par Marianne Ranke-Cormier, le vendredi 16 octobre 2009

Non à Blair! Après la belle victoire du Oui, la présidence suédoise sort enfin de son mutisme et cela pour asséner un coup de plus sur la tête des citoyens européens, un peu abasourdis il faut l'avouer sur le continent: à la fin du mois, les 29 et 30 octobre, dans le cadre du sommet européen, les 27 états-membres devraient désigner, déjà! leur premier président du Conseil de l'Union européenne pour un mandat de deux ans et demi. Et comme personne ne se précipite au portillon, Tony Blair, fort du soutien des deux majors européens, l'Allemagne et la France (et le Royaume Uni bien sûr) a toutes ses chances.


Oui, vous avez bien lu, çà se fera comme cela, sans aucune autre procédure, sans aucune autre cérémonie, et surtout on ne nous demandera pas notre avis, tout comme on ne demandera pas l'avis préalable de nos députés élus dans un parlement européen fantoche. On ne leur avait pas dit aux Irlandais, mais le 2 octobre ils ont donné massivement leur aval à cette belle comédie.


On appliquera Lisbonne à la lettre, un traité qui aura été vendu aux Irlandais, et aux autres réticents Polonais, Tchèques, Anglais... sous couvert de crise économique, de plébiscite à l'appartenance européenne, et non plus de déblocage de la crise politique européenne (qui nous avait valu la trahison de Lisbonne), sous couvert de révisions de certaines clauses (tout en reniant la question de l'égalité des citoyens européens dans tout cela), de concessions sur les principes fondamentaux et les valeurs mêmes de l'Europe.

Une reculade dans beaucoup de domaines, les principes d'égalité et de démocratie foulés aux pieds, tout comme ceux des droits de l'homme, tout spécialement des droits de la femme, (les ligues anti-avortement ont eu gain de cause en Irlande) et de cette Europe qui s'était construite sur un socle autant social que libéral.

Aujourd'hui les syndicats (laitiers en l'occurrence) ont beau gesticuler sur le Rond-Point Schumann (à Bruxelles), parce que c'est bien là que se prennent les décisions qui les concernent directement, les bureaucrates européens forts de leurs convictions et de leur irresponsabilité politique (ce sont des fonctionnaires, et non pas des élus, qui bénéficient encore et toujours de l'immunité judiciaire à vie), rien ne fera désormais dévier la machine en route.

Car c'est cela Lisbonne, un chèque en blanc pour qu'une poignée de chefs d'état et de bureaucrates à la solde des lobbies en tous genres et des Etats-Unis en particulier, s'arrogent et se distribuent entre eux des postes et des sièges pour gouverner aux destinées d'un continent de 500 millions de citoyens.

Dimanche la Pologne signe le traité (tiens pourquoi un dimanche?), la République tchèque décriée par toute la nomenklatura bien-pensante européenne, n'aura d'autre choix que de s'y coller elle aussi. Et puis pensez-vous, la manne financière saura discrètement accompagner la décision indépendante des juges constitutionnels. Les tractations vont bon train, et les "has-been" politiques (Blair n'est pas autre chose) voient enfin leur chance se concrétiser! Les puissances occultes aussi.

Après le poste de Président de l'UE, il faudra bien entendu créer celui de Ministre des affaires étrangères (qui existait déjà soi-dit en passant...), à ce rythme là c'est tout un gouvernement européen qui sera en place. Le hic c'est qu'on ne sait pas quelle politique il est censé mettre en application, puisque aucune des institutions européennes n'est élue par les citoyens européens sur un programme européen, et surtout par qui ce gouvernement sera contrôlé?!

Oui, vous avez bien lu, Tony Blair, ce sera sans doute lui notre premier président. Car à moins d'une soudaine prise de conscience, notamment parce que le traité dispose "le président du Conseil européen assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l'Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune", de nos chefs de gouvernements européens, emmenés par un triumvirat anglo-franco-germanique d'obédiance américaniste (les Etats-Unis se flattent d'ailleurs de leur influence en la matière), ou d'une poussée de fièvre citoyenne européenne qui jettent les européens dans les rues de toutes les capitales, ou plutôt sur le Rond-Point Schumann, et qui agite la blogosphère (quoique étant donné la façon dont elle est traitée actuellement: entre projet de taxation aux Pays-Bas, harcèlement médiatico-politique (cette "fachosphère" qui a bien servi de tremplin à ceux qui la conspuent aujourd'hui) qui irait dénoncer l'hérésie d'une telle nomination?

Aucune force politique européenne n'est à ce jour capable de s'y opposer si tel est le desiderata du Conseil et de Barroso. On l'a vu pour sa propre re-nomination, celle des autres tenants des postes européens suivra le même cours anti-démocratique, anti-européen. Et oui contrairement à ce que l'on nous fait croire, les anti-européens sont bien ceux qui nous gouvernent, et non pas les citoyens qui aimeraient décider eux-mêmes quelle Europe, quel monde...

Alors exigeons le tout de suite, nous citoyens européens, nous qui avons été dépouillés de notre pouvoir décisionnel et de l'exercice de tout contrôle démocratique sur les institutions qui dirigent l'Union européenne, nous disons NON à Tony Blair.

Non à Tony Blair l'américaniste, le "caniche de Bush", celui-là même qui a entrainé la guerre en Irak en violation du droit international, usant de mensonges, machinations, manipulations et jusqu'à l'emploi de la torture par son armée; l'irréductible cow-boy des services et des lobbies américains, celui-là même qui a été contraint de démissionner de son poste de Premier Ministre noyé sous son incompétence et les affaires. .

Non à Tony Blair l'anti-européen, l'ancien chef d'un gouvernement qui a maintenu son pays en dehors de la construction de l'Europe, en dehors de la zone Schengen et de la zone Euro.

Non à Tony Blair l'anti-Constitution, l'anti-Lisbonne, celui-là même qui a combattu l'intégration dans le traité de Lisbonne de la Charte Européenne des Droits Fondamentaux, celui-là même qui a imposé ses modifications au traité de Lisbonne, empêchant tout progrès sur les questions sociales (c'est çà le socialisme à l'anglaise, un sensible rapprochement avec la droite française et de Sarkozy), l'harmonisation fiscale, et cerise sur le gâteau: en matière de politique internationale !

Paru le 8 octobre dans dans Newropeans Magazine

http://www.newropeans-magazine.org


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