par Olivier Lacoste, le mercredi 07 octobre 2009

Le 16 septembre, le Parlement européen (PE) reconduisait José-Manuel Barroso à la tête de la Commission par 382 voix "pour", 219 voix "contre" et 117 " abstentions", soit la majorité absolue. Que faut-il espérer, pour le futur de l'Union, de ce vote, au-delà de la lecture du scrutin en termes de jeu des partis politiques ?


Pour les projets mis sur la table, il faut se référer aux "orientations politiques" que M. Barroso a transmises, le 3 septembre, aux différents groupes du PE. Ce document, qui constituera la base de travail du programme de la future Commission, a au moins pour mérite de se vouloir ambitieux. Par exemple, il fait de l'Europe une sorte de "laboratoire" du multilatéralisme et de la gouvernance mondiale. Admettons.

Plus concrètement, M. Barroso avance quelques propositions intéressantes. En matière d'investissement, il veut définir un agenda numérique et aller vers un nouveau super-réseau européen électricité-gaz.

Il veut aussi rénover le cadre du partenariat public-privé : à l'heure où la question du financement de long terme devient cruciale, cette idée est bienvenue.

Il souhaite réformer le budget communautaire, sur la base de principes de bon sens : partir d'une analyse des activités où la dépense au niveau européen apporterait une véritable valeur ajoutée et cesser de se focaliser sur les soldes nets.

Pour ce qui est du fonctionnement des institutions, M. Barroso propose plusieurs réformes concrètes pour améliorer la collaboration avec le PE.

Cependant, tout au long du document, de nombreux projets apparaissent flous, ou bien reprennent des idées déjà entendues. Par exemple, il propose de rénover la stratégie de Lisbonne pour en faire une "stratégie pour une vision intégrée de l'Union européenne (UE) à l'horizon 2020" (une consultation sera bientôt ouverte). Or la révision de la stratégie de Lisbonne des années 2004-2005 visait déjà à en faire une stratégie plus cohérente. De façon plus générale, ces orientations dégagent une impression de déjà vu.

M. Barroso veut "garantir une sortie de crise efficace". Il insiste sur l'ampleur de la relance européenne alors que l'on sait le manque de coordination des politiques nationales.

Pour ce qui concerne l'avenir, il insiste sur la nécessité de soutenir la demande et d'enrayer la progression du chômage ; sur ce dernier point, il ne livre pas d'idées détaillées. Les seuls propos fermes portent sur la nécessité de corriger les déficits excessifs... tout en disant qu'il faudra du temps pour repasser sous la barre des 3 % !

Un chapitre porte sur la nécessaire amélioration des compétences et de la qualité de l'enseignement : les instruments pour atteindre ces objectifs (recensement des compétences, utilisation des programmes communautaires) n'ont rien de neuf.

Le document veut mettre l'Europe " à la pointe contre le changement climatique". Optimiste, il affirme que "l'Europe s'apprête à tirer un bénéfice énorme de ses investissements dans les nouvelles technologies à faibles émissions de carbone", sans préciser en quoi l'Europe se donne
ses supposés avantages concurrentiels en la matière. Le texte appelle à "la décarbonisation de notre approvisionnement en électricité et du secteur des transports", mais n'élucide pas les choix à effectuer.

M. Barroso veut "développer de nouvelles sources de croissance et de cohésion". Dans le catalogue de moyens pour atteindre cet objectif, il donne parfois l'impression de recycler de vieux écrits de la Commission sur la stratégie de Lisbonne. Il insiste sur la nécessité "d'une base industrielle solide" sans préciser les instruments d'une politique industrielle. Il réaffirme les objectifs de supprimer les "charges administratives" inutiles et de construire l'économie de la connaissance, thèmes déjà bien connus.

Plus concrètement en revanche, il souligne l'importance du marché unique, véritable "clé de voûte des traités" et annonce que la Commission lancera une analyse approfondie des "chaînons manquants".

Au total, les idées nouvelles ne sont pas légion. Faisons quand même crédit à Barroso 2 et espérons qu'il pourra redonner à la Commission son rôle moteur, c'est-à-dire, comme l'écrivait Philippe Herzog dans notre revue (voir aussi sa chronique d'actualité sur son site, (http://www.philippeherzog.org), "une capacité d'impulsion, une collégialité retrouvée et un rétablissement de ses liens avec les citoyens."

Parus dans Interfaces de septembre 2009 de Confrontations Europe

http://www.confrontations.org.


Olivier Lacoste est Directeur des études, Confrontations Europe 

Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :