par Olivier Lacoste, le mardi 31 août 2010

Pour tous les « aoutiens », partis en vacances avec encore en mémoire les émois nés de la crise grecque et les menaces de dislocation de la monnaie unique, les chiffres publiés au milieu du mois d'août doivent étonner. Le PIB (produit intérieur brut) de la zone euro a progressé, du premier au deuxième trimestre de + 1 %, celui de la France de + 0,6 % et celui de l'Allemagne de… + 2,2 %. Si on s'intéresse aux taux dits « annualisés » (c'est-à-dire en faisant comme si le même rythme de croissance était observé quatre trimestres de suite), la progression du PIB paraît encore plus incroyable : + 4,1 % pour la zone euro, + 2,4 % pour la France et + 9,1 % (soit une croissance « à la chinoise ») pour l'Allemagne. La crise, une histoire ancienne ?


Une activité encore sous perfusion


Certes, la zone euro, et l'Union en général, disposent de quelques atouts par rapport aux Etats-Unis. En Europe, les « effets de richesse » négatifs, c'est-à-dire l'impact des dépréciations d'actifs sur les dépenses des entreprises et des ménages, ont certainement été beaucoup moins importants qu'outre-Atlantique. "La consommation a résisté," indique Jean-Luc Proutat, économiste chez BNP-Paribas, "grâce aux mesures de soutien des gouvernements, notamment les dispositifs de chômage partiel. Relativement à la contraction de son PIB, l'Allemagne n'a pas détruit beaucoup d'emploi pendant la crise. C'est un atout en phase de reprise". De plus, la baisse récente de l'euro a donné un coup de pouce sérieux à l'activité des 16 Etats de la zone (voir ci-contre l'entretien avec Olivier Passet)… ce qui militerait pour que celle-ci se dote d'une politique de change. En outre, dans l'hypothèse où les marchés ne s'affoleraient pas à nouveau sur les titres souverains européens (ils en achètent actuellement de façon massive, au détriment des actions), un nouvel équilibre des finances publiques pourrait s'instaurer, caractérisé par des taux d'intérêt bas malgré une dette publique approchant le niveau de 100 % du PIB, ce qui faciliterait la gestion de la sortie de crise par les Etats. Malheureusement, les agences de notation agitent à nouveau le chiffon rouge (notamment dans le cas de la France), au risque de durcir abusivement les politiques de consolidation engagées alors que l'activité a encore besoin du soutien public car le financement privé tarde à soutenir l'investissement.


Quelle solidité du moteur des exportations ?


Bien que la décomposition du PIB du deuxième trimestre ne soit pas encore disponible pour la zone euro et pour l'Allemagne, la forte croissance a probablement reposé pour une bonne part sur les exportations. L'Allemagne a choisi de garder une industrie forte (environ 25 % de son PIB contre 14 % en France) vend une partie de sa production hors de l'Europe et est bien positionnée en cas d'embellie dans l'environnement économique international. Le reste du monde semblait renouer plus vite que l'Europe avec la croissance. Plus récemment, des signes d'essoufflement sont apparus ici ou là. Aux Etats-Unis, la croissance du premier trimestre au deuxième trimestre a été de + 2,4 %. Mais il faut se méfier des effets de grossissement : outre-Atlantique, les statistiques trimestrielles sont toujours données en taux annualisé. Exprimée comme en Europe, la croissance a le même rythme que le + 0,6 % français.

D'aileurs, le chiffre américain a déjà été révisé à la baisse. "La crise a détruit plus de 8 millions d'emplois aux Etats-Unis", souligne Jean-Luc Proutat. Les anticipations de détérioration de l'économie américaine ont été renforcées par les analyses de la Fed, et par son intention de racheter des titres de dette publique. Le déficit commercial du mois de juin s'est à nouveau envolé, signe que les déséquilibres n'ont pas été résorbés par la crise. Quant au Japon, sa croissance du deuxième trimestre n'a été que de 0,4 % (en taux annualisé, soit 0,1 % selon la présentation européenne). La Chine aussi aurait eu un petit hoquet et inquiète par l'accélération du crédit. Bref, même le moteur des exportations peut présenter des ratés…

Extraits d'Interface n°59 d'août 2010


Olivier Lacoste est directeur des études à Confrontations europe

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