Lors de la réunion conjointe de la commission des affaires économiques et financières et de la commission européenne du Sénat, le 25 octobre pour auditionner le ministre des affaires européennes Jean Leonetti, l'ambiance était assez pesante à quelques heures du conseil européen qui se réunit à Bruxelles...
L'avenir de l'Europe en jeu
Le nouveau ministre des affaires européennes n'a pas hésité à dramatiser les enjeux : c'est bien l'avenir de l'Europe qui va se jouer à Bruxelles ce soir afin qu'un accord soit trouvé sur la crise monétaire
Le ministre a été catégorique : "L'Europe n'abandonne pas la Grèce et la Grèce reste dans la zone euro". Alors que cela était encore inconcevable il y a quelques mois, l'objectif est aujourd'hui très clairement de restructurer la dette si l'on veut que ce pays puisse la rembourser à bref délai.
Si on a pu avoir l'impression d'une certaine longueur dans la prise de décision, cela s'explique par la circonstance qu'il existe "17 et 27" démocraties et, selon le ministre, "on ne peut donc pas par reprocher à l'Europe d'agir avec lenteur."
Le fonds de stabilité chichement doté ?
Le ministre a aussi justifié la renonciation de la France à son projet d'adosser le fonds européen de stabilité financière à la banque centrale, idée qui, la semaine dernière, s'est heurtée à un refus catégorique de la chancelière allemande qui craignait de voir la BCE subir des pressions politiques que le traités n'autorisent pas.
Il n'en reste pas moins, selon le ministre, qu'il est nécessaire de trouver un mécanisme qui permette de lever des fonds sans une trop forte contribution des Etats. Ceci dit, la France n'a pas renoncé à plaider pour que le FESF soit doté d'un tel niveau de fonds "que la tentation spéculative vienne s'écraser contre ce mur "
C'est probablement dans ce sens que le conseil européen de Bruxelles va décider
Jean Leonetti a réaffirmé devant les sénateurs ce qu'avait dit le Premier ministre le matin même à l'Assemblée Nationale, à savoir que les banques françaises, suffisamment solides, devraient se recapitaliser elles-mêmes et ne pas compter sur l'Etat, la recapitalisation de certaines banques par l'Etat pouvant avoir un "effet cible" contre-productif.
Il sera aussi nécessaire de renforcer la gouvernance économique et s'orienter vers un "fédéralisme économique, expression qui ne me choque pas mais peut irriter certains" a affirmé le ministre, laissant entendre que sur ce point, des initiatives pourraient être prises dès ce soir à Bruxelles
Enfin, Jean Leonetti est revenu sur la passe d'armes entre le président Sarkozy et le Premier ministre britannique qui aurait souhaité disposer d'un véritable droit de vote voire de veto dans les décisions que doivent prendre les Etats de la zone Euro, dont la Grande-Bretagne n'est pas membre
Des sénateurs très inquiets
Manifestement, le ministre des affaires européennes maîtrise bien des dossiers comme l'a fait valoir le président de la commission des affaires européennes.
Néanmoins, l'inquiétude était perceptible dans la salle des commissions où étaient présents plusieurs anciens ministres socialistes tels que Michel Delebarre, Alain Richard ou bien encore Catherine Tasca
Plusieurs de ces élus se sont inquiétés des conséquences que pourrait avoir cette crise sur les territoires et sur la cohésion territoriale, et ce alors que le Sénat vient de basculer à gauche lors des dernières élections sénatoriales, traduisant un véritable malaise des territoires et des élus ruraux déjà inquiets de la réforme territoriale prévue pour 2014
D'autres sénateurs se sont demandés, de façon ironique, comment la Grèce allait prendre soin à récupérer enfin des recettes fiscales dans un pays où les gouvernements, "de gauche comme de droite" n'ont pas su faire preuve d'une suffisante attention, c'est le moins que l'on puisse dire
Pour conclure la réunion de cette commission, son nouveau président, M. Sutour, a appelé l'attention du ministre des affaires européennes sur la résolution votée par le Sénat sur les régions intermédiaires qui n'a pas été, selon lui, suffisamment prise en compte par le gouvernement.
Une chose est sûre : les sénateurs, toutes tendances politiques confondues, avaient bien conscience hier soir, de la gravité de la situation.
Aux chefs d'Etat et de gouvernement de relever le défi. Réponse, espérons-le, ce soir !
Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.