par , le lundi 06 septembre 2010

L'Europe de la défense avance à pas comptés. Mais on est encore loin d'une harmonie de vues entre les différents gouvernements européens malgré des intérêts communs croissants. Deux événements récents le montrent.


Commençons par une avancée positive que rapporte le blog Bruxelles 2 (http://www.bruxelles2.eu/). Le nouveau « European Air Transport Command » (commandement de transport aérien européen) a été inauguré sur l'aéroport d'Eindhoven (Pays-Bas) le 1er septembre. Pour le ministre de la défense néerlandais, Eimert van Middelkoop, qui présidait la cérémonie, avec l'EATC, les avions de transport et de ravitaillement des Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne et la France seront "désormais sous un seul commandement" . Cette fusion devrait permettre "une meilleure coordination et une meilleure efficacité de plus de 200 avions militaires".

Tous ne seront pas basés à Eindhoven. Ils opéreront à partir de leur base habituelle dans les différents aéroports en Europe … ou ailleurs. Ce commandement vise aussi à "l'élaboration d'une doctrine commune d'entraînement et de formation", tout comme à s'entendre sur des normes standard et de maintenance de la flotte. Ce nouveau dispositif répond aux Headlines goals (objectifs) d'Helsinki visant à renforcer la "capacité de l'UE à déployer à bref délai, en réaction à une crise, des groupements de forces, en tant que force autonome ou en tant que composante d'une opération de grande envergure". "Il s'agit de l'ouverture d'une nouvelle collaboration militaire en Europe dans la mesure où les pays participants vont supprimer une partie de leurs structures existantes et déléguer leurs compétences respectives à un commandement unique partagé" précise une note interne à EATC.

La flotte contrôlée par EACT comprendra : 129 avions C-130 Hercules, 135 avions Transall C-160, 19 CASA 235, 10 Airbus A-310, 2 Airbus A340, 2 avions KDC-10 (néerlandais), 1 DC-10 et 20 avions VIP (comme les Gulfstream IV néerlandais). A terme, il devrait aussi comprend des Airbus A400M (une fois qu'ils seront livrés aux forces armées). L'EATC sera dirigé par le général allemand Jochen Both. Du moins pour commencer. Car le commandement sera assuré en alternance par Français et Allemands.L'équipe de l'EATC, une fois au complet, d'environ 150 personnels militaires, venus des quatre pays " fondateurs". D'autres pays européens — comme "l'Espagne et le Luxembourg, seraient intéressés à participer à l'EATC" a précisé le ministre.

La capacité opérationnelle initiale est prévue pour le mois de décembre 2010, au plus tard ; la capacité opérationnelle complète d'ici juillet 2013. Avec l'EATC, l'Europe dispose d'une capacité nouvelle de réaction de crise, qu'il s'agisse d'une opération proprement militaire, de maintien de la paix ou d'une mission plus civile de secours de catastrophe ou d'évacuation de citoyens.


On voit donc qu'avec l'EATC l'Europe de la défense avance. Mais l'autre événement de la semaine dernière montre qu'il y a encore "du travail à faire" pour mettre en commun les ressources des Etats européens.

Le "couple franco-britannique" - qui on le sait a été moteur de l'Europe de la défense depuis la déclaration de Saint-Malo en 1998 – semblait prêt fin août à s'engager vers de nouvelles coopérations fructueuses. C'est ce que déclarait mercredi 25 août devant les ambassadeurs le président français Nicolas Sarkozy. "Face aux menaces contre les intérêts vitaux, nous avons la dissuasion nucléaire. Mais face aux défis nouveaux, les Européens prennent du retard alors qu'il leur faut aussi participer à la sécurité des mers, essentielle pour notre commerce, à celle de l'espace, et désormais, du cyberespace". "La France est prête à s'engager dans des projets concrets. J'ai entendu les déclarations de nos alliés britanniques sur la coopération bilatérale avec la France. Nous en discuterons avec eux sans tabou et nous prendrons des décisions importantes en novembre lors du prochain sommet franco-britannique", avait-il annoncé sans plus de précisions sur la nature de ces initiatives.

A la mi-mars, le Premier ministre britannique d'alors, Gordon Brown, avait annoncé que la France et le Royaume-Uni étaient convenus d'accroître leur coopération dans le nucléaire militaire tout en conservant leur indépendance en matière de dissuasion. Gordon Brown n'avait pas donné plus de précisions sur la coopération entre les deux pays, soulignant simplement qu'elle se situait "à son plus haut niveau".

La France et la Grande-Bretagne ont les deux plus grosses armées dans l'Union européennne, mais toutes deux sont sont confrontées à des contraintes budgétaires et à des déficits élevés qui peuvent limiter leurs capacités à
financer de nouveaux projets. La France et la Grande-Bretagne ont entamé des discussions sur un possible partage des missions de leurs porte-avions, ont déclaré mardi 2 août des responsables français et la presse britannique.
Le journal anglais The Times affirmait dans son édition de mardi 31 août que la Grande-Bretagne et la France se préparent à annoncer le partage des missions de leurs trois porte-avions, afin d'augmenter leurs capacités militaires et de réduire leurs coûts. Cet accord permettrait qu'au moins un des trois bâtiments soit constamment en patrouille en mer.

Mais les ministres de la défense des deux pays, le Français Hervé Morin et le Britannique Liam Fox, ont démenti vendredi 3 septembre ces affirmations. "En ce qui concerne le partage des porte-avions, j'incline à penser que c'est totalement irréaliste", a déclaré M. Fox "Nous avons des pistes pour l'A400M (l'avion de transport militaire européen), les ravitailleurs, éventuellement une coopération sur les moyens navals, mais pas pour le porte-avions, que les choses soient claires", a souligné Hervé Morin.

Or selon The Times, un tel accord, aurait permis qu'au moins un des trois bâtiments (deux porte-avions britanniques et un porte-avions français) soit constamment en patrouille en mer, en tenant compte des périodes de maintenance des navires. Un tel accord eut été une avancée majeure permettant à l'Union européenne d'avoir en permanence un moyen naval de projection de forces majeur. On peut regretter que même en période de crise, on ne parvienne pas à se mettre d'accord. Il y a certes des obstacles nombreux dont le quotidien Les Echos se fait … l'écho dans un article de vendredi 3 septembre "Le porte-avions commun, un projet compliqué qui refait surface."

Il reste que, comme le souligne Les Echos dans un autre article le même jour "Paris et Londres peinent à concrétiser leur volonté de coopérer." (http://www.lesechos.fr/info/aero/020757358921-armement---paris-et-londres-peinent-a-concretiser-leur-volonte-de-cooperer.htm)


Finissons toutefois sur une note optimiste : Selon un post (http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2010/09/coop%C3%A9ration-avec-londres-des-p%C3%A9troliers-ravitailleurs-communs-.html) du blog Secret défense de Libération, "des pétroliers-ravitailleurs et des navires de soutien de la flotte communs à la France et au Royaume-Uni : c'est une des pistes les plus sérieusement explorées par les états-majors des deux pays." En effet, les navires de ce type doivent être renouvelés prochainement dans les deux pays. Il serait peut-être plus rationnel de passer commande en commun !

Et le blog de conclure que : "des annonces, dans ce domaine, comme dans d'autres, pourraient intervenir lors du sommet Cameron-Sarkozy, le 5 novembre prochain".


Espérons que tel sera le cas. Souhaitons à nos responsables politiques de saisir l'occasion de la crise économique pour aller vers plus d'unité et d'harmonisation des politiques nationales de défense. Il y a va de l'intérêt financier des Etats et de l'intérêt aussi de la construction de l'Europe de la défense.


Edouard Pflimlin est journaliste et enseigne les relations internationales à l'université de Nanterre. Il est l'auteur notamment d'une note pour la Fondation Robert Schuman : « Vers l'autonomie des capacités militaires de l'Union européenne ? ». 

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