par , le lundi 14 mars 2011

Depuis le début du soulèvement libyen, l'Union européenne est sous pression.

En premier lieu parce que le dictateur Kadhafi n'a eu de cesse de bombarder ses propres concitoyens sans vergogne avec les forces aériennes fidèles au régime, sans aucun égard pour la vie de ses compatriotes condamnés à être décimés. Cela n'est en effet pas acceptable.

En second lieu aussi parce que la France a mis la pression sur l'Europe maximum pour que l'on agisse aussi rapidement que possible, quitte à commettre un certain nombre d'imprudences.

Il faut dire que la France, qui ressent en quelque sorte le besoin de se racheter à la suite de son incapacité à prévoir les révolutions intervenues en Tunisie et en Egypte, a voulu faire de la Libye le terrain de sa nouvelle détermination à bien montrer dans quelle camp elle se situait.




Une politique définie à l'Elysée


De fait, Nicolas Sarkozy en personne a décidé de la stratégie à suivre. Réunissant à l'Elysée des représentants de l'opposition libyenne, en compagnie du philosophe Bernard Henry Lévy, promu le temps de cette rencontre ministre des affaires étrangères de fait, il a été décidé que la France proposerait des zones d'exclusion aérienne voire serait prête à des frappes aériennes ciblées pour détruire les aéroports et l'aviation du régime.

Cette prise de positon venait après que le nouveau chef de la diplomatie, Alain Juppé, eut affirmé de façon définitive qu'il était hors de question de recourir à la force sauf mandat très clair de l'organisation des Nations Unies. Alain Juppé dit-on, a été pour le moins surpris, certains ont dit « sidéré » d'avoir ainsi été mis devant le fait accompli. Lui qui avait exigé que l'Elysée ne s'érigeât plus en quai d'Orsay bis en aura été pour ses frais.

Le chef de l'Etat a ainsi pris un premier risque en distillant un premier malentendu avec le nouveau ministre des affaires étrangères.



Des capitales européennes privilégiant la diplomatie


Nicolas Sarkozy a aussi pris autre risque : celui de mécontenter les autres capitales européennes en donnant l'impression de vouloir rallier les 27 à sa proposition privilégiant plutôt la force.

Tel n'aura pas été le cas. Le conseil européen extraordinaire de vendredi dernier consacré à la Libye aura privilégié la voie diplomatique et humanitaire. Renvoyant une éventuelle intervention militaire à une intervention préalable de l'OTAN, ils n'ont pas vraiment suivi le chef de l'Etat en acceptant seulement du bout des lèvres de reconnaître le conseil national d'opposition comme un interlocuteur politique et non pas le seul. Le conseil a enfin exigé le départ immédiate du colonel Kadhafi, ce qui était la moindre des choses vu la situation.

Il faut dire que la veille, les capitales s'étaient exprimé dans un sens qui n'allait pas forcément dans le sens des orientations de Nicolas Sarkozy.

La Haute représentante de l'Union européenne pour la politique extérieure avait réuni les ministres des affaires étrangères le matin. A cette occasion, le ministre allemand avait catégoriquement exclu des frappes aériennes ciblées. La chancelière elle-même a suivi son ministre en faisant part de son hostilité à une solution militaire et la France n'a pu faire autrement.

Par ailleurs, Catherine Ashton avait elle-même dépêché en Libye au début de la semaine une délégation composée de hauts fonctionnaires de la commission européenne et du service de l'action extérieure pour dresser un bilan de la situation. La diplomatie européenne n'est donc pas restée inactive durant cette semaine et il était normal que cela donne lieu à une position commune a minima.


Le rôle des autres organisations internationales


L'Union européenne a en outre renvoyé la balle à la fois à la Ligue arabe et l'Organisation de l'unité africaine, lesquelles ne seraient a priori pas hostiles à une zone d'exclusion aérienne. Enfin l'OTAN elle même serait prête à agir dans le cadre d'une commande politique sur ce point.

Mais le temps presse, les forces insurrectionnelles menaçant d'être éliminées dans les jours voire dans les heures qui viennent et l'ambassadeur que Paris souhaite toujours envoyer à Benghazi pourrait bien arriver dans une ville reconquise par les forces fidèles au colonel Kadhafi, ce qui serait du plus mauvais effet…. Nicolas Sarkozy réunit cette semaine à Paris les pays du G8 pour les convaincre d'avoir une positon très claire et offensive.

Quoi qu'il en soit, l'Union européenne devra de nouveau légitimer toute stratégie qui irait au-delà des choix minimums faits vendredi dernier.

L'accouchement de la diplomatie européenne a lieu dans la douleur mais l'urgence a souvent servi de catalyseur à toute action commune. Reste à confirmer la capacité de l'Union à pérenniser cet effort politique.



Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes 

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