.

Parallèlement, la crise économique, la fièvre des réformes, la crise institutionnelle de l'UE, celle du politique ne vont pas prendre de vacances. Sur le front de l'emploi, après avoir épuisé toutes les mesures qui visaient à préserver ce qu'il est convenu d'appeler le segment primaire de l'emploi (les CDI à plein temps), via les mesures de chômage partiel et la contraction de l'emploi précaire (intérim, CDD), on se dirige vers une accélération des plans sociaux. La courbe du chômage va s'aggraver avec l'arrivée de 100 000 jeunes sur un marché du travail profondément dépressif, avec un secteur des services qui ne tire plus l'emploi (150 000 emplois détruits dans le tertiaire au cours du premier trimestre de cette année). Les plans de relance étriqués des pays de l'UE ont peu de chances d'être stimulés par une Europe qui semble de plus en plus en panne de sens.

Après une présidence tchèque de peu de poids, la Suède semble peu armée pour donner une impulsion aussi décisive à la construction européenne qu'elle avait pu le faire à la fin des années 1990 et lors de sa présidence en 2001, principalement dans le domaine social (on lui doit de grandes avancées en matière d'égalité de genre et d'articulation entre vie professionnelle et vie familiale). Alors qu'elle est confrontée à une crise de l'emploi d'une ampleur comparable à celle du début des années 1990, son modèle social et surtout sa capacité à peser sur les décisions européennes semblent sérieusement ébranlés par son choix de ne pas s'être inscrite dans la zone euro et par les risques pris dans la bancarisation des économies des pays baltes. Sa présidence sera pourtant stratégique au regard des mesures à prendre en matière de changement climatique (son régime de taxe carbone servira-t-il de modèle ? Pourra-t-elle peser sur les décisions qui devraient être prises impérativement lors du sommet de Copenhague alors même que les « G », indépendamment de leur géométrie, semblent bien incapables de se mettre d'accord ?) et d'évolution institutionnelle de l'Europe (elle devrait, en effet, après le référendum irlandais, initier le processus de réification du traité notamment la désignation d'un Président et d'un Ministre des Affaires Etrangères).

En dépit de cette fragilité, on peut s'attendre à un enchaînement vertueux entre les talents diplomatiques de la Suède et le volontarisme européen de l'Espagne pour constituer l'adoption définitive du traité de Lisbonne après le probable « oui » irlandais d'octobre en nouvel élan de l'Union. Toutefois, la réélection annoncée de José Manuel Barroso à la tête de la Commission avec la bénédiction d'un Parlement européen peut-être moins enclin à innover du fait de la constitution d'une large coalition, invite à un optimisme prudent quant aux possibilités de propositions novatrices susceptibles de sortir l'UE de l'enlisement.

A la rentrée, les Français découvriront sans doute que les dimanches ne sont plus ce qu'ils étaient. Les centres commerciaux des grandes villes et les magasins dans des centaines de villes touristiques pourront rester ouverts sept jours sur sept. La crise, elle, n'aura pas pris de vacances.

Editorial de la lettre de Metis du 15 Juillet 2009

http://www.metiseurope.eu/


Jean-Yves Boulin est chercheur CNRS-IRISES

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