par Noëlle Lenoir, le lundi 04 mai 2009

L'heure de l'Europe pour les Islandais est elle arrivée ? C'est la question que se pose Noëlle Lenoir après le signal manifest de changement donné par les Islandais lors du vote du 25 avril.

Editorial paru sur le site du cercle des européens le 29 avril 2009
http://ceuropeens.org


Des élections de crise


Les élections législatives qui se sont déroulées en Islande le 25 avril 2009 ont porté au pouvoir une coalition Gauche/Verts, rejetant dans l'opposition le Parti de l'indépendance au pouvoir depuis 18 ans. La nouvelle coalition a obtenu une nette majorité des 63 sièges du Parlement monocaméral installé à Reykjavik. Elle est donc assurée de stabilité. a priori

Les enjeux ne sont pas minces dans ce petit pays de quelque 307 000 habitants, au niveau de vie parmi les plus élevés du monde…avant la crise.

Les élections du 25 avril sont directement, en effet, le fruit de la crise des marchés financiers. Ces élections ont eu lieu de manière anticipée à la suite de la démission du gouvernement provoquée par la "Révolution des casseroles". Tous les samedis, semaine après semaine de janvier à février, des Islandais se rassemblaient devant le Parlement en faisant un tintamarre de casseroles et de poêles à frire. Ils entendaient demander le départ de leurs gouvernants tenus pour responsables du plus grand désastre économique qu'ait jamais connu l'Islande depuis son indépendance en 1944.

La participation exceptionnelle des électeurs (plus de 85% de votants) et l'ampleur de la sanction électorale infligée au parti conservateur au pouvoir en disent long sur le mécontentement de la population.

Comment pourrait-il en être autrement ? Tout ce sur quoi le dynamisme économique s'était bâti s'est écroulé : la monnaie a perdu en un an la moitié de sa valeur, la bourse a chuté pendant la même période de 94%, l'inflation s'est envolée à plus de 20%, et les faillites d'entreprises se sont multipliées avec à la clé le chômage et l'exclusion.


Les leçons de ces élections


Il est sans doute trop tôt pour tirer les enseignements définitifs de ce scrutin. Mais le message qu'il véhicule est assez clair.

Premier enseignement : ce vote sanctionne un modèle économique qui, s'il est moteur en période de forte croissance mondiale, se révèle fragile à l'épreuve du retournement de la situation des marchés. L'économie islandaise partage à cet égard certaines caractéristiques de l'économie irlandaise : une fiscalité légère pour les entreprises, un secret bancaire "soft", et des marchés financiers à produits sophistiqués fortement rémunérés. Une fois ces marchés en panne, les capitaux étrangers n'ont pas manqué de prendre la fuite pour se réfugier vers de vrais paradis fiscaux – Iles Vierges et Iles anglo-normandes –et les entreprises locales ont été pour la plupart contraintes de mettre la clé sous la porte. Les grandes banques du pays ont du être nationalisées pour ne pas avoir à faire de même.

Deuxième leçon : ce vote reflète le souhait des Islandais d'un fort renouvellement du personnel politique. Avec 42% de femmes, le Parlement islandais devient l'un des plus féminisés de la planète. Quant au Premier ministre, Madame Johanna Sigurdardottir, une sociale-démocrate engagée, elle a proclamé dés le soir de l'élection : "Notre heure est arrivée" !


Est-ce l'heure de l'Europe pour les Islandais ?


Rien n'est moins sûr, car les deux partis de la coalition sont divisés sur ce point : les sociaux-démocrates souhaitent l'entrée rapide de leur pays dans l'UE, tandis que les Verts y sont opposés notamment pour empêcher de soumettre les pêcheurs aux lois européennes et de faire entrer les eaux territoriales islandaises dans le périmètre européen.

Ce qui souligne au passage la difficulté qu'auront les partis politiques européens à affirmer au moins dans un premier temps leur cohésion. Les sociaux-démocrates, les Verts et les Partis du centre-droit, par exemple, n'ont pas la même sensibilité européenne au niveau national. Les sociaux-démocrates allemands du SPD sont bien moins proeuropéens que les socialistes espagnols du PSOE, tandis qu'à droite la CDU allemande est de tendance fédéraliste contrairement à ce qui est le cas en général de ses homologues dans les autres pays. Donc en Irlande, la question européenne reste largement ouverte.

Il n'en est pas moins instructif de constater qu'elle a été au cœur de la campagne électorale qui vient de s'achever et qu'elle reste encore posée. Plus que tout autre chose, l'euro, conforté par le rôle de la BCE, est attractif pour les Islandais qui recherchent protection et stabilité de leur économie. L'Islande est déjà partie de l'Espace Economique Européen, mais sans l'euro.

Les Islandais se prononceront en conscience sur cette éventuelle étape de leur histoire

Leur choix ne pèsera pas sur le devenir de l'Union européenne. Toutefois, s'ils rejoignent l'Europe et si l'Islande en devient l'un des Etats membres, cela voudra dire que l'Union économique et monétaire, pour inachevée et imparfaite qu'elle soit, vaut mieux qu'un superbe isolement. Cela signifiera également que les citoyens comprennent qu'une véritable Union économique passe par l'Europe politique.


Noëlle Lenoir, est ancienne ministre déléguée aux Affaires européennes. Elle est présidente de l'Institut d'Europe d'HEC et du Cercle des Européens 

http://www.hec.fr/institut-europe

http://www.ceuropeens.org

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