par Carole Ulmer, le vendredi 10 juin 2011

Alors qu'il est aujourd'hui évident que, en l'état, la Grèce ne pourra pas retourner sur les marchés en 2012, un accord, intervenu le 3 juin sur "une série de politiques économiques et financières", laisse entendre que la voie finalement choisie par les ministres des finances est celle d'un second plan de sauvetage.


La Grèce aura encore besoin en 2012/2013 d'environ 60 milliards d'euros, selon Lorenzo Bini Smaghi pour éviter le défaut de paiement.

En échange d'un plan drastique de réduction du déficit public, les 60 milliards pourraient être financés, selon lui à 20 milliards par l'EFSF, à 10 milliards de prêts du FMI et à 30 milliards de contributions privées (privatisations, titrisation, soutien "volontaire" des investisseurs…). Reste à résoudre la question sensible de la participation des investisseurs.

Les semaines passées ont pourtant été le théâtre d'un débat houleux entre partisans d'une restructuration « ordonnée » (ou d'un « re-profiling »), et fervents opposants à cette solution. Les diverses tentatives pour trouver une solution de compromis se sont avérées non seulement infructueuses, mais surtout dangereuses dans ce contexte où la demi-mesure n'a pas sa place. 82% des investisseurs ne croiraient plus en la dette grecque nous a-t-on dit lors du Brussels Economic Forum.

D'éminents économistes, aux rangs desquels on trouve Nouriel Roubini ou Thomas Mayer, en appellent à une restructuration ordonnée afin de faire porter aux investisseurs leur responsabilité, d'éviter des tensions sociales trop grandes et de ne pas entacher durablement la crédibilité des institutions en jeu. Les opposants à cette solution, au premier desquels la BCE s'est distinguée, semblent pourtant avoir convaincu les plus hésitants, tels que Wolfgang Schaüble.

Lorenzo Bini Smaghi a clairement rejeté ce qu'il qualifie d'une "peine de mort" pour la Grèce, évoquant l'impact catastrophique qu'aurait une restructuration sur le système bancaire grec et européen dans son ensemble et in fine sur les contribuables européens. Il a également mis en garde contre le lobbying des investisseurs positionnés (notamment en CDS) pour tirer profit d'un tel défaut.

Le refus strict de la BCE de prendre les obligations grecques en garantie en cas de restructuration a sans aucun doute aussi pesé lourdement dans la balance.

Pour autant, l'Eurozone est-elle sortie d'affaire ? Même si ce second plan de soutien est avalisé par le Conseil européen et par le FMI fin juin, ce n'est qu'une solution temporaire. A la fin de chaque programme et dans le cas de difficultés d'autres pays, de telles tergiversations ne pourront pas avoir court éternellement. La crise a mis en lumière de façon évidente les failles de la construction de l'Union monétaire actuelle : structures institutionnelles faibles et complexes, cadre budgétaire inadéquat et intégration financière insuffisante.

Aligner les objectifs de l'Europe et ceux des Etats membres devient impératif. Peut-on encore envisager une Union monétaire sans intégration plus poussée en matière budgétaire et de surveillance financière interroge Laurence Boone ? Jean-Claude Trichet répond clairement par la négative en proposant la création, à moyen terme, d'un ministère des finances de l'Eurozone chargé au
quotidien de faire appliquer la législation sur la régulation financière, surveiller les mesures budgétaires et de compétitivité des Etats membres, en cas de besoin bloquer certaines décisions nationales spécifiques jugées contraires aux intérêts de l'Union, et représenter l'Europe unie à l'extérieur.

Une proposition courageuse et ambitieuse, qui donne corps à cette "union politique sui generis" suggérée par Wolfgang Schaüble. Wolfgang Münchau1 soutient fermement ce changement institutionnel fondamental et précise qu'il doit inclure un budget européen, de taille réduite mais réorganisé, et des
eurobonds.

Ces débats sont loin d'être simples, de nombreuses questions seront soulevées,
notamment celle de la révision des Traités. Confrontations Europe partage depuis longtemps ce type de diagnostic et d'ambition. Elle contribuera d'autant plus à promouvoir ce débat.

Confrontations Europe Interfaces de juin


1 Wolfgang Münchau, « The ingredients of a European political union », FT, June 5 2011


Carole Ulmer est rédateur en chef d'Interfaces à Cnfrontations Europe

http://www.confrontations.org

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