par Patrick Martin-Genier, le lundi 14 novembre 2011

"Primavera ! Primavera !" chantaient les Italiens dans la rue samedi soir lors de la démission du président du conseil italien Silvio Berlusconi, par référence étrange mais pas étonnante au printemps arabe qui a bouté hors du pouvoir des dictateurs corrompus et ayant amassé une richesse immense sur le dos de leurs peuples.


Silvio Berlusconi : une énigme choquante qui s'évapore dans la liesse

Silvio Berlusconi restera comme une énigme dans son pays, une énigme dont on se demande comment elle a pu persister durant de si nombreuses années.

Industriel ayant amassé une fortune considérable, il s'était lancé depuis vingt ans dans une carrière politique qui l'a menée trois fois au pouvoir comme président du conseil.

Au pouvoir cependant, il n'a eu de cesse de défendre ses intérêts personnels en faisant adopter des lois d'immunité censées le protéger des illégalités commise depuis des dizaines d'années aussi. La seule ambition de cet homme politique était en fin de compte de rester au pouvoir pour se protéger ; il a très mal géré ses finances publiques, même s'il n'est pas le seul en cause.

Il a mal mené l'indépendance des journalistes et a fustigé les juges indépendants qui faisaient leur travail.


Ses frasques sexuelles n'ont enfin pas contribué à améliorer son image de marque laquelle a été singulièrement écornée jusqu'au plus haut niveau de la hiérarchie vaticane.


Il n'est donc pas étonnant qu'il soit parti sous les huées et que les principales villes d'Italie, Rome et Milan aient ainsi fêté le départ de celui qui n'a pas non plus amélioré l'image de marque de son pays à l'étranger….Pas étonnant non plus que son départ fasse penser à celui des dictateurs arabes, même s'il convient de se garder de toute comparaison douteuse s'agissant d'une grande démocratie comme l'Italie ; mais celle-ci était incontestablement menacée par ce responsable politique qui n'admettait aucune contradiction de quelque sorte…


Monti, Papademos : la vengeance des experts


Mario Monti, ancien commissaire européen, expert des affaires européennes, va donc avoir la lourde tâche de mettre de l'ordre dans les finances publiques et de restaurer la crédibilité de son pays à l'étranger.

L'arrivée de cet expert au pouvoir marque la fin de l'impéritie de la politique italienne. Le temps de la rigueur est arrivé et ce choix s'impose à l'Italie si l'Europe ne veut pas être emporte par la faillite de cet Etat…

En Grèce, si Andréas Papandréou n'était pas issu du même type de sérail que Berlusconi, l'accession au pouvoir de Lucas Papademos, ancien vice-président de la banque centrale européenne sonne aussi comme un désaveu de la classe politique dans son ensemble qui n'a pas été capable de gérer au mieux les intérêts du peuple grec.

Là aussi, l'expert prend sa revanche sur le politique. Et là aussi, la rigueur va être de mise pendant plusieurs années car il n'y aura pas d'alternative.


A qui le tour ?


Papandréou et Berlusconi disparus de la scène politique, à qui le tour ?...

Les élections se suivent et ne se ressemblent pas en tout cas. La leçon à tirer de ces différents soubresauts qui ont failli emporter l'Europe est que les responsables politiques doivent savoir faire preuve de responsabilité.

Lorsque la situation d'un pays est gravement menacée, sans remettre en cause bien sûr le principe du débat démocratique, les partis politiques doivent prendre des positions exceptionnelles.

En France, dans six mois, l'élection présidentielle aura lieu. Les électeurs choisiront lequel des deux plus grands prétendants sera en situation de défendre les intérêts du pays. Mais entre-temps, la situation évolue tellement vite que la France n'est pas non plus à l'abri d'attaques que celles-ci soient fondées ou malveillantes et gratuites, notamment en ce qui concerne la notation AAA du pays…

Dans cet intervalle, chacun devra faire preuve de responsabilité et de prudence dans les arguments échangés, sachant que si une catastrophe devait se produire avec la mise en danger des banques françaises, la constitution d'un gouvernement d'union nationale pourrait s'imposer voire la nomination d'un…expert à l'Hôtel Matignon, même pour les quelques mois ou semaines qui nous sépareraient de l'élection présidentielle.

Osons espérer que nous n'en arriverons pas là, car au final Nicolas Sarkozy a plutôt bien géré cette crise et s'est battu pour que la France conserve sa crédibilité internationale.

Mais aujourd'hui, il faut s'attendre à tout. La commission européenne ne vient-elle pas de dire que les efforts budgétaires que s'apprête à faire la France dans le budget 2012 ne sont visiblement pas suffisants ?


Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.

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