Le nouveau président de la République n'a pas hésité lors de son premier discours à rappeler combien lui était chère l'idée d'une « Union méditerranéenne », dont il veut que la France soit le fer de lance comme le couple franco-allemand l'avait été pour les traités fondateurs de 1957.
Ce n'est pas vraiment une surprise. Déjà pendant la campagne, le 7 février dernier, avait-il prononcé un discours remarqué à Toulon au cours duquel il évoquait avec précision ce qu'il entendait par cette communauté de destin unissant les peuples du bassin méditerranéen entre le Nord et le Sud.
Cette ambitieuse idée puise d'ailleurs en amont des initiatives menées en ce sens par le Forum de Paris et l'Institut de Prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed). Il en est ainsi des objectifs prioritaires (environnement et développement durable, co-développement et flux financiers et sécurité et stabilité régionale) qui fondent la création d'une Communauté du monde méditerranéen.
Cette « Union méditerranéenne » qui pourrait regrouper le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Grèce, Chypre et la France dans une démarche volontariste vis-à-vis des pays du Sud, aura également l'avantage de servir de tremplin aux modalités des coopérations renforcées, telles que le permet le Traité de Nice, et ne manqueront pas de confirmer les différentes formules retenues pour la relance institutionnelle européenne d'ici 2009.
Le Processus de Barcelone, la Politique Européenne de Voisinage (PEV), le mécanisme des accords d'association bilatéraux liant l'UE aux pays de la rive sud et le Dialogue 5+5 sont ainsi des « briques constitutives » propres à l'émergence attendue de cette nouvelle structure de coordination, que certains appellent déjà « G-Med », et qui pourrait s'organiser autour d'une rencontre périodique de ses chefs d'Etats et de gouvernements comme les grands pays industrialisés ont leur G8. La Méditerranée aurait ainsi un Conseil de la Méditerranée comme l'Europe a le Conseil de l'Europe et devrait s'appuyer sur un secrétariat politique paritaire permanent avec un secrétaire général faisant fonction de porte-parole.
La réflexion sur la cohésion du bassin de vie méditerranéen, l'intégration aux institutions européennes existantes, l'adaptation à la spécificité du pourtour méditerranéen et au développement d'une région euroméditerranéenne prospère et sereine, avec en filigrane la poursuite du projet de zone de libre échange en Méditerranée à l'horizon 2010, mérite cette ambition.
Une telle prise en compte de la Méditerranée, dans sa réalité africaine, européenne et asiatique, sous forme d'un lieu d'échanges, de débats et de coordination de l'aide au co-développement liant les pays du Machreck-Maghreb, concrétiserait aussi un espace de dialogue manquant entre pays arabes et Israël.
C'est là une ambition que la France doit affirmer et qui pourrait être portée sur les fonts baptismaux à l'occasion de la présidence tournante de l'UE, à partir de juillet 2008.
Emmanuel Dupuy est président de l'Institut Prospective et Sécurité de l'Europe (IPSE)