par Jean Dufourcq, le jeudi 07 juillet 2011

S'intéresser aujourd'hui à l'incertitude stratégique qui caractérise ce début de XXIe siècle, à ces temps sans repères qui révèlent de nouveaux entrepreneurs, de nouveaux enjeux, de nouvelles perspectives, c'est bien notre mission. Dans le flot continu d'événements contradictoires de cette société de l'information globalisée qui tend à périmer nos certitudes et relativiser nos modèles uniformément occidentaux, il y a ce phénomène politique de l'émergence d'un cadre stratégique nouveau. Avec ses nouveaux venus, les acteurs gris, transversaux, masqués, infra-­étatiques, et les acteurs bleus, multiples, polycentrés, souvent fédérés et supra-­étatiques. Une nouvelle dynamique aussi, marquée par un glissement continu du centre de gravité de la planète qui s'opère d'Occident en Orient, d'Atlantique en Pacifique, d'Amérique en Asie.


Et au bout de la nouvelle route qui s'esquisse, dans la longue-vue de beaucoup, il y a désormais la Chine, vieille civilisation résurgente, masse hors normes, bien souvent vue comme une énigme, vaste espace illisible, porte ouverte sur l'inconnu, qui focalise les peurs d'un Occident qui assiste à sa relativisation et tente d'échapper au changement de paradigme stratégique d'un début de XXIe siècle assez bouleversé.

C'est qu'en Chine semblent se combiner trois des plus grands facteurs de changement d'une planète qui se mondialise rapidement : la révolution démographique, le défi écologique et le grand bazar des marchés de la consommation de masse. Et c'est aussi que la Chine semble se dérober, sinon au pouvoir au moins à la puissance, en tout cas à la puissance telle que l'Ouest l'a souvent pratiquée, une puissance articulée sur l'esprit d'entreprise et de conquête, sur la supériorité militaire et technologique, sur la domination territoriale et économique. Car la Chine parle volontiers d'harmonie et de développement pacifique ; elle semble vouloir privilégier la savante compétition au défi militaire et à la brutale confrontation ; elle préfère investir les terrains ouverts des espaces conflictuels non administrés, la monnaie, les océans, le cyberespace, l'espace exoatmosphérique, que d'être force guerrière à terre… Elle semble même relativiser voire négliger la puissance militaire en se hâtant avec lenteur dans la modernisation de son arsenal au point d'afficher moins d'armes nucléaires que la France. Elle se montre pourtant très sourcilleuse de son autorité dans son environnement sibérien, centrasiatique et maritime ; elle est encombrante en Afrique et assidue en Amérique du Sud. Elle s'affiche volontiers aussi fragile et se dit inquiète de sa capacité politique à contrôler le grand bond en avant socioéconomique de sa classe moyenne vers la prospérité.

En se montrant plus préoccupée de son équilibre intérieur que de son autorité extérieure, elle donne l'impression de ne pas jouer le jeu stratégique classique des temps passés, ceux des guerres mondiales ou de la guerre froide. Et ce faisant, elle intrigue et dérange.

Voilà ce qui fait de la Chine aujourd'hui l'un des points focaux stratégiques vers lesquels se tournent tous les regards. Voilà pourquoi la RDN y consacre son travail d'été.

Pour ce point sur la Chine, nous avons sélectionné dans nos archives des analyses pertinentes et originales qui jalonnent la réflexion stratégique française depuis 70 ans. Nous avons également rassemblé des points de vue d'experts d'aujourd'hui, des points de vue contradictoires parfois, pour composer le portrait prospectif contrasté de cette puissance déconcertante. Le résultat est constitué de cet ouvrage et de son complément numérique sur le site de la RDN.

Editorial de la Revue Défense Nationale de Juillet 2011

http://www.defnat.com.


Enseignant à Paris 2 Assas et Bordeaux 4, il est rédacteur en chef de la Revue Défense nationale. Ancien des forces sous-marines, de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale, il a été conseiller à la Délégation aux Etudes Générales du Ministère de la Défense et Directeur d'études à l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire et enseignant vacataire à au Centre d'Analyse et de Prévision du Ministère des Affaires Etrangères. Il a exercé au sein de la RP UE à Bruxelles et dirigé le centre de recherche du collège de défense de l'OTAN à Rome. Docteur en science politique, membre de l'académie de marine et de l'académie royale de défense suédoise, il prend part au débat stratégique par ses publications académiques ou lors des séminaires qu'il tient dans ces disciplines. Ed 2011

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