L'élection le 14 juillet, avec 86% des suffrages du polonais Jerzy Buzek à la présidence du Parlement européen, a été saluée comme un évènement historique.
Le président en 1981 du premier congrès de Solidarité, Premier minsitre de son pays pendant 4 ans, est un homme estimable et apprécié.
Ce qu'il incarne l'est davantage encore et aurait justifié qu'il ne soit pas opposé à une candidate "communiste" et que les socialistes français fassent mieux que de s'abstenir!
Car l'accession à la tête de l'Assemblée européenne, d'un Polonais resistant au communisme totalitaire est plus qu'un symbole. Elle est une étape de plus vers la réconciliation de la mémoire collective de l'Europe avec son histoire tragique.
La construction européenne a entrepris le pari sans précédent de dépasser les nationalismes tout en respectant les histoires nationales, de sublimer des oppositions séculaires tout en respectant les identités.
Pour atteindre cet objectif de haute extraction, il reste à faire le travail de mémoire indispensable pour que l'histoire ne soit pas un frein mais un socle sur lequel construire peu à peu une mémoire collective européenne qui réconcilie définitivement les Européens.
Or, malgré les progrès, il reste des obstacles. Les idéologies ont créé en Europe des clivages et des drames historiques d'une exceptionnelle gravité pour l'humanité.
Le nazisme a été vaincu puis éradiqué, mais l'on sait combien il exige encore de vigilance.
Le communisme n'a pas été jugé publiquement ni même lavé par un exercice de thérapie collective.
La Russie vient ainsi de protester contre un vote de l'assemblée de l'Organisation européenne de Sécurité et de Coopération en Europe, qui en condamne les horreurs incontestables. Elle refuse de faire le procés du communisme qui libérerait la mémoire collective européenne, et vraisemblablement son propre peuple, d'un poids obsédant.
Le meurtre de la militante des Droits de l'Homme Natalia Estemirova en est une preuve actuelle. Et sur le continent européen il existe toujours des partis et des leaders communistes, qui s'accrochent au passé malgré ses crimes...
Nul ne saurait contester l'histoire qui, avec ses méandres et des ses détours appartient aux peuples: Staline était bien dans la coalition anti-nazie et a contribué à sa victoire.
Mais nul ne saurait laisser en jachère la mémoire collective qui souvent déforme les faits historiques, identifie les peuples à un grande épreuve, fonde leur fierté d'appartenance à une communauté nationale.
Il faut l'aider à surmonter le passé en l'acceptant, pour tenter de construire, à partir de la connaissance de l'histoire des autres, une mémoire collective de plus en plus commune.
Alors que surgit un nouveau danger, celui des guerres de religion, que jadis l'Europe a connues, et qui menacent de fonder de nouveaux conflits sur la planète, la leçon de l'Europe, c'est qu'il n'est pas d'adversité qui ne puisse être surmontée et dépassée par la raison et le courage.
Voila pourquoi le message européen est d'une surprenante actualité. Voila pourquoi l'élection d'un Polonais qui a contribué à faire tomber le communisme est importante.
Voila pourquoi il faut poursuivre le travail de mémoire et partager notre histoire, même chargée de souffrances.
Ce n'est pas de la repentance, c'est de la grandeur.
Editorial paru sur le site:http://www.jd-giuliani.eu
Jean-Dominique Giuliani est présiedent de la Fondation Robert Schuman
http://www.robert-schuman.eu