par Elie Herberichs , le mercredi 29 décembre 2010

Le nouveau Service Européen d'Action Extérieure (SEAE) est officiellement opérationnel depuis le 1er décembre 2010. En vertu du traité de Lisbonne, sa vocation est claire : servir d'appui à l'accomplissement du mandat du Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (HR). Dans la pratique, les orientations de son action font encore l'objet de tractations.


Les acteurs de cette nouvelle facette de la politique extérieure de l'Union sont d'ores et déjà connus : depuis le 1er décembre 2009, la fonction de Haut Représentant est assurée par Catherine Ashton, ancienne commissaire européenne au Commerce. Elle est assistée de Pierre Vimont, secrétaire général du SEAE et ancien ambassadeur français à Washington.

Le SEAE dispose de 130 représentations de l'Union européenne à l'étranger et est composé de 3.700 fonctionnaires issus des secrétariats généraux du Conseilet de la Commission, ainsi que des services diplomatiques nationaux.

Le SEAE intervient dans un domaine pouvant heurter la sensibilité des Etats membres : les affaires étrangères. Le choix du vocable propre à cet organe a été soigneusement soupesé afin d'éviter les éventuels empiètements sur la souveraineté des chancelleries nationales.

Les statuts du SEAE soulignent sa soumission aux décisions du Conseil des ministres des affaires étrangères qu'élaborent les Etats membres sous la présidence de Catherine Ashton. L'objectif du SEAE n'est donc en aucun cas d'opérer une superposition ou un remplacement des politiques extérieures menées par les Etats membres mais plutôt de créer une "valeur ajoutée" européenne sur les dossiers relevant de la compétence de l'Union.

Par conséquent, la création du SEAE opère-t-elle une mutation de l'action de l'Union européenne sur la scène internationale ?

En matière de politique de sécurité, l'UE disposait avant Lisbonne d'une identité spécifique lui permettant de démultiplier les actions individuelles des Vingt-Sept, pour la gestion civile des crises par exemple. Une intégration
accrue de ces compétences n'est pas à l'ordre du jour. Le rôle du SEAE est à cet égard de faciliter la coordination entre les actions mises en place et de faire émerger des propositions visant à renforcer l'efficacité des dispositifs établis.

Il y a donc tout lieu de se féliciter de la création d'un organe renforçant la capacité d'action de l'Union européenne dans les matières qui lui sont confiées.

Ces dispositions sont en revanche insuffisantes pour prédire l'émergence d'une véritable politique extérieure de l'Union européenne. La mise en place du SEAE a donné lieu à un bras de fer avec la Commission, qui dispose de compétences essentielles dans la conduite d'une politique extérieure au sens traditionnel du terme. C'est le cas par exemple avec la politique commerciale qui reste une compétence "communautaire" exclusive, la Commission conduisant les négociations à l'OMC au nom de l'Union européenne.

De même, la politique européenne de voisinage (PEV) demeure entre les mains de la Commission. Critiquée pour avoir joué un rôle d'initiative dans des matières relevant des piliers intergouvernementaux avant Lisbonne en ce qui concerne la PEV, celle-ci doit à présent laisser la HR assurer la coordination. Considérant l'engagement de la Commission dans l'application de cette politique, le partage des tâches s'avère délicat à définir.

Enfin, le transfert d'unités de la direction générale en charge du développement de la Commission vers le SEAE a soulevé des protestations. Le risque est de faire passer les relations politiques avec les pays en développement sous le contrôle d'Etats membres défendant des visions divergentes de cette action.

On voit donc que les négociations préalables au lancement du SEAE relèvent moins de conflits entre institutions que de divergences concernant les orientations politiques à impulser.

Les dossiers internationaux pour lesquels une vision commune est déjà existante resteront le fait de la Commission, chargée de faire émerger un compromis en amont des actions à mener.

Le SEAE endossera la responsabilité des politiques plus problématiques, où les ambitions nationales et sectorielles peuvent se révéler contradictoires.

Il y a donc lieu de s'interroger quant à l'avenir de l'action extérieure de l'Union européenne.

L'éclatement des instances de décision permet de distinguer les matières raitées sur la scène internationale, d'où une certaine autonomie des politiques commerciales, de voisinage et de développement. En revanche, la mise en commun peut signifier la hiérarchisation des priorités selon les négociations réalisées à l'échelle européenne. A cet égard, il est probable que les partenaires de l'Union européenne ne se félicitent pas à l'avenir d'une expansion des compétences du SEAE.


Master Politiques Européennes - IEP Strasbourg

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