par Xavier Grosclaude, le jeudi 03 juillet 2008

Si le résultat du référendum organisé le 12 juin dernier en Irlande n'est qu'un épiphénomène au regard de l'histoire européenne, il soulève néanmoins une sérieuse interrogation sur la pertinence du référendum comme outil de décision dans les médiacraties.


En effet, dans des sociétés atomisées sous perfusion émotionnelle, le recours au référendum ne peut qu'inviter les peuples à jouer avec les délices sucrés de la politique politicienne. Même la France, pays de Descartes, n‘a pas voulu, n'a pas pu ou n'a pas su résister en 2005 à la tentation d'une campagne référendaire digne des plus mauvaises séries télé américaines.

Si cette réalité est désormais acquise reste un problème de fond beaucoup plus préoccupant et très souvent passé sous silence, la méconnaissance persistante par la population du sujet européen. Cette méconnaissance, terreau de toutes nos difficultés futures, nourrit déjà chez les français une certaine indifférence à l'égard d'un projet politique dont le caractère transcendant ne leur apparaît plus vraiment évident.

Plus inquiétant encore, la conscience européenne régresse chez les jeunes. Cela ne veut pas dire - et c'est important - qu'ils soient antieuropéens, mais simplement que leur culture est avant tout consumériste. S'ils n'émettent aucune objection à "consommer" de l'Europe, ils ne se sentent pas pour autant moralement tenus de la construire. D'ailleurs, 65% des 18-24 ans et 59 % des 25-29 ans ont voté non le 12 juin dernier.

Pour être tout à fait sincère, cette prise de distance à l'égard de l'Europe était prévisible et ne doit rien au hasard. Depuis 1992, la communication sur l'Europe a été abandonnée avec une grande légèreté à ses détracteurs. Ces derniers ont vite compris, et personne ne peut leur reprocher, l'avantage qu'ils pouvaient tirer de l'absence d'un plan de communication digne de ce nom au niveau européen.

En réalité, cette absence ne serait pas problématique si chaque état membre avait développé une forte culture de communication en matière européenne malheureusement on en est loin.

Dans le cas de la France, la situation est simple et sans appel. L'information européenne a toujours été confisquée par "le haut" et par "le bas". Par le haut, par les administrations centrales désireuses de monopoliser le dialogue avec la Commission Européenne. Par "le bas", par les élus de la République dont l'appétence pour les questions européennes reste aujourd'hui encore à démontrer.

Aussi, au-delà de postures électorales bien comprises, on peut parfois se demander s'il n'existe pas un accord tacite entre les différents partis politiques pour faire vivre les français dans la fiction enivrante d'un pays seul maître de son destin ?

Par ailleurs, force est de reconnaître que depuis plusieurs années maintenant, les français vivent sous l'empire de discours publics particulièrement déstructurants. Le premier d'entre-eux, particulièrement pervers, consiste à nationaliser tous les succès européens, à l'instar de ceux obtenus par l'industrie aéronautique, mais à européaniser tous nos échecs sur la base d'un discours récurrent, aisément compréhensible et tout en nuances "C'est à cause de Bruxelles !".

Le deuxième discours est véhiculé par ceux que l'on dénomme communément - pour combien de temps encore ? - les élites. Ces dernières, fâchées avec tout ce qui ressemble de loin ou de près à de la créativité, ont fossilisé la communication sur l'Europe en jouant de façon immodérée sur le registre de l'idéalisation et de la diabolisation or tout praticien des affaires européennes en conviendra aisément la réalité est un peu plus complexe…

Ces liaisons dangereuses avec la facilité invitent inconsciemment nos concitoyens à s'interroger sur la faisabilité et l'utilité d'un projet de plus en plus éloigné de leurs préoccupations quotidiennes qui comme chacun sait constitue en médiacratie l'alpha et l'oméga de tout discours politique.

Toutefois ne nous y trompons pas, ce n'est pas en faisant semblant de s'intéresser aux "nanoréalités" de la vie quotidienne que l'on va réconcilier les européens avec l'Europe. Au contraire, ce jeu de rôles risque de troubler un peu plus encore les esprits sans apporter une once de visibilité en plus.

A l'heure de la mondialisation, le véritable enjeu pour l'Europe est de passer d'une Europe "intégrée" à une Europe "intégrale" tournée vers le Monde. La vocation historique de l'Europe, faut-il le rappeler, est d'exister sur la scène internationale comme un acteur incontournable et de peser sur la gouvernance mondiale. C'est la logique de cette ambition qu'il faut expliquer et expliquer encore aux français. Cela suppose beaucoup de pédagogie, un plan de communication conséquent et de tout évidence une couverture plus large des thématiques européennes dans les journaux télévisés.

En 2007, selon l'Institut National de l'audiovisuel (INA), les sujets consacrés à l'Union Européenne ont représenté un peu plus de… 2 % de l'ensemble des sujets diffusés au cours des journaux télévisés. Chercher l'erreur….










Xavier Grosclaude est diplômé en sciences politiques et en droit communautaire. Membre de plusieurs think tanks français, il combine une double expérience des affaires européennes en France et au Royaume-Uni.  

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