par Patrick Martin-Genier, le mercredi 14 septembre 2011

C'est à une réunion dédiée à la fiscalité européenne que Noëlle Lenoir, ancienne ministre et présidente du cercle des européens avait convié, le 13 septembre dernier, les relais européens de Paris aux côtés d'Anne Houtman, chef de la représentation en France de la commission européenne et en compagnie d'experts de la fiscalité européennes : Mirko Hayat, professeur affilié à HEC, Michel Aujean, ancien directeur des analyses et politiques fiscales à la commission européenne, enfin Laurent Chappuis, expert national détaché auprès de la direction générale Fiscalité et Union douanière.


Cette réunion intervient au moment où la commission européenne travaille sur une proposition de directive du conseil relative à une assiette commune consolidée pour les sociétés. Il faut en effet savoir que le traité ne donne compétence à l'Union uniquement que sur les impôts indirects. Si la fiscalité directe n'est normalement pas du ressort de l'Union, il n'en est pas moins vrai qu'à travers les différentes décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, que les Etats membres attendent avec angoisse tant les conséquences budgétaires de ces décisions sont considérables selon Laurent Chappuis, ces Etats sont obligés d'avancer puisque la fiscalité directe a forcément un impact sur les valeurs économiques essentielles que sont la liberté d'établissement et la libre circulation des capitaux entre autres

Laurent Chappuis a mis en avant le fait qu'il existait vingt-sept législations fiscales différentes et qu'il devenait urgent d'harmoniser les bases des impôts sur les sociétés en Europe en raison notamment du coût que représente les divergences fiscales en Europe. Il s'agit clairement d'une commande politique résultant d'une lettre en date du 11 mars 2011 contenant les conclusions des chefs d'Etat et de gouvernement en faveur d'une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés.

Une souveraineté fiscale illusoire

Pour Michel Aujean et Mirko Hayat, deux fins connaisseurs de la fiscalité européenne, le coût pour les entreprises de ces multiples administrations fiscales est très élevé. Il semble évident aujourd'hui qu'il est désormais illusoire de parler d'une souveraineté fiscale et ce sont les responsables politiques qui doivent piloter cette mise en place d'une fiscalité européenne, quitte à se faire aider par les comités techniques comprenant les experts fiscaux. Michel Aujean a ainsi plaidé pour un comité de politique fiscale.

Cette réunion fait suite à un rapport publié sous l'égide du Cercle des européens et d'HEC intitulé "vers un impôt européen sur les sociétés". Pour Noëlle Lenoir, sa présidente, il est nécessaire d'aller encore plus loin sur la voie de l'intégration fiscale. Elle estime en effet, dans la note de présentation de ce rapport que "l'impôt doit être juste pour être accepté, sans décourager la production de richesses qui sont à la base de la croissance".Il est urgent d'éviter à la fois l'évasion fiscale et les délocalisations d'entreprises en dehors de l'Europe, qui ont en effet un effet dévastateur sur l'image qu'ont les salariés des entreprises qui en sont victimes.

Pour l'ancienne ministre des affaires européennes, il faut saisir l'occasion de l'instauration d'un système de "guichet unique" pour renforcer la coopération entre les administrations fiscales. Une des propositions phares du Cercle des Européens consisterait en la création d'un comité européen des administrations fiscales (CAFE), ce qui va plus loin qu'une seule coopération entre administrations fiscales. Il serait constitué des représentants de toutes les administrations fiscales nationales en s'adjoignant des experts nationaux détachés. Enfin il s'agirait de doter les Etats membres et l'Union des moyens de lutter contre la fraude fiscale transfrontalière.

Vers un « fédéralisme fiscal » ?

Le temps est probablement venu d'aller vers une sorte de "fédéralisme fiscal" ; le problème semble-t-il est qu'il ne vaut mieux pas prononcer cette expression s'il s'agit d'éviter le veto des certains Etats membres, notamment la Grande-Bretagne dont on connaît la forte hostilité à tout pas supplémentaire vers l'intégration

Les propositions du Cercle des Européenne viennent à point nommé au moment où la crise de la zone euro démontre une fois de plus que la coopération économique et financière et la solidarité restent la seule voie possible.


Noëlle Lenoir et Anne Houtman, le 13 septembre 2011 à Paris


Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes

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