par Bruno Vever, le vendredi 24 juillet 2009

La crise mondiale qui met durement à l'épreuve notre économie et nos emplois aurait pu être l'occasion de consolider l'UEM. L'euro a plus que jamais démontré toute son utilité en s'avérant un parapluie efficace sous la tempête : il aurait bien mérité cette marque d'attention. C'est d'ailleurs sans doute cet euro, plus encore que toute autre argumentation, qui pourra inciter les électeurs irlandais à réviser leur vote lors de leur prochaine consultation en octobre sur le traité de Lisbonne. C'est également lui qui pousse à présent l'Islande, rudement étripée par la crise financière, à changer d'attitude et revendiquer son entrée dans l'Union pour obtenir cette protection de l'euro qui lui a tant fait défaut l'an dernier.


Même auréolé de tous ses mérites, notre euro n'en reste pas moins affligé d'un talon d'Achille persistant qui hypothèque son avenir de façon préoccupante : le décalage croissant entre une union monétaire bien réelle et une union économique seulement virtuelle, et qui parait de plus en plus hors d'atteinte. On a toujours remis au lendemain, par delà l'encadrement minimal du pacte de stabilité, la mise en place d'une politique économique commune, avec ce qu'elle impliquerait en termes de gouvernance partagée, de solidarité budgétaire, de coopération industrielle et de coordination fiscale. Cette union économique aura été la grande sacrifiée de notre zone euro. Cette aberration risque à présent de nous coûter fort cher.

Car les Etats n'ont rien fait, même face à une crise qui ébranle forcément les assises de l'UEM, pour remédier ne serait-ce que partiellement à un tel décalage, bien au contraire. La convocation, à l'initiative de la présidence française du Conseil, d'un premier Sommet des pays de l'euro n'a été qu'un feu de paille sans lendemain, en raison notamment de l'aggravation d'une incompréhension mutuelle franco-allemande. Les Etats membres de la zone euro n'ont pas davantage montré l'exemple d'une politique commune contre la crise, s'avérant incapables d'adopter des mesures intégrées pour remédier aux désordres financiers. Quant au pacte de stabilité, il était certes compréhensible de convenir face à la crise des aménagements conditionnels à ses modalités d'application. Mais au lieu de cela, les digues ont paru céder et le pacte de stabilité jeté par-dessus bord, avec l'entremise coupable d'une Commission européenne affaiblie. Le plafond maximal du déficit public, qui avait été fixé par les Etats eux mêmes à 3% du PIB, a été pulvérisé. La France, qui en est déjà à plus de 7%, paraît principalement préoccupée, depuis l'annonce faite au dernier congrès de Versailles, à lever un grand emprunt d'Etat dont on ignore d'ailleurs toujours l'objet comme les modalités.

Dans cette résurgence de comportements nationaux brutaux, sans égards ni concertation entre europartenaires, on chercherait en vain un état d'esprit propice à un resserrement de la coopération économique et industrielle européenne. L'heure est plutôt à l'évocation de « fonds souverains » ou aux revirements d'alliances industrielles au profit de partenaires autres qu'européens.

Comment peut-on comprendre que l'on ne fasse aujourd'hui rien - et même hélas tout son contraire ! - pour consolider une UEM qui a pourtant montré, face à la crise, toute son utilité au point d'avoir réduit au silence ses détracteurs eux-mêmes ? Aujourd'hui, l'UEM est menacée non par ses critiques ou ses rivaux mais par ses propres fondateurs qui paraissent avoir renoncé à s'entendre sur une ligne de conduite solidaire face à la crise pour privilégier, presque avec ostentation, une politique du « chacun pour soi et l'euro pour tous ». C'est pourtant bien l'inverse qu'il aurait fallu faire !

Curieux comportement des Etats européens, que l'Histoire jugera sans doute sévèrement. En toute hypothèse, ne serait-il pas temps que les acteurs économiques et sociaux, s'ils tiennent toujours au bouclier européen et s'ils restent bien conscients qu'ils paieront avec leurs enfants toute la note, se réveillent pour rappeler leurs dirigeants à leurs engagements comme à notre bon sens ?



Bruno Vever est secrétaire général d'Europe et Entreprises.
http://www.europe-entreprises.com


Il est co-auteur avec Henri Malosse du livre "Il faut sauver le citoyen européen" aux Editions Bruylant

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