par Baudoin Bollaert, le mardi 03 mars 2009

Verre à moitié plein ou verre à moitié vide ? Le Conseil européen qui s'est déroulé dimanche à Bruxelles laisse une curieuse impression… Ceux qui en attendaient une feuille de route nette et précise avant la réunion du G-20, le 2 avril prochain à Londres, seront déçus. Les autres répondront que les Vingt-Sept ont rapproché leurs positions sur le protectionnisme, les actifs toxiques, les paradis fiscaux ou la régulation des banques. Quant à l'aide aux Etats membres les plus touchés par la crise, elle se fera au cas par cas, tous les pays de l'UE n'étant pas logés à la même enseigne.


Bref, le breuvage laisse un drôle de goût dans la bouche et trois réflexions s'imposent à ce stade :

1°) La récession met à rude épreuve la solidarité européenne. Certains y voient l'occasion rêvée de revoir enfin à la hausse le budget communautaire qui ne représente que 1% du PIB des Vingt-Sept. Mais tout est bloqué jusqu'en 2013 et rien ne dit que les contributeurs nets – dont les déficits se creusent chaque jour à cause de la crise – accepteront de mettre la main à la poche de façon substantielle. Si la solidarité européenne ne se manifeste pas à travers l'augmentation de l'enveloppe allouée aux fonds structurels, peut-elle passer par une adhésion accélérée de nouveaux membres à la zone euro ? Le côté « protecteur » de celle-ci n'a échappé à personne… Si la réponse est oui, les critères de Maastricht devront être révisés et une meilleure coordination des politiques économiques deviendra indispensable. Tout le monde y est-il prêt ?


2°) Entre le « tout libéral » et le retour au keynésianisme, l'Union ferait bien de revenir à l'un de ses fondamentaux, à savoir l'économie sociale de marché. Cette doctrine a connu ses heures de gloire en Allemagne, au lendemain de la dernière guerre, sous la férule du chancelier Ludwig Erhard. Elle n'a rien perdu de sa pertinence. Encore faut-il ne pas la dévoyer. Un exemple : en acceptant les conservateurs britanniques comme alliés pour grossir les rangs du PPE, les démocrates-chrétiens ont péché contre l'esprit et le payeront cher aux prochaines élections européennes s'ils ne reviennent pas à leur propre catéchisme économique…

3°) La crise vient en grande partie des Etats-Unis et de la folie des goinfres de la finance des cinq continents. Mais face à un Barack Obama tout puissant qui bénéficie, de surcroît, d'un état de grâce prolongé, l'absence de leadership européen s'avère problématique. Alors que les diagnostics sont largement communs en Europe, les réponses restent nationales… On peut certes y voir une forme de décentralisation sympathique. Mais cette stricte mise en application du principe de subsidiarité dissimule mal, en vérité, le refus des Etats membres de regarder au-delà de leur petit horizon domestique. Un président de l'Union élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable, comme le propose le traité de Lisbonne, changerait-il la donne ? Le rêve n'étant pas un fruit défendu, on peut au moins l'espérer… Alors, MM. les Tchèques ou MM. les Irlandais, encore un effort !


Ancien rédacteur-en-chef au Figaro Baudoin Bollaert est Maître de conférences à Sciences Po Paris et à l'Institut supérieur de l'armement et de la défense (Paris II).

Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :