par Patrick Martin-Genier, le lundi 15 mars 2010

Décidément, les relations transatlantiques s'assombrissent. Les récents déboires de l'avionneur européen EADS associé à un groupe américain pour la fourniture d'avions ravitailleurs constituent un exemple supplémentaire des relations de défiance que semblent entretenir l'Europe et l'administration démocrate.


Les méthodes n'ont pas changé

On aurait pu attendre, après des années d'administration républicaine marquée par la volonté d'imposer son point de vue plus que de dialoguer, que les méthodes changent. Tel n'a pas été le cas et les gouvernements l'ont appris à leurs dépenses depuis l'investiture de Barack Obama.

Ce qui est scandaleux dans cette affaire est qu'un grand État démocratique soit capable de violer à ce point les règles du commerce international qu'il se plaît à rappeler à tous les pays de la planète. La libre concurrence est une règle qui, apparemment, ne s'applique toujours pas aux États-Unis. On s'aperçoit ainsi que depuis des années, l'administration de la défense se prépare à un appel d'offres gigantesque de 35 milliards de dollars en truffant le cahier des charges de l'appel d'offres de stipulations léonines, dont le seul but est d'empêcher un avionneur autre que Boeing de pouvoir faire acte de candidature.

La colère des Européens

Cette pratique complètement déloyale a suscité, à juste titre, la colère des Européens qui, pour une fois, se retrouvent unis dans ce que l'on ose pas encore appeler l'adversité. Mais les effets de cette affaire pourraient être dévastateurs et une mise au point s'impose avec nos amis américains dont le protectionnisme constitue une forme de mépris pour le dialogue transatlantique.

Pourtant, les Américains sont coutumiers du fait. Rappelons-nous la guerre en Irak et le formidable pactole qu'avaient constitué les faramineux contrats conclus pour la reconduction de l'Iak post Saddam Hussein. La directive avait été donnée d'exclure les entreprises des pays qui n'avaient pas contribué à cette guerre et qui s'y étaient même opposés. La France fut ainsi sanctionnée à travers l'interdiction faite aux nouvelles autorités de l'Irak de faire travailler des entreprises françaises.

Une réponse économique et politique

Les contrats de défense étant l'affaire ressortissant à la souveraineté des États, il n'est pas possible à l'Europe de porter cette affaire scandaleuse devant l'organisation mondiale du commerce, sorte de conciliateur inter étatiques des conflits commerciaux entre États. Mais la réponse doit être à la fois économique et politique.

Sur le plan économique, il devient urgent pour l'Europe de se poser la question de la propre protection de ses propres frontières, manifestement plus ouvertes que celles des États-Unis. La réciprocité en la matière devrait être la règle : il en va d'une bonne gestion des relations commerciales internationales. A protectionnisme américain devrait répondre un protectionnisme gradué et adapté de la part de l'Europe. L'Europe-puissance, c'est aussi cela : être capable, ensemble, de défendre ses propres industries et fermer la porte à ceux qui refusent de laisser les entreprises européennes accéder à leurs marchés.

Sur le plan politique, Il serait intéressant de jouer carte sur table : l'Europe a-t-elle une quelconque importance aux yeux de l'administration américaine ? Les difficultés de l'Europe mettre au point une diplomatie commune ne doivent pas conduire l'administration démocrate à la considérer comme quantité négligeable. Car l'Europe a un vrai poids stratégique sur la scène internationale que Barack Obama, mal conseillé en la matière, semble ignorer.

L'Europe doit faire valoir son point de vue

Il est ainsi nécessaire que sur tous les sujets, l'Europe fasse enfin valoir son propre point de vue, quitte à ce que celui-ci aille à l'inverse de positions américaines. L'Europe ne gagnera pas en crédibilité en s'efforçant de toujours vouloir gommer les divergences. Pour cela et comme savait le faire le général de Gaulle, il faut parfois taper du poing sur la table.

Gageons que tant Nicolas Sarkozy qu'Angela Merkel sauront, lors des voyages qu'ils vont entreprendre prochainement aux États-Unis, se faire les porte paroles de ce mécontentement. On regrettera une fois de plus que ni le président permanent du Conseil européen, ni la ministre des affaires étrangères de l'Union européenne n'aient encore fait entendre leurs voix dans cette affaire...


Patrick Martin-Genier est mître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, expert des affaires européennes


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