par Marianne Ranke-Cormier, le mardi 04 janvier 2011

Le changement de présidence tournante, c'est l'évènement européen de cette transition vers 2011.

Autant la présidence belge de l'Union européenne aura été inexistante dans les faits et dans les actes, et la Belgique aura battue le record de longévité d'un état européen sans gouvernement, autant la présidence hongroise, qui n'a pas encore commencée, fait déjà couler de l'encre. Malheureusement pas à cause de son programme ni des évènements et avancées marquantes qu'elle entend initier, mais à cause de sa politique intérieure qui vient violer les valeurs fondamentales européennes de liberté et de démocratie.


La Hongrie à l'aube de son avènement au siège suprême de la conduite de la destinée de l'ensemble des 27 pays européens, vient de se sacrer championne européenne de la liberté de la presse en se dotant d'une toute nouvelle loi permettant à son président, Viktor Orban, qui sera également celui qui assurera la présidence européenne, un droit de censure sur tous les médias hongrois.

Curieuses présidences européennes, partagées entre des pays dont les pratiques des valeurs fondamentales sont tendancieuses (il y a eu l'exemple Tchèque auparavant avec le président Klaus) ou ceux qui ne sont même pas aptes à se gouverner (l'Espagne de Zapatero au bord de la crise, la Belgique bien évidemment...), les présidences européennes si elles ne se ressemblent pas montrernt pourtant les mêmes signes de dégénérescence.

Il faut vraiment être un euro-ouiouiste borné pour se poser encore la question de savoir quels enjeux la présidence européenne pourrait avoir pour un état qui en prend le flambeau. Pourquoi la Hongrie jouerait-elle gros? Honnêtement, à part l'Allemagne suivie de la France qui ont eu la part facile après le cinglant échec de la Constitution européenne de mettre en route le traité de Lisbonne, quel état peut se targuer d'avoir apporté sa pierre angulaire à la construction, ou plutôt à la gouvernance européenne durant son court mandat? Même l'Euromed rêvée par Sarkozy n'a pas tenu plus de un semestre. La Hongrie ou Viktor Orban, pas plus qu'un autre état-membre ou qu'un autre chef d'état, ne mettent quoique ce soit en jeu sur la tapis européen. Prendre la présidence et faire de belles déclarations ne les empêchent pas de diriger leur pays selon leurs convictions.

On l'a constaté avec la présidence espagnole, la présidence du Conseil (actuellement exercée par Herman Van Rompuy) aurait détrôné la présidence tournante. L'exercice de la présidence belge vient de le confirmer, d'une part parce qu'il n'y a pas eu de présidence belge (à défaut de chef d'état), et d'autre part, elle a inauguré une nouvelle forme d'exercice de la gouvernance européenne, celle de l'Euroland, qui vient de tuer dans l'œuf le mandat de Herman Van Rompuy. Ni l'un, ni l'autre de ces présidents n'a été capable de conduire la politique économique et financière de l'Euro. Ni l'un, ni l'autre de ces présidents n'est représentatif des 300 millions de citoyens de l'Euro. Ni l'un, ni l'autre n'a de légitimité démocratique. Leur présidence repose sur un simple jeu dans un club de « copains ». Or l'Europe aujourd'hui a dépassé le stade de « copinage ».

Les présidences européennes ne sont qu'un ballet diplomatique trans-européen, sans doute nécessaire pour mettre en avant des états qui resteraient toujours dans l'ombre, les flatter, les laisser rêver... Quoiqu'il en soit les rois sans peuples sont toujours nus, et dans certains pays ils perdent leur tête.


Edito paru dans Newropeans magazine du 3 janvier 2011
http://www.newropeans-magazine.org


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