par Marine Dubost, le mercredi 02 septembre 2009

Cinq ans après leur adhésion à l'Union Européenne, les trois pays Baltes ne s'attendaient pas à être rattrapés par la récession mondiale. Après une décennie de quasi-plein emploi et de forte croissance, le premier trimestre 2009 confirme l'entrée dans la crise En un an, le PIB et la consommation ont chuté de 15%, la production industrielle de 34%, le chômage a presque triplé.


Fuite des capitaux, ralentissement des exportations, chute des monnaies…les Pays Baltes semblent à bout de souffle. La crise a entraîné un mouvement de flight to quality. Les investisseurs ont retiré leurs placements et se sont rabattu vers des titres plus sûrs libellés en euros ou en dollars. Pourtant depuis leur adhésion en 2004, les Pays Baltes n'avaient jamais été aussi attractifs. L'émergence d'une classe moyenne et le dynamisme de la consommation ces dernières années avaient fait naître de nombreuses opportunités d'affaires. A cela s'ajoute leur position géographique privilégiée, au cœur de la région baltique qui leur permet de se positionner pour l'approche des marchés nordiques et de la Russie. Leur fiscalité attrayante associée à une main d'œuvre peu onéreuse et bien formée sont des atouts majeurs. Néanmoins la crise remet en question les acquis de l'adhésion. A la fuite des capitaux s'ajoute la baisse des taux de change qui a entrainé une explosion des dettes privées et une diminution du pouvoir d'achat sur les produits importés.

L'entrée dans l'Union Européenne avait fait naître un boom phénoménal du crédit, encouragé notamment par les banques nordiques. Selon Enn Eesmaa, député Estonien du Parti du centre (centre gauche populaire) les Baltes pensaient que "l'expansion allait durer indéfiniment et que nous allions bientôt rattraper les pays scandinaves." Dans un premier temps le recours au crédit a eu des effets bénéfiques sur la demande interne et l'investissement. En Lituanie, la croissance économique était à la fois tirée par la demande interne et externe.

En 2007 et mi-2008 la demande était soutenue par le crédit et la croissance à 2 chiffres des salaires. Les faibles taux d'intérêt incitaient à l'emprunt. Bien que l'appareil productif surchauffait légèrement et tendait vers l'inflation, les Pays Baltes connaissaient le plein emploi des ressources et un très faible taux de chômage. Une bulle spéculative s'est néanmoins formée : "Comme ailleurs, nous avons eu du crédit trop facile et une bulle immobilière s'est formée. Les gens voulaient s'endetter et consommer, plutôt que d'investir" précise le député estonien M. Eesmaa. Face à la surchauffe de l'économie, les banques ont coupé les crédits ce qui a provoqué le passage d'une croissance à deux chiffres à une décroissance à deux chiffres.

Suite à l'augmentation du prix des matières premières en 2008, l'inflation s'est envolée. Les salaires ont augmenté moins vite. La demande interne et l'investissement ont baissé. Le resserrement des conditions de crédits n'a fait qu'accélérer l'entrée dans la crise. Pour y faire face, la Lettonie a reçu une aide de 7,5 milliards d'euros de la part du FMI.

Bien que moins touchés que les pays de l'Europe de l'ouest, les Pays Baltes sont parmi les PECO les plus exposés avec la Roumanie et la Bulgarie. Si la Lituanie est parvenue jusqu'ici à conserver une croissance plus forte que ses deux voisins Baltes, les prévisions de croissance pour l'année 2009 ne sont guère encourageantes. Son chômage atteint 11,5% la contraction de son économie est de -13,6%. L'OFCE prévoit une croissance de 2.7% pour la Pologne et la République Tchèque contre 1% pour les Pays Baltes.

La crise économique s'accompagne d'une profonde crise politique. En Estonie, les sociaux-démocrates ont quitté le gouvernement refusant de valider de nouvelles coupes budgétaires. La coalition actuelle est désormais minoritaire. En Lettonie, le premier ministre a dû démissionner. Dans ces deux pays le vote protestataire prospère. La victoire en Lettonie d'Alfred Kubics, ancien dirigeant du parti communiste en est la meilleure illustration. Seuls les Lituaniens, moins touchés par la crise, soutiennent leur gouvernement.
Malgré l'important soutien économique de l'Union Européenne lors de leur adhésion, les citoyens des Pays Baltes se sont fortement abstenus lors des dernières élections européennes. Kristiina Ojuland, vice-présidente du Parlement estonien et candidate du Parti de la réforme aux européennes explique : "D'un côté, les gens sont très conscients de tout ce que l'Union leur apporte, notamment les grands travaux d'infrastructure financés par les fonds européens. Parfois, nous sommes presque gênés de recevoir autant d'argent. Mais en même temps, pour les gens du peuple, l'Europe est un fait acquis, et ils connaissent très mal le rôle du Parlement européen."

En temps de crise, l'Union Européenne demeure pour les pays baltes la seule alternative plausible. L'entrée dans la zone euro n'a jamais été aussi attractive. Néanmoins l'absence de plan de soutien européen reflète les faiblesses d'une Europe, qui ne parvient pas à donner une réponse coordonnée à la crise.


Marine Dubost est chargée de mission à Europe et Entreprises

http://www.europe-entreprises.com

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