par Patrick Martin-Genier, le mercredi 23 mars 2011

C'est à un exercice inédit que s'est livré Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes devant la commission des affaires européennes du Sénat présidée par Pierre Bizet mardi 22 mars. Le ministre a répondu, pratiquement pendant deux heures, aux questions des sénateurs dans le cadre d'une audition qui intervenait quelques jours avant la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement prévu les 24 et 25 mars et après la réunion des pays de la zone euro.


Une césure historique

Pour Laurent Wauquiez, dont la fibre européenne est manifeste, le conseil européen sera historique et va représenter ni plus ni moins qu'une "césure" manifestant la volonté de progresser dans la voie de l'intégration européenne.

Pour le ministre, "l'Europe est de retour". Sur le plan de la gouvernance, elle revient de loin puisqu'il y a deux ans, selon lui, il n'existait rien en matière de convergence fiscale par exemple.

Le pacte de stabilité, l'aide aux pays en difficulté représentent l'aboutissement d'un travail acharné de Christine Lagarde ministre de l'économie et des finances associé à la forte volonté politique du président de la République.

La convergence fiscale représente ainsi une vraie rupture, notamment pour lutter contre l'évasion fiscale ou encore s'agissant du principe de la taxe financière sur les transactions ainsi que la fiscalité de l'énergie. Le ministre a salué au passage la coopération franco-allemande, cependant contestée par un membre de la commission, ainsi que le rôle essentiel joué par Herman Van Rompuy, le président permanent du conseil européen.


L'Europe présente sur les autres fronts


Conscient de la nécessité de "refonder" les relations avec les pays de la Méditerranée, le ministre a également salué le travail de la diplomatie française, s'agissant notamment de son intervention en Libye. A l'avenir, le gouvernement français va donc s'attacher à développer les partenariats afin d'investir dans le processus démocratique. Il a d'ailleurs rappelé sur ce point que la banque européen d'investissement (BEI) disposait de 150 millions d'euros de disponibilités financières qui pouvaient être mobilisées à cette fin.

Il a enfin tenu à rassurer les sénateurs sur le très haut degré de fiabilité des centrales nucléaires françaises, résultat qui a pu être atteinte grâce à l'Europe, notamment l'agence européenne pour l'énergie nucléaire et les experts, à la lumière des événements dramatiques intervenus au Japon.


Un optimisme pas forcément partagé


Ce grand optimisme ne semble pas être partagé par tous les membres de la commission. Jean Arthuis, ancien ministre de l'économie et président de la commission des finances du Sénat a posé la question qui fâche, celle de savoir si les institutions européennes travaillent bien aujourd'hui…. Pour lui, la principale caractéristique de l'évolution en cours est que l'Europe intergouvernementale a marqué des points au détriment de l'Europe fédérale qui selon lui constituerait une garantie de meilleure efficacité : "L'Europe pourra-t-elle survivre sans se fédéraliser ?" s'est interrogé le sénateur de la Mayenne.

M. Marini lui-même, rapporteur général de la commission des finances, a affirmé ne pas partager totalement l'optimisme de M.Wauquiez s'agissant du mécanisme européen de stabilité au regard notamment de la dégradation des finances publiques….


Le ministre interpellé par Fabienne Keller sur l'avenir de Strasbourg


Parmi les interventions remarquées de cette audition, on peut noter tout d'abord celle de Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin et ancienne maire de Strasbourg, qui a demandé au ministre ce que la France entendait faire à la suite du vote du Parlement européen demandant le transfert du Parlement européen à Bruxelles.

Sur ce point, le ministre a été très clair : il a estimé que la façon dont le vote au Parlement européen était intervenu n'était pas correct ( en catimini en raison de vote à bulletins secrets) et a affiché une détermination sans ambiguïté sur le fait dont la France s'opposerait à une telle décision : il a d'ailleurs informé la commission que la France allait saisir la cour de justice de cette décision. " S'il s'agit de faire des économies" a-t-il affirmé "alors on transfert tout à Strasbourg !."

L'intervention du sénateur serge Dassault a porté sur l'impôt sur la fortune qu'il faudrait supprimer partout en Europe (faisant ainsi écho au souci d'harmonisation fiscale voulu par le ministre…) et a posé la question, qui n'est pas nouvelle et qui intéresse particulièrement l'avioneur : "où est l'Europe de la défense ?".

Enfin, Adrien Gouteyron, sénateur de la Haute-Loire, a demandé à quoi servait le tout nouveau service d'action extérieure de l'Union européenne. Le ministre a répondu que la réponse se trouvait dans la question : un tout nouveau service ne peut encore avoir fait ses preuves…

Au total, cette audition, ouverte à la presse, a constitué un exercice pédagogique très utile qu'il conviendrait de généraliser, afin de permettre au plus grand nombre d'être informé des dossiers encours au niveau de l'Union européenne.


Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes

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