par Clothilde de Gastines, le mardi 21 décembre 2010

Les politiques européennes de cohésion territoriale obligeaient les Etats membres à modifier lentement leur mode de gouvernance. La crise accélère la mutation, car les territoires sont l'échelon de référence pour relancer l'économie européenne.

Les 271 régions européennes disposent de plus d'un tiers du budget de l'Union. À la fin de la période 2007-2013, les fonds et programmes de cohésion atteindront près de 350 milliards d'euros, ce qui en fait le premier poste budgétaire européen. Les Etats répartissent les enveloppes entre les régions. Depuis 2007, pour la première fois, les départements français ont eu la possibilité de gérer une subvention globale du fonds social européen (FSE) dans le cadre de leurs programmes départementaux d'insertion (PDI).

La sociologue Annette Jobert qui a analysé le renouveau du dialogue social territorial en Allemagne, en France et en Italie démontre que les "nouvelles régulations territoriales" ont renouvelé la gouvernance à travers l'action par projets, l'engagement des acteurs et par conséquent la production de nouvelles règles d'actions publiques. "Plutôt que de territoire, on peut parler d'agencement territorial par des projets et des acteurs, que l'action collective fait aboutir."

"Face à la crise, les territoires les mieux armés, sont les territoires cohésifs, avec un polycentrisme urbain et une bonne coopération des acteurs," évalue-t-elle. Par contre, dans les régions où la cohésion était déjà mauvaise, la crise a été prédatrice. On aurait pu l'anticiper. Dans un papier (en anglais), je décrivais plusieurs scénarios qui alertaient sur les problèmes structurels de la Grèce, de l'Irlande et de l'Espagne ». On distingue bien sur cette carte de 2006 les zones de haute cohésion impulsée par des pôles urbains en rouge, rose, jaune et blanc, tandis que les zones vertes et bleues sont plus isolées.












































































Le dialogue territorial est un dialogue de projet et pas un dialogue sur les normes juridiques. Ces projets souvent portés par des collectivités locales, mais co-financés par des fonds européens visent au développement économique local. Mais, la nature des projets est très variée. L'un peut intervenir sur les relations entre des entreprises et leurs sous-traitants. L'autre vouloir trouver un équilibre du marché du travail en combattant l'exclusion sociale ou le travail informel. Le dernier peut s'occuper des relations professionnelles et de la création d'emplois avec des instruments particuliers (Gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences en France, prêts de main d'oeuvre).

Ainsi les acteurs institutionnels se mobilisent avant les acteurs traditionnels. Surtout en France, où les entreprises distinguent parfois mal leur intérêt à s'inscrire dans une démarche territoriale et où les syndicats se sentent souvent peu impliqués ou se rendent aux réunions en ordre dispersé. La diversification des espaces de négociation collective remet en cause la négociation collective de branche et les modalités traditionnelles de l'action publique.

Dans les traités

Les premières politiques de cohésion voient le jour en 1986, avant que le concept de "cohésion territoriale" ne soit clairement défini en 1995 (rapport Régions et territoires en Europe). Deux ans plus tard, la cohésion territoriale fait une "entrée discrète dans le Traité d'Amsterdam à la faveur de l'article 16 qui stipule que les services d'intérêt économique général (SIEG) oeuvrent à la cohésion sociale et territoriale" comme le dit Patrick Salez dans son rapport Comment l'Europe devient aménagiste.

En réponse aux défis économiques et aux attentes politiques des citoyens, la cohésion territoriale est intégrée dans le Traité de Lisbonne en tant qu'objectif et compétence partagée de l'UE, et cela aux côtés des dimensions économique et sociale de la cohésion.

En fin novembre 2007, un programme d'action envisage de mettre en oeuvre le premier Agenda Territorial, dont les deux lignes d'action principales sont d'influencer les "grands dossiers" européens et les politiques sectorielles communautaires pour leur conférer une dimension territoriale et urbaine et renforcer la gouvernance territoriale dans l'UE et les Etats membres. Le rapport d'évaluation qui a suivi le Livre vert de 2007 est ouvert à la consultation publique. Les propositions des particuliers, organisations et institutions seront intégrées dans le paquet législatif communautaire 2014-2020.

Plusieurs fonds

Le fonds social européen (FSE) finance les projets de formation professionnelle et d'aide à l'emploi. Le fonds européen de développement régional (FEDER) finance les infrastructures générales et l'innovation. Et enfin, le fonds de cohésion pour les pays les plus pauvres aide aux infrastructures générales de transport et d'énergie renouvelables.

À cela s'ajoute le programme de coopération territoriale renforcée INTERREG.III avec ses trois volets (transnational, transfrontalier, interrégional). Ce levier de partenariat implique "un nombre croissant de collectivités territoriales". Il est monté "progressivement en puissance pour devenir, lors de la période 2007-2013, un objectif à part entière (dit « de coopération territoriale européenne ») de la politique de cohésion" explique P. Salez.

Mesurer la cohésion territoriale

Où agir et comment ? Sachant que les réalités territoriales au sein des Etats membres cultivent des différences structurelles, culturelles et socio-économiques.

"Les sources de croissance sont de toute façon endogènes, explique Maria Prezioso de l'Université de Rome. La Commission européenne impulse une politique générale, mais laisse l'initiative au local et au sectoriel". Cette professeure de géographie économique et de planification territoriale a mis au point plusieurs systèmes de cartographie statistique pour l'Observatoire en réseau de l'aménagement du territoire européen (ORATE/en anglais ESPON). Elle dessine une nouvelle magna carta de l'Europe suivant 116 indicateurs (risque d'exclusion sociale, bien-être et cohésion sociale, bonne gouvernance, activité économique, compétitivité internationale, infrastructures, qualité environnementale) renseignés aux différents échelons local, régional, national.

Paru dans la lettre de Metis du 15 décembre2010


Clothilde de Gastines est rédacteur en chef de Metis

http://www.metis.eu

Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :