par Alain Lamassoure, le lundi 11 avril 2011

Certes, l'accord final obtenu par le Conseil européen du 24 mars sur le futur fonds de stabilité financière et sur le dispositif de prévention des déficits excessifs ne suffit pas à clore la crise des dettes publiques en Europe. Néanmoins, l'avancée politique est majeure. Sous la pression des événements, les dirigeants européens ont accepté de compléter l'union monétaire décidée à Maastricht par deux éléments fondamentaux que l'Allemagne, notamment, avait refusés catégoriquement depuis … vingt ans : le début d'une vraie solidarité financière ; une gouvernance économique commune, par la coordination systématique des grands choix des politiques nationales.


Ce succès est une nouvelle preuve de la capacité de l'Union européenne de réagir face aux crises majeures imprévues. Au tout début de la crise financière, quelques jours après la faillite de Lehman Brothers, c'était déjà les dirigeants européens, alors conduits par Nicolas Sarkozy, qui avaient trouvé la bonne parade financière et politique, conduisant à l'invention du G20. Et cette réactivité ne se limite pas à l'économie : c'est l'Europe qui a pris le leadership de la communauté internationale dans le traitement diplomatique, et même militaire, de la guerre civile libyenne, tout comme, en 2008, elle avait mis fin au conflit russo-géorgien.

Les esprits chagrins ne manqueront pas de relever le déroulement souvent chaotique des négociations entre les diverses institutions compétentes (Conseil européen, Ecofin, Eurogroupe, Commission…), et le caractère plus intergouvernemental que véritablement communautaire des solutions finalement retenues. Mais la zone euro est une entité monétaire, économique et politique radicalement nouvelle, dont nous découvrons pas à pas les vraies forces et faiblesses, et l'incroyable résistance de l'euro lui-même à travers toutes les bourrasques monétaires atteste de la qualité des décisions prises. Et, grâce aux amendements du Parlement européen, si le principe d'un relais communautaire de ces initiatives intergouvernementales n'est pas encore acquis, il a déjà gagné beaucoup de terrain.

En revanche, le nouveau paysage qui se met en place met en pleine lumière deux nouveaux problèmes de gouvernance pour l'Europe.

Comment piloter l'Union avec autant de créativité et d'efficacité, en l'absence de la contrainte d'une crise majeure ? Alors qu'une fois le danger passé, chacun revient irrésistiblement à son égocentrisme national sacré.

Et comment rendre légitimes, aux yeux des peuples, de telles décisions prises à huis clos entre 27 chefs de gouvernement ?

La réponse à la première question relève plutôt du choix des titulaires des grandes fonctions. La seconde est clairement de nature institutionnelle : la coordination de politiques qui restent de compétence nationale (budget, politique étrangère) exige un contrôle démocratique, au moins par les parlements nationaux. A défaut, comment espérer convaincre les manifestants en colère dans les rues de Lisbonne qu'ils ne sont les otages, ni d'une administration apatride – le FMI ou la Commission européenne -, ni de l'arrogance de la trop sérieuse et trop puissante Allemagne ?

Article publié dans le numéro de mars 2011 d' »Interfaces », la revue de Confrontations Europe.


Alain Lamassoure, est ancien ministre français des Affaires européennes puis du Budget, ancien membre de la Convention européenne. Actuellement député européen (Parti populaire européen, PPE), il est vice-président de la délégation française du groupe PPE et Président de la Commission des Budgets du Parlement européen. 

http://www.alainlamassoure.eu

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