par Patrick Martin-Genier, le jeudi 02 septembre 2010

Le ministre de l'immigration et -faut-il le rappeler ?-l'intégration, ainsi que le secrétaire d'Etat aux affaires européennes sont rentrés récemment de Bruxelles où ils ont été soumis à des questions et probablement de fortes critiques quant à la politique d'expulsion des Roms vers leurs pays d'origine.

Ils sont certainement arrivés à Bruxelles fort du récent sondage réalisé auprès des Français et donnant au président de la République et au gouvernement un soutien massif à cette politique. Ils en sont en fin de compte également revenus très déterminés à continuer cette politique d'expulsion systématique.



Le socle se fissure

Pourtant, peu à peu, le front politique social et cultuel ne cesse de se fissurer.

Voilà que gronde à l'UMP une vague de colère émanant de celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette politique.

Les plus chrétiens d'entre eux sont pris en tenaille entre la fidélité à Sarkozy et les valeurs de l'Eglise auxquelles ils sont profondément attachés, car il n'y a pas que Christine Boutin pour afficher les valeurs catholiques faites de tolérance, de respect et de tradition d'accueil.

Il a suffi que le pape Benoît XVI évoque cette douloureuse question depuis sa résidence d'été de Castel Gondolfo pour susciter une vague de fond jusque dans l'Eglise de France. Il fut insulté par un responsable de la majorité qui semble avoir dénié à tout citoyen allemand le droit d'exprimer son indignation en raison du passé de ce pays…Comment peut-on en arriver à un tel déchaînement indigne qui révèle ce qu'il peut y avoir de plus obscur au fond de chaque homme ? Tel curé a remis sa distinction de l'ordre national du Mérite, l'évêque de Versailles a visité un cap de Roms dans les Yvelines, enfin Brice Hortefeux s'est vu contraint, sous la pression médiatique, de recevoir le cardinal Vingt-trois pour tenter de modérer la fronde de l'Eglise de France.

De l'ONU à l'Union européenne : de vives inquiétudes

Cet été, un comité de l'ONU, quoi que l'on puisse dire sur la composition de ce comité et ses membres ainsi que leurs pays d'origine- a mis à mal la politique française d'expulsion des Roms, tandis que le Conseil de l'Europe et la Commission européenne exprimaient leur inquiétude, terme pudique exprimant en haut lieu international et communautaire une vive émotion quant à la politique française.

A cette fronde nationale et internationale, faut-il répondre avec dédain et mépris ? L'attitude du gouvernement montre que non. Au fond de lui-même, il se sent mal à l'aise d'être ainsi mis sur le banc des accusés et met en avant le fait que la politique d'expulsion sans précédent depuis la seconde guerre mondiale respecte parfaitement les règles européennes. Tout dépend de quel point de vue on se place.

S'il s'agit de démontrer que les lois et règlements ont été respectés, cela est vrai d'un strict point de vue juridique. Il existe ainsi une disposition spécifique du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que tout roumain ( pas seulement les Roms donc) qui sont sans ressources et sont à la charge du système français de sécurité sociale peuvent faire l'objet d'un refus d'admission au séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Les préfets appliquent scrupuleusement cette disposition.

Où sont passées les valeurs européennes ?

Mais du point de vue des valeurs que porte l'Union européenne, qui sont des valeurs de fraternité, de tolérance et du droit de tout citoyen européen de s'installer où il le souhaite, alors il y a là non seulement un problème éthique mais surtout un problème de respect des valeurs inscrites dans le préambule même du traité sur l'Union européenne, ces valeurs dont on a tant parlé lors des débats relatifs à l'ex-future Constitution européenne.

Chaque Français doit donc se sentir interpellé par ce qui se passe : notre pays peut-il être à ce point critiqué par toute la communauté internationale ? Peut-on s'asseoir sur une telle réprobation internationale comme si de rien n'était ? N'existerait-il pas une solution plus humaine pour contribuer à notre niveau national à une meilleure intégration de cette communauté ?

Ne peut-on pas demander à l'Europe des financements conséquents pour développer des programmes d'aide et d'intégration et aider aussi à la mise en place d'aires de stationnement dans les communes, là où précisément beaucoup de maires s'y sont opposés alors que la loi Besson de juillet 2000 en avait rendu le principe obligatoire ?

Il serait très pertinent que soit créé un haut-commissariat voir un secrétariat d'Etat qui pourrait s'occuper de cette population et qui puisse faire un travail à la hauteur du pays des droits de l'Homme que reste encore la France.






Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'institut d'études politiques de Paris.

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